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REPORTAGE : La satisfaction du travail sur le terrain malgré les sacrifices

REPORTAGE : La satisfaction du travail sur le terrain malgré les sacrifices

Une femme angolaise et ses enfants rendent visite à une équipe de l'UNICEF.
Eté 1996, Helena Mazarro est installée dans sa tente modeste mais confortable dans la brousse angolaise, à environ quatre heures de la ville la plus proche. La pénurie alimentaire frappe le pays, et Helena se souvient qu'elle quitte Luanda, la capitale angolaise, tous les deux ou trois mois pour revenir une semaine plus tard chargée de biens alimentaires nécessaires, bien souvent infimes, à ravitailler l'équipe de 15 humanitaires qu'elle dirige.

Une carrière comme humanitaire en permanence sur le terrain pour porter secours aux populations les plus vulnérables au monde nécessite de relever un certain nombre de défis. Il y a la difficulté de faire face aux longues périodes loin de sa famille et de ses amis, mais également le danger qui menace la vie des humanitaires, la difficile gestion des émotions à l'écoute de témoignages atroces ou encore les conditions de vie difficile, notamment la pénurie alimentaire.

Les sacrifices font partie de la vie des travailleurs humanitaires, reconnaît Helena Mazzaro, interrogée par le Centre d'actualités de l'ONU, à l'occasion de la Journée internationale de l'aide humanitaire célébrée le 19 août. Selon elle, la satisfaction fournie par ce travail vaut bien les difficultés rencontrées.

L'Angola, « c'était vraiment difficile », en raison de la pénurie alimentaire, explique Helena. Elle se souvient qu'un poulet coûtait 50 dollars et une chèvre 200 dollars, parce que la population était plus occupée à fouiller les rivières pour y trouver des diamants qu'à cultiver leurs terres.

« Mais, ce n'était pas si mal », ajoute Helena. Chaque travailleur humanitaire dormait dans une tente exiguë qui comprenait un lit de style militaire avec un cadre métallique et une table de chevet. Les douches communes prenaient la forme d'un long tuyau d'où coulait de l'eau froide provenant directement de la rivière.

Alors qu'elle n'est retournée chez elle, en Espagne, qu'une seule fois en deux ans, Helena avoue que c'était l'un des meilleurs moments de sa vie. Elle travaillait pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et était en charge d'un programme de démobilisation des armées rebelles en Angola.

« J'étais l'officier de démobilisation et de réintégration. C'était difficile, mais c'était intéressant de travailler avec les membres de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), et avec les casques bleus », reconnaît-elle.

« Le travail était intéressant », ajoute Helena. « J'ai vraiment beaucoup aimé cette période. Je suis ensuite partie parce que mon contrat se terminait. La guerre venait de reprendre, le processus de démobilisation a été complètement interrompu et le processus de paix rompu ».

Helena Mazarro, âgée de 43 ans, travaille comme humanitaire depuis maintenant 16 ans, dont plusieurs années passées au service de l'ONU. Elle a débuté comme volontaire, en 1993, pour la branche espagnole de l'organisation non gouvernementale 'Médecins du Monde' qui quatre mois plus tard l'a envoyée pour sa première mission en Angola.

Quelques mois plus tard, Helena a été envoyée en République démocratique du Congo, à la fin du génocide avec le Rwanda voisin, pour travailler dans les camps de réfugiés. « Les gens mourraient et les services de l'hôpital du camp accueillaient, chaque jour, de nouveaux morts, non à cause du génocide mais en raison d'une épidémie de dysenterie ».

Au cours de son second séjour en Angola, entre 1996 et 1998, Helena rencontre l'élu de son cœur. Il travaille pour une organisation non gouvernementale italienne. Elle décide de le suivre au Burundi, où il est en poste. Elle finit par être employée par l'OCHA dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées autour de Bujumbura, la ville capitale du Burundi.

C'est en Bosnie puis au Liban, qu'Hélène poursuit sa carrière avant de finalement s'arrêter en Colombie, où elle travaille toujours pour l'OCHA. Le pays fait face à une longue guérilla insurgée, est touché par la guerre des gangs de drogue et est dévasté par des catastrophes naturelles. Pourtant Helena, aujourd'hui mère de deux enfants, avoue qu'elle se sent en sécurité dans ce pays.

Elle reconnait volontiers que pour les personnes qui vivent dans les bidonvilles autour de Medellín ce n'est pas la même chose. « Tu ne sais jamais quand on a tiré sur quelqu'un et quand il est mort et tu ne sais jamais qui l'a tué ». Et, « tu ne sais jamais qui a une arme et ce qu'il peut arriver. Et, si quelque chose arrive, c'est toujours dans l'impunité ».

L'OCHA en Colombie suit les déplacements, les meurtres, les recrutements d'enfants dans les groupes armés, ainsi que les problèmes liés aux populations indigènes qui ont été contraintes de partir de chez elles en raison des opérations des guérillas.

« J'ai passé les 16 dernières années en dehors de l'Espagne, et je n'ai aucune racine. J'ai tenté de rester en contact avec mes amis et Internet est génial pour cela ». Mais, Helena reconnaît volontiers qu'« en tant que travailleur humanitaire » dont le terrain d'action est « l'étranger », la vie est différente et « il y a une distance » qui se creuse « chaque année un peu plus ».

Alors qu'elle rentre de ses vacances en Espagne, Helena Mazarro confie qu'il lui a été difficile de quitter parents, famille, maison et amis à la fin de son séjour. Et, elle conclut son propos en rappelant qu'elle aime tellement son travail, qu'elle ne serait pas capable de faire autre chose.