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Au Venezuela, la Covid-19 exacerbe la crise socio-économique (ONU)

Pendant la pandémie de Covid-19, des aliments sont livrés aux communautés prioritaires du Venezuela.
© UNICEF/Alajandra Pocaterra
Pendant la pandémie de Covid-19, des aliments sont livrés aux communautés prioritaires du Venezuela.

Au Venezuela, la Covid-19 exacerbe la crise socio-économique (ONU)

Droits de l'homme

La crise socio-économique et politique au Venezuela a été « exacerbée par l’augmentation des sanctions sectorielles et la pandémie de Covid-19 », a affirmé jeudi la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

Dans un rapport rendu public le 2 juillet, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, note que les médecins et les infirmières au Venezuela ont fait état de mauvaises conditions dans les hôpitaux publics, avec notamment un manque de médicaments et de fournitures médicales, des pénuries d’eau et des coupures d’électricité.

« Les obstacles à l’importation de carburant et de diluants imposés par les sanctions ont aggravé les pénuries de carburant, ce qui a perturbé la production et la distribution de denrées alimentaires et restreint l’accès aux transports et aux services de santé, compliquant encore la réponse à la Covid-19 », précise le rapport présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Devant l’organe onusien, Mme Bachelet s’est toutefois félicitée de l’accord conclu entre le gouvernement et une partie de l’opposition pour s’associer à l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) afin de faire face à la pandémie.

Mais de façon générale, les Vénézuéliens continuent de subir de graves violations de leurs droits socio-économiques en raison des bas salaires, du prix élevé des denrées alimentaires, des carences persistantes des services publics tels que l’électricité, les pénuries d’eau et de carburant, et de l’accès précaire aux soins de santé.

Si la Haut-Commissaire reconnaît une réduction générale des taux d’homicides, elle s’est toutefois dite préoccupée par le « nombre élevé de décès de jeunes par les forces de sécurité » dans ce pays d'Amérique du Sud . En un an, plusieurs dizaines de jeunes hommes ont été tués par les forces de sécurité dont une majorité par l’unité d’élite controversée de la police, selon des données vérifiées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). Les autorités vénézuéliennes ont affirmé que 731 membres des forces de sécurité ont été accusés d’homicide en environ trois ans, dont 117 ont été condamnés.

Plus de 1.300 personnes tuées en cinq mois par les forces de sécurité

Au total, le rapport de l’ONU montre que plus de 1.324 personnes ont été tuées entre janvier et mai au Venezuela dans des opérations sécuritaires. Selon des chiffres compilés par les services de Mme Bachelet, les forces d’action spéciales (FAES) sont accusées d’être responsables de 432 victimes. Et les plus grands nombres de cas ont été enregistrés à Zulia (323), Aragua (148), Bolivar (140) et Lara (121). Dans ces interventions, cinq membres des forces de sécurité ont été tués et seize blessés.

Dans ce climat, « le gouvernement a indiqué que ses forces de sécurité ont déjoué plusieurs tentatives de rébellion », a relevé Mme Bachelet lors de la présentation de son rapport.

« Bien que je reconnaisse l’autorité du gouvernement à poursuivre les personnes présumées responsables de ces actes, je suis préoccupé par le schéma de détentions arbitraires et de violations des garanties d’une procédure régulière, ainsi que par les allégations de torture et de disparitions forcées au cours des premiers jours de détention », a-t-elle ajouté.  

Mme Bachelet demande donc des investigations «systématiques, rapides et indépendantes » sur toutes les exécutions des forces de sécurité et des groupes armés. Elle appelle à nouveau à restreindre les unités spéciales.

Par ailleurs, le HCDH a continué à documenter les restrictions à l’espace civique et démocratique, avec des violations de la liberté d’expression et du droit à l’information. Ces restrictions se sont traduites aussi par la détention de dirigeants politiques, de journalistes, de syndicalistes, de professionnels de la santé et de personnes manifestant pour les services publics. Selon le Haut-Commissariat, les attaques et l’obstruction au travail des parlementaires de l’Assemblée nationale ont également continué.

« Les sanctions économiques privent le Venezuela de ressources »

Plus largement, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU regrette surtout que « les acteurs politiques ne parviennent pas à une solution négociée pour résoudre la profonde crise politique ».

Selon elle, les récentes décisions de la Cour suprême de justice réduisent aussi « la possibilité de créer les conditions nécessaires à des processus électoraux crédibles et démocratiques ». Ces décisions ont permis la nomination de neuf nouveaux recteurs du Conseil national électoral « sans le consensus de toutes les forces politiques et ont interféré avec l’organisation interne de deux des principaux partis politiques d’opposition ». 

Si l’ONU réitère sa disponibilité à contribuer aux efforts d’apaisement au Venezuela, Mme Bachelet a réitéré son appel en faveur « d’une négociation politique inclusive, fondée sur les droits humains et la rétablissement des droits politiques ».

Le Venezuela a déclaré que le mandat conféré au Haut-Commissariat doit se faire dans le plein respect du principe de non-ingérence dans les affaires de l’État. Si ce principe était respecté, on ne parlerait pas aujourd’hui du Venezuela mais des graves violations des droits humains dans certains pays du continent, affirme Caravas.

Pour le Représentant permanent du Venezuela auprès de l’ONU à Genève, des milliards de dollars dans des banques étrangères ne peuvent pas être accessibles pour l’État vénézuélien, ce qui le prive de ressources indispensables pour assurer notamment l’importation de médicaments.

« Le gouvernement américain a maintenu ses sanctions économiques contre le Venezuela, privant le pays des ressources dont il avait besoin pour protéger et fournir ses citoyens », a déclaré l’Ambassadeur Jorge Valero.

S’agissant de la pandémie du nouveau coronavirus, Caracas estime que les principaux problèmes étaient liés à l’imposition de ces mesures pénales unilatérales. Malgré ces actions, plus de 6 millions de familles ont reçu une distribution de nourriture et a effectué 1,9 millions de tests de dépistage. 

Selon un bilan établi jeudi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Venezuela recense 5.832 cas confirmés de Covid-19 dont 51 décès.