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Alors que le conflit syrien entre dans sa sixième année, les pourparlers de paix ont repris à Genève, selon l'ONU

A Alep, en Syrie, Esraa, quatre ans et son frère Waleed, trois ans, sont assis au sol près d'un abri pour des personnes déplacées.
UNICEF/UN013175/Al-Issa
A Alep, en Syrie, Esraa, quatre ans et son frère Waleed, trois ans, sont assis au sol près d'un abri pour des personnes déplacées.

Alors que le conflit syrien entre dans sa sixième année, les pourparlers de paix ont repris à Genève, selon l'ONU

Après cinq années de conflit en Syrie, des « pourparlers de proximité » ont repris à Genève entre les représentants du gouvernement et de l'opposition, a salué lundi l'envoyé des Nations Unies pour le pays, ajoutant que la cessation « fragile » des hostilités se maintient depuis 18 jours dans le pays.

S'exprimant devant les journalistes lors d'une conférence de presse dans la ville suisse, le jour du cinquième anniversaire du conflit syrien, l'Envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a déclaré que la reprise des pourparlers de paix inter-syriens est « un moment de vérité » et que la seul autre alternative possible est un retour « à une guerre encore pire que celle que nous avions jusqu'à présent ».

M. de Mistura a ajouté que, s'il facilite la tenue de ces pourparlers, « les véritables artisans de la paix ici sont les pouvoirs qui ont voulu ces pourparlers, le GSEE [Groupe international de soutien à la Syrie] et les membres du Conseil de sécurité, et, espérons-le, les parties syriennes ».

Outre l'ONU, le GSSE comprend la Ligue des Etats arabes, la Chine, l'Egypte, l'Union européenne, la France, l'Allemagne, l'Iran, l'Iraq, l'Italie, la Jordanie, le Liban, l'Organisation de la coopération islamique, Oman, Qatar, la Russie, l'Arabie saoudite, la Turquie, les Emirats arabes unis, le Royaume Uni, et les Etats-Unis.

Ces nouveaux pourparlers se centreront sur les questions de gouvernance, y compris l'adoption d'une nouvelle Constitution en Syrie et la tenue d'élections, a ajouté l'Envoyé spécial.

« Le maitre mot sera 'inclusif' », a en outre noté M. de Mistura, tout en espérant que ces « pourparlers de proximité » conduisent à des négociations directes entre les parties.

L'Envoyé spécial a averti que certains détracteurs essaieront sans doute de faire échouer ces pourparlers de paix, mais que la solution sera de faire preuve de sang-froid et détermination.

En plus des entretiens dans le cadre des pourparlers, deux groupes de travail créés par le GSEE supervisent la livraison de l'aide humanitaire à des milliers de Syriens depuis la cessation des hostilités le 27 février dernier, a indiqué M. de Mistura.

Les Syriens qui ont cherché refuge dans les pays voisins observent avec attention de l'évolution de cette cessation des hostilités, a ajouté M. de Mistura, qui devait informer le Conseil de sécurité de l'ONU dans la journée lors de consultations à huis-clos sur la conduite des pourparlers.

Parallèlement, sur le terrain, à moins que les besoins et les droits de plus de huit millions d'enfants syriens ne soient pris en compte, toute une génération et des décennies de développement seront bel et bien perdues, met en garde un nouveau rapport du Fond des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), publié lundi.

Intitulé 'Pas de place pour les enfants' ('No Place for Children'), le nouveau rapport de l'UNICEF indique qu'environ 8,4 millions d'enfants, soit plus de 80% des enfants syriens, sont désormais touchés par le conflit, à l'intérieur du pays ou en tant que réfugiés dans les Etats voisins de la Syrie.

« Quel message devons-nous adresser à ses enfants et à tous ceux de Syrie ? Que ce n'est pas notre problème s'ils deviennent une génération perdue en raison des dégâts causés en matière d'éducation et de santé, qui les affecteront pour les années à venir ? », a déclaré le Directeur exécutif de l'UNICEF, Anthony Lake, dans l'introduction du rapport.

