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Myanmar : les dirigeants de l’armée doivent répondre du chef d'accusation de génocide (rapport de l’ONU)

Les Rohingyas musulmans du Myanmar ont fui au Bangladesh après avoir été victimes de persécutions brutales qui, selon des enquêteurs  de l’ONU, pourraient constituer des crimes contre l’humanité.
HCR/Roger Arnold
Les Rohingyas musulmans du Myanmar ont fui au Bangladesh après avoir été victimes de persécutions brutales qui, selon des enquêteurs de l’ONU, pourraient constituer des crimes contre l’humanité.

Myanmar : les dirigeants de l’armée doivent répondre du chef d'accusation de génocide (rapport de l’ONU)

Droits de l'homme

Un après l’éclatement des violences dans l’Etat de Rakhine, une mission d’enquête de l’ONU a appelé à traduire en justice de hauts responsables de l’armée du Myanmar.

Dans un rapport rendu public lundi, la Mission internationale indépendante de l’ONU pour l’établissement des faits au Myanmar a conclu que les généraux à la tête de l’armée du pays doivent répondre des accusations de génocide dans le nord de l’Etat de Rakhine ainsi que des accusations de crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans les Etats de Rakhine, de Kachin et de Shan.

La Mission, créée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en mars 2017, a constaté des violations flagrantes des droits de l'homme perpétrées par le Tatmadaw - l'armée du pays - et d'autres forces de sécurité dans ces États du Myanmar. Des violations « qui constituent sans aucun doute les crimes les plus graves au regard du droit international ».

« Les impératifs militaires ne justifieraient en aucun cas de tuer sans discrimination, de violer des femmes en groupe, d’agresser des enfants et de brûler des villages entiers. Les tactiques du Tatmadaw sont systématiquement et excessivement disproportionnées par rapport aux menaces réelles à la sécurité, en particulier dans l’État de Rakhine, mais aussi dans le nord du Myanmar », indiquent les enquêteurs de la Mission dans leur rapport.

Pour la mission d’établissement des faits, les tactiques employées par l’armée et les forces de sécurité « sont choquantes par le niveau de déni, de normalité et d’impunité qui leur est attaché. Le mépris du Tatmadaw pour la vie humaine, l'intégrité et la liberté, et pour le droit international en général, devrait être une source de préoccupation pour l'ensemble de la population ».

Les meurtres, emprisonnements, disparitions forcées, tortures, viols, esclavage sexuel et autres formes de violence sexuelle, persécutions et asservissements font partie des crimes contre l'humanité commis dans les États de Kachin, Shan et Rakhine. Dans ce dernier État qui a vu fuir plus de 700.000 membres de la minorité musulmane rohingya depuis un an, des éléments d’extermination et de déportation ont également été relevés.

La Mission a conclu « qu’il existe suffisamment d’informations pour justifier l’ouverture d’enquêtes et la poursuite en justice de hauts responsables de la chaîne de commandement Tatmadaw, afin qu’un tribunal compétent puisse déterminer leur responsabilité pour génocide en relation avec la situation dans l’État de Rakhine ».

La Mission a établi une liste des auteurs présumés de ces crimes ayant eu un contrôle effectif et porteant la plus grande responsabilité, soulignant qu’ils doivent faire l’objet, en priorité, d’enquête et de poursuites.

La responsabilité pour ces crimes commence au sommet de l’armée, avec le chef de la Tatmadaw, le général en chef Min Aung Hlaing. Cinq autres commandants militaires sont également nommés dans le rapport : le commandant en chef adjoint, le vice-général en chef, Soe Win ; le commandant du Bureau des opérations spéciales-3, le lieutenant-général Aung Kyaw Zaw ; le commandant militaire de la région ouest, le major-général Maung Maung Soe ; le commandant de la 33e division d'infanterie légère, le brigadier-général Aung Aung ; le commandant de la 99e division d'infanterie légère, brigadier-général Than Oo.

Déferrer la situation devant la CPI ou une juridiction pénale internationale ad hoc

La Mission a indiqué qu’une liste comportant d’autres noms soupçonnés d’avoir participer à ces crimes sera conservée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH). Cette liste pourra être partagée avec tout organe compétent et crédible chargé de lutter contre l’impunité conformément au droit international.

Le rapport de la Mission a par ailleurs souligné que « la conseillère d'Etat, Daw Aung San Suu Kyi, n’a utilisé ni sa position de facto de chef du gouvernement, ni son autorité morale, pour endiguer ou empêcher les événements en cours dans l'Etat de Rakhine ».

Selon le rapport, « l’impunité est profondément ancrée dans le système politique et juridique du Myanmar, plaçant le Tatmadaw au-dessus de la loi », précisant que la justice reste inaccessible aux victimes dans le pays depuis des décennies. « L'impulsion de la responsabilité doit venir de la communauté internationale ».

La Mission d’établissement des faits a demandé que la situation au Myanmar soit renvoyée devant la Cour pénale internationale (CPI) ou qu'un tribunal pénal international ad hoc soit créé. Entre-temps, il a appelé à un mécanisme indépendant et impartial pour collecter, consolider, préserver et analyser les preuves de violations. Il a également recommandé des sanctions individuelles ciblées contre ceux qui semblent être les responsables les plus importants de ces violations.