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Une attaque nucléaire sur le territoire américain est possible dans la prochaine décennie, prévient Robert McNamara

Une attaque nucléaire sur le territoire américain est possible dans la prochaine décennie, prévient Robert McNamara

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L'ancien Secrétaire à la Défense américain a mis en garde contre le danger nucléaire qui nous entoure et qui est, selon lui, plus grand que ne le pensent les dirigeants politiques, lors d'une conférence de presse et alors que se déroule la Conférence des Parties au TNP, au siège de l'ONU. Il a aussi prévenu qu'une attaque nucléaire sur le territoire américain était possible dans la prochaine décennie et émis des propositions pour empêcher la prolifération nucléaire.

« Le danger auquel le monde doit faire face maintenant, en ce qui concerne les armes nucléaires, est plus grand que ne le pensent la plupart des dirigeants politiques et des experts militaires », a déclaré Robert McNamara, ancien Secrétaire à la Défense de John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson, ancien Président de la Banque mondiale et ancien président du constructeur automobile Ford, lors d'une conférence de presse donnée aujourd'hui au siège de l'ONU à New York et organisée par le « Global Institute Policy » et par « Economists for Peace and Security ».

image• Retransmission de la conférence de presse [1h22mins]

« William Percy, ancien Secrétaire à la Défense et aujourd'hui directeur du programme 'sécurité' à l'université de Stanford, n'est pas un alarmiste mais un scientifique. Dans un discours qu'il a prononcé à l'Académie Nationale des Sciences à Washington au mois d'août dernier, il a déclaré qu'il n'avait jamais eu autant peur d'une explosion nucléaire que maintenant et qu'il y avait plus de 50% de chances qu'une explosion nucléaire ne se produise sur le sol américain dans la prochaine décennie », a rappelé Robert McNamara.

« Graham Allison, ancien doyen de la Kennedy School à l'université de Harvard, vient de publier un livre sur le terrorisme nucléaire qui dit la même chose », a-t-il ajouté.

« Nous n'avons pas conscience de l'énorme danger nucléaire qui nous entoure. Si les gens en étaient conscients, ils ne toléreraient pas ce qui est en train de se passer en ce moment à la Conférence de réexamen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires », a poursuivi Robert McNamara.

« Au moment même où nous parlons, les Etats-Unis ont déployé environ 6 000 ogives nucléaires stratégiques. Chacune d'entre elles est, en moyenne, 20 fois plus puissante que la bombe qui a explosé sur Hiroshima et qui a tué des centaines de milliers de gens. Sur ces 6 000 ogives nucléaires, 2 000 sont en état d'alerte, prêtes à être lancées dans un délai de 15 minutes, par la décision d'un seul homme, le président des Etats-Unis. Et ce qu'on appelle le 'football', comme vous le savez, les codes et les règles qui guident le président pour le déclenchement d'une attaque nucléaire, l'accompagnent 24 heures sur 24, 365 jours sur 365 », a-t-il expliqué.

« Les Russes ont probablement le même nombre d'ogives nucléaires et les mêmes procédures », a ajouté l'ancien Secrétaire à la Défense.

« Si je devais définir les politiques des Etats-Unis et de l'OTAN en une phrase, au risque d'apparaître simpliste et provocateur, je dirais qu'elles sont immorales, illégales, dénuées de nécessité sur le plan militaire, très dangereuses quant au risque d'un déclenchement accidentel ou involontaire et nocives pour le régime de non prolifération » a-t-il affirmé.

Revenant sur la Conférence de réexamen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui se déroule en ce moment au siège de l'ONU à New York, Robert McNamara a estimé que les objectifs de cette conférence devaient être non seulement de renforcer le traité mais aussi d'assurer que la Corée du Nord et l'Iran ne deviennent pas des puissance nucléaires.

« Il existe une haute probabilité, voir une certitude, que la Conférence échouera dans la réalisation de ces objectifs », a-t-il regretté.

