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Mauritanie: saluant un plan national contre le racisme, un expert de l'ONU plaide pour une participation élargie

Mutuma Ruteere, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée.
ONU/Evan Schneider
Mutuma Ruteere, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée.

Mauritanie: saluant un plan national contre le racisme, un expert de l'ONU plaide pour une participation élargie

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme a salué lundi le début d'un processus visant à élaborer un plan d'action national contre la discrimination raciale en Mauritanie, tout en exhortant les autorités à se baser sur une analyse approfondie et une évaluation de tous les aspects de la discrimination dans le pays.

« Le processus d'élaboration du plan doit être inclusif et participatif, pour que toutes les parties concernées puissent se l'approprier et s'assurer de sa mise en œuvre, mais aussi mesurable », a recommandé Mutuma Ruteere au terme de son déplacement en Mauritanie, la semaine dernière.

« J'ai moi-même observé combien les questions relatives à la discrimination préoccupent les gens. C'est pourquoi il est d'autant plus important que tous les acteurs puissent échanger et débattre sur le contenu du plan d'action », a encore préconisé l'expert.

Selon lui, une évaluation approfondie ne peut être entreprise sans statistiques détaillées sur l'ascendance et l'origine ethnique, le sexe et l'âge et recueillies sur la base de l'auto-identification. « Sans données ventilées par origine ethnique, il reste difficile de cerner la situation des groupes marginalisés et d'évaluer les progrès accomplis dans la lutte contre la discrimination et l'exclusion », a expliqué le Rapporteur spécial.

Il a félicité les autorités mauritaniennes pour la création d'une Commission nationale des droits de l'homme, l'inscription dans la constitution de la nation de diversité ethnoculturelle et la promulgation d'une loi sur l'esclavage.

Toutefois, M. Ruteere a noté un certain nombre de défis persistants relatifs au rythme de l'application effective de la loi, appelant le gouvernement à en faire une priorité. « Beaucoup de gens perdent confiance dans les institutions et le système judiciaire », a-t-il mis en garde. « Il faut améliorer l'efficacité de ces institutions dans la lutte contre la discrimination et regagner la confiance de l'opinion publique quant à l'efficacité et l'engagement des institutions dans l'application des lois ».

« Les efforts déployés pour mettre en œuvre l'Accord tripartite 2007, qui a permis le retour de plus de 24.000 Mauritaniens entre 2008 et 2012, sont remarquables », a-t-il reconnu. « Pourtant, les souvenirs douloureux des événements de 1989 restent vivaces dans la vie des femmes, des hommes, de beaucoup de filles et de garçons qui ont perdu des êtres chers, des maisons et des terres, ainsi que leurs papiers d'identité ».

Les préoccupations relatives à l'enrôlement et l'indemnisation pour certains des rapatriés, à la poursuite des conflits fonciers et à l'absence de responsabilités pour les violations des droits humains doivent être sur l'ordre du jour de la réconciliation nationale, un préalable à la construction d'une société inclusive et diverse.

« J'ai trouvé la société mauritanienne extrêmement stratifiée. La discrimination basée sur les castes et l'ethnicité est aussi bien intercommunautaire qu'intracommunautaire; la pauvreté est également un vecteur d'inégalités entre et au sein des communautés », a déclaré M. Ruteere. « Il est important de reconnaître la pauvreté comme cause sous-jacente de la discrimination, que le gouvernement a tenté de réduire en investissant essentiellement dans des programmes visant à améliorer les conditions de vie des groupes historiquement marginalisés ».

« Tout comme mon prédécesseur l'a observé, bien que la discrimination ne soit pas institutionnalisée de jure, de nombreuses personnes ne disposent pas de l'égalité des chances en matière d'éducation, d'emploi et d'opportunités économiques », a indiqué le Rapporteur spécial tout en soulignant que la langue est perçue comme un moyen de domination par certains groupes au détriment d'autres, et que le manque de diversité ethnique aux postes clés du gouvernement et de l'administration publique est perçue comme un reflet de l'exclusion.

L'expert a également alerté sur le fait que bien que l'esclavage ai été interdit en Mauritanie, il y'a encore des personnes qui sont victimes de pratiques analogues. « Femmes et filles continuent d'être particulièrement vulnérables et soumises à diverses formes de violence, notamment sexuelle », a-t-il prévenu. « Les cadres institutionnels et juridiques doivent être renforcé de sorte que les auteurs des violations soient tenus de rendre compte ».

Les conclusions et recommandations du Rapporteur spécial seront présentées dans un rapport au Conseil des droits de l'homme, en juin 2014.