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« Il y a plus de Rohingyas à l’extérieur du Myanmar qu’à l’intérieur du pays » - Experte ONU

Des réfugiés rohingyas
Photo: PAM / Saikat Mojumder
Des réfugiés rohingyas

« Il y a plus de Rohingyas à l’extérieur du Myanmar qu’à l’intérieur du pays » - Experte ONU

Droits de l'homme

À Genève, la Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Yanghee Lee, a affirmé ce qui est maintenant irréfutable : « il y a plus de Rohingyas à l’extérieur du Myanmar qu’à l’intérieur du pays », a-t-elle déclaré lundi devant le Conseil des droits de l’homme.

La vaste majorité des réfugiés rohingyas se trouvent à Cox’s Bazar, au Bangladesh, a dit la Rapporteure spéciale, soulignant que les attaques du 25 août attribuées à l’Armée de Libération des Rohingyas de l’Arakan (ARSA) et la réponse des forces de sécurité qui a suivi ont poussé un nombre record de Rohingyas à fuir l’État de Rakhine.

Mais pour Mme Lee, « le pire reste à venir », car les militaires cherchent à terminer leur « œuvre inachevé », c’est-à-dire, chasser tous les Rohingyas du Myanmar. L’experte indépendante onusienne met en avant « des preuves de plus en plus évidentes », dont « ces images satellites montrant la destruction de villages de Rohingyas détruits par les forces de sécurité ».

« Hier encore, de nouvelles images satellitaires ont révélé que des bases militaires sont en train d’être construites dans ces zones détruites par les bulldozers. Cela jette un doute supplémentaire sur la sincérité du Myanmar concernant le rapatriement des Rohingyas depuis Bangladesh », a ajouté la Rapporteure spéciale.

Dans ces conditions, « il sera impossible pour quiconque de revendiquer d’où il vient ou de décrire où il a vécu auparavant si le paysage de la région a été modifié de façon si importante », a alerté Mme Lee qui s’est également dite préoccupée par ce qui ressemble à une politique de famine forcée dans le nord de l’Etat de Rakhine. Une politique conçue pour rendre la vie insoutenable pour les Rohingyas qui y demeurent encore.

Au moins 319 villages partiellement ou totalement détruits dans l’Etat de Rakhine

De son côté, Marzuki Darusman, le Président de la mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar a indiqué que son équipe a répertorié des données crédibles sur de nombreuses victimes de graves abus des forces de sécurité.

Les enquêteurs ont ainsi souligné qu’au moins 319 villages ont été partiellement ou totalement détruits depuis août dans l’Etat de Rakhine. Outre les images satellites, « nous avons des centaines de témoignages sur la volonté des autorités d’éliminer toute trace restante » des Rohingyas dans certains villages et des crimes perpétrés, a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme le Président de la Mission.

M. Darusman a dénoncé une violence répandue et systématique menée par les autorités. Des actes qui laissent entendre une planification et une organisation que la Mission va examiner en détail.

Face au sombre tableau décrit par les experts indépendants onusiens, le Myanmar a rappelé que son gouvernement ne tolérera jamais de tels crimes et est prêt à prendre les mesures nécessaires dès lors que les preuves l’exigent. La destruction au bulldozer fait partie de la création d’infrastructures pour les rapatriés, a assuré Naypidaw qui a toutefois dénoncé l’objectivité des enquêteurs de l’ONU et estimé « déraisonnable » d’affirmer que son gouvernement est indifférent aux droits de l’homme.

La Mission d’établissement des faits n’a pas eu accès au Myanmar mais a mené plus de 600 entretiens de victimes et de témoins dans différents pays. La Rapporteure spéciale s’est également vu refuser l’accès au pays par le gouvernement qui a refusé de coopérer avec elle.

Mme Lee a recommandé la mise sur pied d’une structure qui serait basée à Cox’s Bazar, sous les auspices des Nations Unies, afin de continuer à enquêter, collecter, documenter, consolider, cartographier et analyser les preuves de violations des droits de l’homme commises entre le 9 octobre 2016 et 25 août 2017.

Les enquêteurs de la Mission ont plaidé de leur côté pour la création d’un mécanisme de suivi qui garantirait la reddition de comptes au Myanmar.

Les trois enquêteurs rendront leur rapport en septembre prochain lors de la 38e session du Conseil des droits de l’homme à Genève.