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L'OIM plaide pour un soutien aux familles de migrants disparus

Des Ethiopiens arrivant à Obock, à Djibouti
Olivia Headon/OIM
Des Ethiopiens arrivant à Obock, à Djibouti

L'OIM plaide pour un soutien aux familles de migrants disparus

Migrants et réfugiés

Des dizaines de milliers de personnes vivent dans la douleur et l'incertitude de ne pas savoir ce qu'il est advenu de leurs parents et de leurs proches disparus ou décédés au cours de voyages migratoires dans le monde entier, subissant de nombreux impacts psychosociaux, juridiques et financiers liés à la disparition de leurs proches, a fait valoir vendredi l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). 

« Les familles de migrants disparus sont peu visibles et leurs besoins sont à peine pris en compte », a déclaré le Directeur du Centre mondial d'analyse des données migratoires (GMDAC) de l'OIM à Berlin, Frank Laczko. 

Selon l’OIM, outre l'impératif moral, l'objectif 8 du Pacte mondial sur les migrations appelle spécifiquement les États à identifier les personnes décédées ou disparues et à faciliter la communication avec les familles concernées, « quel que soit le statut migratoire de la personne disparue ou la situation de sa famille ».

Donner une voix aux familles

Le Centre des données migratoires de l'OIM a ainsi mené une recherche qualitative auprès des familles qui recherchent des migrants disparus dans plusieurs pays, afin de mieux comprendre les défis auxquels elles sont confrontées pendant leur recherche et comment elles peuvent être mieux soutenues.  

Des membres de famille des migrants empruntent le même itinéraire migratoire que leurs proches disparus pour tenter de découvrir ce qui leur était arrivé, et que ce faisant, sont confrontés aux mêmes dangers en chemin

Les résultats du premier volet, qui porte sur l’Éthiopie, ont été publiés vendredi dans un rapport intitulé « Familles de migrants disparus : Leur recherche de réponses, les impacts de la perte et les recommandations pour un meilleur soutien en Éthiopie ».

Les résultats des recherches menées auprès des familles de migrants disparus au Royaume-Uni, en Espagne et au Zimbabwe seront publiés au cours des prochains mois.  

Selon le projet de l'OIM sur les migrants disparus et le Bureau du travail et des affaires sociales de l'Éthiopie, entre 2012 et 2020, au moins 7.000 Éthiopiens sont morts ou ont disparu sur les routes migratoires vers l'Afrique du Sud, l'Afrique du Nord, l'Europe et les États du Golfe. 

Il existe également des situations de migrants disparus en transit ou dans les lieux de destination qui ne figurent pas dans cette liste. Il est probable que la plupart de leurs familles, que ce soit en Éthiopie ou ailleurs, n'ont aucune certitude sur ce qui leur est arrivé.  

En Éthiopie, comme dans les autres pays étudiés, il n'existe pas de mécanismes clairs, centralisés ou officiels permettant de signaler les disparitions de migrants, ce qui oblige les personnes craignant qu'il soit arrivé quelque chose à leurs proches au cours de leur périple migratoire à rechercher des informations de manière informelle, par l'intermédiaire d'autres migrants, de passeurs et des médias sociaux.  

Les lacunes en matière d'information et l'absence de mécanismes de recherche efficaces permettent la prévalence d'escroqueries, de fraudes et d'extorsions ciblant les familles à la recherche de leurs proches. Dans certains cas, des Éthiopiens ont raconté que des membres de leur famille avaient emprunté le même itinéraire migratoire que leurs proches disparus pour tenter de découvrir ce qui leur était arrivé, et que ce faisant, ils avaient été confrontés aux mêmes dangers en chemin. 

« Je meurs deux fois » 

À la suite de la disparition de leur proche, les familles interrogées en Éthiopie ont décrit avoir éprouvé un large éventail de problèmes physiques, psychologiques et comportementaux, allant de l'anxiété, la dépression, le désespoir, le stress, la tristesse et la solitude aux troubles du sommeil, à l'incapacité de se concentrer, à la perte d'appétit et à la paralysie. Incapables d'obtenir la confirmation du sort de leurs proches et de l'endroit où ils se trouvent, les familles ne peuvent pas demander l'aide des systèmes d'assurance communautaires et la charge financière accrue affecte de manière disproportionnée les femmes et les parents âgés.

« Mes fils étaient mon espoir. L'un d'eux est mort au cours d'une migration antérieure. Le second est parti à sa recherche et a tenté sa chance pour atteindre l'Afrique du Sud. Il a lui aussi disparu. L'année dernière, il a appelé après être arrivé au Malawi. Il n'a plus jamais appelé », décrit un père de deux fils disparus.

« Je meurs deux fois : [parce que] je les ai perdus et [parce que] j'ai perdu l'espoir. Ils m'aidaient à labourer et à cultiver la terre. Ils étaient ma fierté. Ils étaient mon espoir. Je vieillis et je m'affaiblis. Je ne peux pas travailler. Je compte sur mes proches pour les travaux agricoles, mais ils ne peuvent m'aider qu'après avoir terminé leurs propres travaux »,  regrette-t-il.

Des outils et des services financés par l'État sont nécessaires de toute urgence 

« Les personnes qui perdent leurs enfants, leurs conjoints et d'autres proches ne sont pas des victimes passives », explique Kate Dearden, l'une des coordinatrices de l'OIM pour ce projet, précisant que « les familles en Éthiopie ont développé leurs propres structures de soutien communautaire pour chercher des réponses ».  

Selon l’OIM, des outils et des services financés par l'État sont nécessaires de toute urgence pour signaler et résoudre les cas de migrants disparus dans d'autres pays, ainsi que pour aider les familles à faire face aux impacts de cette situation.  

« Cela nécessite une approche humanitaire de cette question et une coopération soutenue entre les pays », précise l’OIM.