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La Cour pénale internationale, meilleur moyen de lutter contre l'impunité au Soudan, selon Louise Arbour

La Cour pénale internationale, meilleur moyen de lutter contre l'impunité au Soudan, selon Louise Arbour

La Haute Commissaire aux droits de l'homme, qui présentait aujourd'hui devant le Conseil de sécurité le rapport d'enquête de l'ONU sur les crimes commis au Darfour, a préconisé le renvoi devant la Cour pénale internationale. Selon elle, toute solution alternative, dont la création d'un tribunal spécial, serait soit inappropriée soit trop coûteuse et trop lente.

« Une des façons d'arrêter le carnage au Darfour […] est de déposer ceux qui les orchestrent et les exécutent », et les résultats du rapport de la Commission internationale d'enquête sur le Darfour transmis au Secrétaire général « fournissent un plan d'action », a affirmé aujourd'hui la Haute Commissaire aux Droits de l'Homme, Louise Arbour, lors de sa présentation du rapport au Conseil de sécurité.

« Les recommandations de la Commission n'ont pas seulement une importance rétrospective », a-t-elle rappelé, soulignant qu'elles pourraient « effectivement contribuer à réduire l'exposition de milliers de victimes potentielles ».

Rappelant les conclusions contenues dans le rapport (voir nos dépêches sur le rapport et sur la réaction de Kofi Annan du 1er février 2005), Louise Arbour a souligné que ses conclusions étaient claires et bien documentées.

La Commission d'enquête a établi que « les forces Gouvernementales soudanaises et les milices ont commis des attaques indiscriminées, notamment le meurtre de civils, des actes de torture, des disparitions forcées, la destruction de villages, le viol et d'autres formes de violence, de pillage et de déplacement forcé, dans tout le Darfour » (carte).

« Ces actes ont été menés de façon systématique et répandue et peuvent donc constituer des crimes contre l'humanité », a indiqué Louise Arbour, rappelant en exemple les terribles évènements survenus à Kailek, où en mars 2004, les forces gouvernementales soudanaises et les milices janjouites ont acculé la population dans la montagne, confinant pendant près de 50 jours une population de 30.000 personnes, procédant à des exécutions sommaires, cantonnant les enfants et les femmes pour procéder périodiquement à des viols et des viols en réunion.

Par ailleurs, il existe une forte présomption que les forces rebelles, à savoir l'Armée de libération du Soudan (ALS) et le Mouvement pour la Justice et l'égalité (JEM) se sont aussi rendues coupables de violations graves des droits de l'homme pouvant constituer des crimes de guerre, a rappelé la Haute Commissaire aux droits de l'homme.

Cette dernière a souligné que la Commission n'était pas parvenue à la conclusion que des actes de génocides avaient été commis. « Mais cela ne diminue en rien la gravité des faits commis », a-t-elle insisté, rappelant que, juridiquement, les faits constatés ne rentraient pas dans la définition du génocide, à savoir « une politique gouvernementale pour exterminer, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

« Toutefois, la Commission a reconnu que seul un tribunal compétent pourrait déterminer, au cas par cas, si des individus, y compris des membres du gouvernement, avaient ordonné ou participé à des atrocités motivées par une intention génocidaire », auquel cas elles pourraient être jugées coupables de génocide, a rappelé Louise Arbour, qui a estimé que « rien dans le rapport ne préjugeait » d'une telle possibilité, dans la mesure où « la responsabilité pénale individuelle n'est pas liée à la politique gouvernementale ».

Par ailleurs, la Haute Commissaire aux droits de l'homme a rappelé que la Commission recommandait au Conseil de sécurité de « référer immédiatement la situation du Darfour à la CPI », comme « seul moyen crédible de traduire les auteurs en justice ».

Non seulement ces crimes, par leur qualification de crimes contre l'humanité – rentrent dans la compétence de la Cour mais en outre « le système judiciaire soudanais est incapable ou n'est pas disposé à régler la situation au Darfour ».

La Commission souligne notamment que « de nombreuses lois soudanaises sont contraires aux principes élémentaires des droits de l'homme » et que la population « n'a pas confiance dans le système judiciaire du pays », a rappelé Louise Arbour, pour qui toute « nouvelle initiative proposée aujourd'hui par le Gouvernement du Soudan pour remédier à ces crimes » devrait être refusée au regard des conclusions de la Commission.

Louise Arbour a aussi rappelé que la Commission avait exclu la possibilité d'établir des tribunaux mixtes, et rejeté l'idée d'établir un tribunal spécial ou de le confier à un tribunal spécial existant, comme « trop chère et trop lente ».

« Saisie par le renvoi du Conseil de sécurité, la CPI aurait le pouvoir de poursuivre toute personne pour des actes commis au Darfour entrant dans la liste des crimes figurant dans le Statut de Rome », a-t-elle expliqué.

La Haute Commissaire a ajouté qu'en attendant, le Conseil pourrait prendre des mesures importantes en garantissant l'accès sans restriction du Comité international de la Croix-Rouge et des experts des droits de l'homme de l'ONU, notamment pour assurer la protection des témoins.