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Afghanistan : La difficile réinsertion de rapatriés turkmènes

Afghanistan : La difficile réinsertion de rapatriés turkmènes

Naseema, rapatriée afghane d'ethnie turkmène tisse un tapis.
Rapatriés en Afghanistan après des années réfugiés au Pakistan, des membres de l'ethnie turkmène ont du mal à se réinsérer dans le tissu social afghan, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

Rapatriés en Afghanistan après des années réfugiés au Pakistan, des membres de l'ethnie turkmène ont du mal à se réinsérer dans le tissu social afghan, explique le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

Dans le village de tapissiers de Qalinbafan, situé près de Mazar-e-Sharif au nord de l'Afghanistan, 85 familles turkmènes ont reçu des terres de la part du gouvernement à leur retour d'exil. Nombres de ces familles ici tissent des tapis qui sont vendus à des commerçants au Pakistan.

Dans la tradition turkmène, les femmes tissent et les hommes fabriquent les cadres des métiers à tisser. Naseema avait 13 ans lorsqu'elle a appris de sa mère le tissage des tapis. Maintenant âgée de 70 ans et avec quatre petits-enfants, elle continue à tisser des tapis, le dos voûté au-dessus du cadre en bois qui occupe la moitié de son abri de deux pièces fourni par le HCR à Qalinbafan.

« Nous sommes restés au Pakistan pendant 10 ans. J'avais une vie confortable là-bas. Tout était bon marché et nous étions bien payés pour les tapis. Je ne sais pas pourquoi nous sommes rentrés », a-t-elle expliqué. « Cela me prendra deux mois pour finir ce tapis. Je pourrais le vendre pour 10 dollars mais je le garderai pour moi. L'hiver est arrivé et je n'ai rien pour me protéger contre le froid. »

Ses voisins sont plus ambitieux. Ils ont monté une grande tente dans l'enceinte du site pour y installer un énorme métier à tisser. Le tapis sur lequel ils travaillent occupera trois personnes durant trois mois. Il leur rapportera 200 dollars et sera vendu plus de 1 000 dollars dans un pays occidental.

« Nos traditions ont changé durant toutes ces années », a expliqué un chef de clan afghan à Qalinbafan. « Avant, nous faisions commencer les filles dès l'âge de sept ans. Maintenant elles peuvent aller à l'école jusqu'à l'âge de 15 ans, et alors seulement elles commencent à tisser. »

L'importance de l'éducation des filles est l'un des enseignements des années passées en exil. Dans les villages de réfugiés afghans au Pakistan, le HCR finance des écoles primaires pour les garçons et les filles, offrant souvent à ces dernières leur seule chance d'apprendre à lire et à écrire. A leur retour en Afghanistan, la disponibilité et la qualité de l'éducation varient selon les villages.

Le rapatriement a aussi affecté les moyens d'existence. « Le commerce des tapis se porte mal », a expliqué Abdul Manam, un chef de clan qui est rentré du village de réfugiés de Jalozai au Pakistan l'année dernière. « Nous étions payés 60 dollars du mètre au Pakistan, et maintenant nous sommes payés seulement 40 dollars à cause de la baisse de la roupie. »

Les intérêts commerciaux font lentement évoluer les coutumes. « Au Pakistan, le tissage des tapis constituait notre principale source de revenus », a dit Abdul Manam. « En Afghanistan, le travail manuel paie mieux, alors les hommes se concentrent davantage sur la recherche d'un travail en dehors de la maison, dans les usines et dans les briqueteries. »

Certains de ses proches ont choisi de rester à Jalozai à la demande des autorités pakistanaises. « Il leur a été demandé d'aider à créer un village de fabricants de tapis près de Peshawar. Le gouvernement pakistanais a promis de leur donner des documents d'identité pour qu'ils puissent rester. Un terrain, de l'électricité et de l'eau leur seront aussi fournis », a-t-il expliqué.