« La Corée du Nord, comme vous le savez, déclare qu'elle sait comment produire l'arme nucléaire et continuera sur ce chemin. L'Iran semble avancer dans la même direction. Ces deux pays continuent de poursuivre leur programme nucléaire. D'autres nations suivront. L'Iran et la Corée du Nord ne marqueront pas la fin de la prolifération. En Asie, le Japon, la Corée du Sud et Taiwan vont aller dans cette direction. Au Moyen-Orient, l'Egypte, l'Arabie Saoudite et la Syrie feront probablement de même », a expliqué l'ancien Secrétaire à la Défense.

« Que pouvons-nous faire pour empêcher une telle prolifération ? », s'est-il demandé.

« Premièrement, il ne faut pas voir ce problème comme relevant de la seule préoccupation et de la seule responsabilité des Etats-Unis ». « Si la prolifération continue, ces armes finiront par être utilisées. Comme je l'ai dit à Moscou en 1987, la combinaison de la nature faillible de l'être humain et des armes atomiques conduira à leur emploi », a-t-il prévenu.

Deuxièmement, Robert McNamara a exhorté la communauté internationale à gérer la question du nucléaire dans l'enceinte du Conseil de sécurité. « Le Conseil devrait demander au Secrétaire général de surveiller la prolifération, et ce dernier devrait en rendre compte au Conseil s'il estime que le risque augmente. Dans ce cas, le Secrétaire devrait recommander l'action requise pour inverser la tendance ».

L'ancien Secrétaire à la Défense a ainsi fait écho au discours du Secrétaire général prononcé à l'ouverture de la Conférence des Parties au TNP qu'il a qualifié de « magnifique », affirmant que c'était la meilleure déclaration qu'un fonctionnaire international ait jamais faite sur cette question (voir notre dépêche du 2 mai 2005).

« Bien qu'il ne déclare pas directement que le Conseil de sécurité devrait assumer la responsabilité de la prévention de la prolifération, il indique, à mon avis, qu'il attend une évolution en ce sens », a-t-il expliqué.

Troisièmement, « le Conseil de sécurité devrait déclarer qu'aucun Etat ne disposant pas à l'heure actuelle d'armes nucléaires ne serait autorisé à en acquérir et que ceux qui en possèdent devraient s'engager à ne pas accroître leurs forces, contrairement à ce qu'ont pu suggérer les Etats-Unis ».

Quatrièmement, « les Etats-Unis et la Russie devraient faire cesser l'état d'alerte nucléaire. Certains experts russes ont ainsi admis qu'en raison d'un manque de financement, leurs systèmes de commande sont hors de contrôle ».

Cinquièmement, les cinq Etats qui possèdent officiellement des armes nucléaires devraient faire, selon Robert McNamara, les quatre déclarations suivantes.

« D'abord affirmer qu'ils n'utiliseront pas l'arme nucléaire les premiers - les Etats-Unis n'ont encore jamais fait cette déclaration. Ils devraient aussi réitérer leurs garanties de non utilisation à l'encontre d'un Etat qui ne dispose pas de l'arme nucléaire. Ils devraient également accélérer la réduction de leur arsenal - c'est une exigence de l'article 6 du TNP, qui a force de loi aux Etats-Unis, et pourtant il paraît tout à fait utopique, dans un proche avenir, de voir ces dispositions appliquées. Enfin, ils devraient cesser de développer de nouvelles armes et de se préparer à de nouveaux tests ».

Sixièmement, « les Etats nucléaires non déclarés, à savoir Israël, le Pakistan, l'Inde et peut-être la Corée du Nord, devraient faire les mêmes déclarations ».

Robert MacNamara a souligné qu'il avait approfondi ces propositions dans un article intitulé « Apocalypse soon » publié dans le magazine américain « Foreign policy » de mai/juin 2005.

La Conférence de réexamen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, présidée par l'Ambassadeur brésilien Sérgio de Queiroz Duarte, s'est ouverte le lundi 2 mai au siège de l'ONU à New York. Elle se termina le vendredi 27 mai.

Sur la Conférence voir les dépêches du 12 mai 2005, 6 mai 2005, du 5 mai 2005, du 4 mai 2005 et du 3 mai 2005.