« Nous ne pouvons pas restaurer les précieuses années d'enfance arrachées par cette guerre brutale, mais nous pouvons et nous devons empêcher leur avenir de leur être également volé », a-t-il ajouté. « Car leur avenir est l'avenir de la Syrie ».

Le rapport cite notamment un adolescent syrien de 13 ans réfugié en Turquie, Mohammed, qui fait face à l'incertitude de l'avenir.

« Je suis un peu entre espoir et désespoir. Peut-être qu'avec le temps, je serai en mesure de répondre à cette question », a-t-il dit. « J'aimerais qu'il y ait un pouvoir sur terre suffisamment puissant pour me rendre les choses que j'ai perdues ».

Le rapport documente les diverses façons dont les enfants sont touchés par le conflit, et propose cinq pistes essentielles pour les protéger.

Publié à l'occasion du cinquième anniversaire du début du conflit syrien, le rapport indique que 3,7 millions d'enfants syriens ont cinq ans ou plus, ajoutant que le conflit, « le plus mortel et complexe » de notre temps, est par conséquent le seul mode d'existence que ces enfant ont jamais connu.

« La violence est devenue monnaie courante dans les maisons, les écoles, les hôpitaux, les cliniques, les parcs, les terrains de jeux et les lieux de culte », déplore dans le rapport le Directeur régional de l'UNICEF pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Peter Salama, ajoutant que 7 millions d'enfants syriens vivent aussi dans la pauvreté.

L'UNICEF a en outre documenté près de 1.500 violations graves contre les enfants en 2015, indique le rapport. Plus de 60% de ces violations ont trait à des meurtres et mutilations suite à des explosions survenues dans des zones peuplées, très souvent alors que l'enfant étaient sur le chemin, ou revenaient, de l'école.

En raison de la guerre, de nombreux enfants sont contraints de pourvoir aux besoins de leur famille ou de prendre les armes, ajoute le rapport.

« Alors que le conflit continue, les enfants sont forcés de prendre part à une guerre d'adultes ; ils continuent d'abandonner l'école, et beaucoup sont contraints de travailler, tandis que les filles se marient tôt », a déploré M. Salama.

L'âge moyen de recrutement des enfants a par ailleurs diminué, poursuit le rapport, au point que des enfants de 7 ans sont désormais utilisés dans le conflit, sans le consentement de leurs parents.

Le rapport souligne notamment que les parties au conflit utilisent maintenant les enfants « pour tuer, y compris en tant que bourreaux ou tireurs d'élite ».

En conséquence, les taux de scolarisation, même dans les cas où l'éducation est disponible, ont « touché le fond », indique le rapport, estimant que plus de 2,1 millions d'enfants à l'intérieur de la Syrie, et 700.000 dans les pays voisins, sont déscolarisés.

Pour faire face à cette situation désastreuse, l'UNICEF et ses partenaires ont lancé l'initiative 'Pas de génération perdue' ('No Lost Generation'), qui a pour but de scolariser à nouveau les enfants et de leur offrir des opportunités d'apprentissage.

Investir dans l'apprentissage est l'une des cinq recommandations que l'UNICEF propose dans son rapport.

L'agence de l'ONU appelle également à financer 1,4 milliard de dollars cette année pour soutenir environ 4 millions d'enfants et de jeunes à l'intérieur de la Syrie et dans les pays voisins, afin qu'ils puissent accéder à une éducation formelle ou informelle.

L'agence appelle en outre les parties à mettre fin aux violations des droits des enfants et leur demande de respecter leurs obligations découlant du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme.

L'UNICEF appelle également toutes les parties au conflit à garantir un accès immédiat, sans entrave et durable aux zones assiégées et difficiles à atteindre, afin que la communauté humanitaire soit en mesure de venir en aide à tous les enfants du pays.