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Cambodge : quatre anciens hauts responsables khmers rouges inculpés

Cambodge : quatre anciens hauts responsables khmers rouges inculpés

L'accusée Ieng Thirith (au centre) devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. (février 2009)
Le tribunal soutenu par les Nations Unies au Cambodge et chargé de juger les crimes commis sous le régime khmer rouge il y a trente ans a inculpé jeudi quatre anciens hauts responsables de ce régime.

Ieng Sary, Ieng Thirith, Khieu Samphan et Nuon Chea, les quatre plus hauts responsables du régime du Kampuchea démocratique encore vivants, ont été renvoyés le 15 septembre devant la Chambre de première instance des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), aux motifs de crimes contre l'humanité, génocide, violations graves des Conventions de Genève du 12 août 1949, infractions au Code pénal cambodgien de 1956.

Ieng Sary était ministre des affaires étrangères sous les Khmers rouges, alors que son épouse Ieng Thirith était ministre de l'action sociale. Khieu Samphan était chef de l'Etat et Nuon Chea était dénommé “ Frère numéro deux ».

Les deux co-juges d'instruction, You Bunleng et Marcel Lemonde, ont signé l'ordonnance de clôture du dossier, renvoyant en jugement les quatre accusés. De 1975 à 1979, sous le régime des Khmers rouges, plus de 1,7 million de Cambodgiens, soit environ un quart de la population, sont morts exécutés ou épuisés par le travail forcé. Après le renversement du régime en 1979, le pays a plongé dans une guerre civile qui s'est achevée en 1998.

Les quatre individus sont accusés « de crimes contre l'humanité, spécifiquement d'extermination, meurtre, réduction en esclavage, déportation (de Vietnamiens), emprisonnement, torture, persécution pour motifs politiques, raciaux ou religieux, viol et d'autres actes inhumains dans le cadre d'une attaque visant la population du Cambodge dans son ensemble », ont indiqué les Chambres par communiqué de presse.

Ils sont aussi accusés de « génocide des Chams et des Vietnamiens » et de violations graves des Conventions de Genève du 12 août 1949, notamment « d'homicide intentionnel, torture et traitement inhumain et de déportation et détention illégales de civils, visant des personnes protégées dans la cadre d'un conflit armé international avec le Vietnam ». Au regard du Code pénal cambodgien de 1956, les quatre accusés sont présumés responsables « d'homicide, torture et persécution religieuse ».

Dans un premier verdict rendu en juillet 2010, les CETC ont condamné à 35 ans de prison Kaing Guek Eav, alias Duch, l'ancien directeur de la prison du régime S-21. En août, les procureurs des CETC ont fait appel de cette condamnation, estimant qu'elle ne prenait pas en compte de manière suffisante de la gravité des crimes commis.

Concernant les quatre nouveaux inculpés, l'instruction a particulièrement porté sur les aspects de « déplacement (à trois reprises) de la population des agglomérations vers la campagne puis entre les zones rurales ; de la création et de l'exploitation de coopératives et de camps de travail (six sites); de la rééducation des 'mauvais éléments' et de l'élimination des 'ennemis' au moyen de centres de sécurité et de sites d'exécution (onze centres et trois sites d'exécution); de crimes à l'encontre de groupes spécifiques, notamment les Chams, les Vietnamiens et les Bouddhistes ».

A l'issue de l'instruction, le dossier comporte 46 procès-verbaux d'interrogatoires des personnes mises en examen et plus de 1.000 procès-verbaux d'audition de témoins et de parties civiles. Parallèlement, les co-juges d'instruction se sont prononcés sur la recevabilité de 3.988 constitutions de parties civiles. 2.123 d'entre elles ont été déclarées recevables.

Les quatre accusés sont maintenus en détention jusqu'à leur comparution devant la Chambre de première instance.

En 2001, en collaboration avec l'ONU, le Cambodge a voté une loi créant un tribunal pour traduire en justice les auteurs des crimes commis sous le régime des Khmers rouges : les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens pour la poursuite des crimes commis pendant la période du Kampuchéa Démocratique (CETC).