L'actualité mondiale Un regard humain

Cambodge : les procureurs font appel de la condamnation du tortionnaire Duch

Cambodge : les procureurs font appel de la condamnation du tortionnaire Duch

Kaing Guek Eav, alias "Duch"
Les procureurs des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (CETC) ont fait appel lundi de la condamnation à 35 ans de prison, prononcée le 26 juillet, contre Kaing Guek Eav, alias Duch, l'ancien directeur de la prison du régime S-21. Ils ont par ailleurs demandé l'ouverture du procès de quatre autres anciens responsables khmers rouges, poursuivis pour crime de guerre et crimes contre l'humanité.

Dans une note diffusée lundi par les CETC, les procureurs « demandent à la Chambre de la Cour suprême d'augmenter la durée d'emprisonnement » infligée à Duch. Ils estiment en effet que cette condamnation « donne un poids insuffisant à la gravité des crimes commis, à son rôle et à sa participation de plein gré à ces crimes ». Le parquet souligne également « qu'une importance indue est donnée aux circonstances atténuantes applicables à Duch ».

Estimant aussi que le « jugement n'est pas parvenu à révéler toute l'étendue de la conduite criminelle de Duch », ils considèrent que l'ancien directeur du S-21 « devrait être séparément accusé de crimes contre l'humanité, d'esclavagisme, emprisonnement, torture, viol, extermination et autres actes inhumains ». Pour eux, ces crimes ne devaient en effet pas « être résumés sous la seule dénomination de crimes de persécution et torture ». Ils critiquent notamment le fait que « l'accusation d'esclavagisme envers la majorité des détenus à S-21 » n'ait pas été retenue, car les « éléments juridiques du crime d'esclavagisme n'ont pas été correctement définis dans le jugement ».

A l'issue du procès en première instance, 40 ans de prison avaient été requis à l'encontre de Duch. Le 26 juillet, il a été condamné à 35 ans de prison, mais la Cour a retranché de cette peine, cinq années pour détention illégale et onze années pour la peine déjà effectuée. Agé de 67 ans, l'ancien directeur du S-21 doit passer 19 années derrière les barreaux.

Par ailleurs, dans l'autre procès phare du régime khmer rouge, appelé « cas n°2 » et qui concerne d'autres anciens dirigeants encore en vie, les procureurs ont demandé le renvoi devant le tribunal de Nuon Chea, chef de la sécurité et considéré comme l'idéologue et le n°2 du régime, Ieng Sary, l'ancien ministre khmer des affaires étrangères, Khieu Samphan, président du Présidium Khmer, et Ieng Thirith, membre du comité central du parti communiste khmer. Ces quatre personnes seront poursuivies « pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide et violations de la Convention de Genève de 1956 », indique une note publiée lundi par le CETC.

Cette demande intervient après que les juges d'instruction chargés des enquêtes préliminaires ont rendu leurs conclusions démontrant que les accusés avaient « commis ces crimes au travers d'une entreprise criminelle commune, dont l'objectif était de d'imposer une révolution au Cambodge et de détruire systématiquement toute opposition au régime khmer rouge ». Leur décision se fonde « sur 2.800 documents de preuves incluant des témoignages de victimes, d'accusés et d'experts, ainsi que de documents d'archives du régime khmer ».

Dans leur communiqué, les procureurs des CETC ajoutent qu'ils soutiennent l'initiative des juges d'instructions qui ont demandé l'abandon des poursuites contre Duch dans cette affaire, pour ses crimes commis hors de la prison S-21. Ils ont estimé que celui-ci étant déjà jugé pour crimes de guerres et crimes contre l'humanité comme ancien directeur de la prison du régime S-21, « les poursuites pour des crimes commis hors de la prison ne seraient pas dans l'intérêt du public ».

Ils considèrent enfin que « le retrait de Duch du cas n°2 permettra d'assurer un procès plus rapide et plus équitable » des quatre autres dirigeants khmers, « dont la culpabilité doit encore être déterminée ».

De 1975 à 1979, sous le régime des Khmers rouges, plus de 1,7 million de Cambodgiens, soit environ un quart de la population, sont morts exécutés ou épuisés par le travail forcé. Après le renversement du régime en 1979, le pays a plongé dans une guerre civile qui s'est achevée en 1998. En 2001, en collaboration avec l'ONU, le Cambodge a voté une loi portant créant un tribunal pour traduire en justice les auteurs des crimes commis sous le régime khmer rouge : les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens pour la poursuite des crimes commis pendant la période du Kampuchéa Démocratique (CETC).