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Lutte contre le terrorisme : un expert critique le régime créé par le Conseil de sécurité

Lutte contre le terrorisme : un expert critique le régime créé par le Conseil de sécurité

Martin Scheinin.
« Le régime de lutte contre le terrorisme créé par le Conseil de sécurité dépasse le cadre de ses pouvoirs », a estimé cette semaine le Rapporteur spécial sur la lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme, Martin Scheinin, lors de la présentation de son rapport annuel à l'Assemblée générale de l'ONU.

Selon lui, les obligations de notification imposées aux Etats membres par la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme « équivalent à une mesure quasi-législative illimitée dans le temps et l'espace ».

Ces obligations « sont désormais détachées d'une situation concrète de conflit prévu par le chapitre VII de la Charte de l'ONU et continuent de poser des risques pour la protection des droits de l'homme et la primauté du droit international », a-t-il poursuivi.

Pour le Rapporteur, il est problématique d'imposer des obligations contraignantes permanentes pour des actes de terrorisme qui n'ont pas encore eu lieu, dans la mesure où « il n'existe pas de définition précise et universellement acceptée du terrorisme ».

Lors de son exposé, Martin Scheinin a également rappelé que les progrès rapides réalisés dans la ratification de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme depuis 2001 « ont fourni une base juridique appropriée pour encadrer les obligations des États dans ce domaine ».

Pour l'expert onusien, tout aussi problématique est le régime de sanction créé par la résolution 1267 (1999) contre Al-Qaïda et les Taliban, basé sur l'existence d'une menace concrète pour la paix et la stabilité internationale, « mais qui a par la suite été étendu à un système ouvert de sanctions sans liens avec le territoire d'un Etat ».

Tout en se félicitant de la création en 2009 d'un Bureau du Médiateur du Comité 1267 –le comité de sanction contre Al Qaida et les Taliban- initiée par le Conseil de sécurité pour réformer les procédures de radiation des listes, Martin Scheinin estime que « le système actuel continue de poser des problèmes pour le respect des droits de l'homme ».

« Il est essentiel que les personnes et entités désignées aient accès aux tribunaux nationaux pour contester toute mesure d'exécution de sanctions, qui sont le résultat de décisions politiques prises par des diplomates », a-t-il expliqué.

Le Rapporteur spécial recommande donc au Conseil de sécurité de remplacer les régimes créés par les résolutions 1373 et 1267 par une résolution unique, qui n'ait pas la force contraignante du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

« Cela placerait les mesures anti-terroristes et les obligations de notification imposées aux Etats sous un cadre unique », a-t-il indiqué, ajoutant qu'une « telle résolution devrait inclure des dispositions explicites aux droits de l'homme et réaffirmé l'obligation des Nations Unies de se conformer au droit international ».

« Le listage de personnes par leur nom au niveau de l'ONU devrait être remplacé par des mesures de conseils et d'assistance aux États membres, y compris sur les garanties de procédure régulière dans l'établissement des listes nationales de terroristes », a encore estimé Martin Scheinin, qui a souligné toutefois que les mesures de lutte contre le terrorisme et celles de protection des droits de l'homme n'étaient « pas contradictoires ».

« Les efforts en faveur de la défense des droits de l'homme rendent la lutte contre le terrorisme par les États encore plus efficace, dans la mesure où les violations des droits de l'homme par les États ne font que renforcer les motifs du terrorisme », a-t-il conclu.