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Soins à la personne : il faut doubler les investissements et s’attaquer aux disparités femmes-hommes (OIT)

Une professionnelle de santé dans un village près de Kayar, au Sénégal, fournit des soins à des patients, dont des traitements contre le paludisme.
Photo Fonds mondial/Nana Kofi Acquah
Une professionnelle de santé dans un village près de Kayar, au Sénégal, fournit des soins à des patients, dont des traitements contre le paludisme.

Soins à la personne : il faut doubler les investissements et s’attaquer aux disparités femmes-hommes (OIT)

Santé

L’Organisation internationale du travail (OIT) a appelé jeudi à doubler les investissements dans l’économie des soins à la personne, faute de quoi le secteur risque de connaître une crise mondiale imminente.

2,3 milliards de personnes auront besoin de soins en 2030, estime l’OIT. Selon un rapport publié par l’agence onusienne, des changements radicaux de politiques doivent permettre de faire face aux besoins croissants en matière de soins.

« La prédominance des familles nucléaires et des familles monoparentales à l’échelle mondiale et l’essor du travail des femmes dans certains pays accroissent la demande de main-d’œuvre dans le secteur des soins à la personne », explique Laura Addati, auteure principale du rapport.

« Si les déficits actuels de prestations de soin, en termes de volume et de qualité, ne sont pas comblés de manière satisfaisante, ils vont provoquer une crise grave et intenable des soins à l’échelle mondiale et une nouvelle aggravation des inégalités entre hommes et femmes dans le monde du travail », a-t-elle prévenu.

Les femmes assument l’essentiel des activités de soins non rémunérées

L’OIT appelle également à s’attaquer aux énormes disparités entre hommes et femmes en matière de responsabilités familiales. Selon le rapport de l’OIT, les femmes s’acquittent de plus des trois quarts des activités de soins non rémunérées, soit trois fois plus que les hommes.

Dans certains pays, la contribution des hommes au travail de soin non rémunéré a progressé au cours des 20 dernières années. Cependant, dans les 23 pays qui fournissent des données allant dans ce sens, l’écart entre hommes et femmes quant au temps consacré aux responsabilités familiales non rémunérées a diminué d’à peine 7 minutes par jour en deux décennies. « A ce rythme, cela prendra 210 ans pour combler l’écart entre hommes et femmes dans ces pays », alerte Shauna Olney, Cheffe du Service Genre, égalité et diversité de l’OIT.

Pour la responsable de l’OIT, « le rythme extrêmement lent de ces changements interroge sur l’efficacité des politiques, passées et présentes, pour répondre à l’ampleur et à la division des activités de soins non rémunérées au cours des vingt dernières années ».

Le rapport indique que les activités de soins non rémunérées sont le principal obstacle à l’accès et au maintien des femmes sur le marché du travail et à leur progression professionnelle. En 2018, 606 millions de femmes en âge de travailler déclarent qu’elles ne peuvent pas le faire en raison de leurs activités familiales et ménagères non rémunérées. Seuls 41 millions d’hommes déclarent qu’ils ne travaillent pas pour des raisons similaires.

269 millions d’emplois créés d’ici à 2030

Le rapport de l’OIT souligne qu’environ 269 millions nouveaux emplois pourraient être créés si l’on doublait les investissements dans l’éducation, la santé et le travail social d’ici à 2030.

Cela impliquerait des dépenses publiques et privées totales dans les services de soins à la personne de 18.400 milliards de dollars, soit 18,3% du PIB total prévu. Ces investissements permettraient aux pays d’atteindre plusieurs cibles de quatre Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD)  d’ici à 2030 : l’ODD 3 (Santé et bien-être pour tous), l’ODD 4 (Education de qualité), l’ODD 5 (Egalité des sexes) et l’ODD 8 (Travail décent et croissance économique).

Le rapport montre également que la plupart de la main-d’œuvre des soins à la personne est constituée de femmes, souvent des migrantes, qui travaillent dans l’économie informelle dans des conditions précaires et pour une faible rémunération. « Une approche ambitieuse des activités de soins à la personne signifie qu’il faut reconnaître, réduire et redistribuer les activités de soins non rémunérées et garantir un travail décent à ces personnels, y compris aux travailleurs domestiques et aux travailleurs migrants », souligne Laura Addati.

L’auteure du rapport souligne qu’une mauvaise qualité des emplois des travailleurs dans le secteur des soins à la personne entraîne une mauvaise qualité des soins. « Notre rapport appelle à opérer des changements drastiques dans les politiques macroéconomiques et les politiques de soin, de protection sociale, de travail, et les politiques migratoires », conclut Mme Addati.