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RDC : une voie médiane possible entre action militaire et humanitaire, selon OCHA

RDC : une voie médiane possible entre action militaire et humanitaire, selon OCHA

Installation d'un camp de transit près d'Uvira, en RDC
Alors que les agences humanitaires en R.D. du Congo se trouvent placées entre l'insécurité et la protection systématique de la Mission de l'ONU, la Coordination des affaires humanitaires de l'ONU suggère une voie médiane entre le « tout humanitaire » et le « tout militaire », les agences humanitaires pouvant aller « là où les casques bleus ne peuvent pas aller », et même protéger les civils des exactions, par leur présence.

« L'analyse de la situation prévalant actuellement en Ituri aboutit à des résultats diamétralement opposés à ceux que devraient offrir une réponse humanitaire adéquate » estime la Coordination des affaires humanitaires de l'ONU, dans un communiqué publié le 23 octobre.

« Alors qu'une recrudescence de l'activisme de certains groupes armés contribue à multiplier le nombre de personnes vulnérables, les possibilités d'intervention des acteurs humanitaires, notamment des agences du système des Nations Unies, sont limitées à la partie congrue du district, car systématiquement escortées par la MONUC » analyse le Bureau de la Coordination des afffaires humanitaires de l'ONU (OCHA selon son acronyme anglais), qui estime que « dans le contexte volatile de cette région du nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC), d'autres voies existent pour concilier l'assistance aux populations avec la sécurité des organisations humanitaires et l'indépendance de leur mandat.

Depuis la mi-septembre, l'insécurité créée par les différents groupes armés affecte l'axe nord de Bunia, explique OCHA, qui indique que les conflits intra-ethniques ont déplacé nombre des habitants, pour qui « pillages, violences sexuelles, et exécutions sommaires sont le lot commun ».

Les organisations humanitaires ne sont pas épargnées par ces exactions. Certaines d'entres elles ont été obligées de se relocaliser et de suspendre des programmes d'assistance, par exemple à Soleniama.

« Dans ce contexte l'action humanitaire se retrouve handicapée. D'une part, les ONG internationales, qui bénéficient d'une liberté de mouvement éprouvent des difficultés à mener à bien leur travail en raison de l'insécurité. D'autre part, les escortes militaires obligatoires pour tout déplacement des agences des Nations Unies, en Ituri par exemple, altèrent considérablement l'indépendance, la neutralité et l'identité même de ces acteurs humanitaires », indique le Bureau de l'ONU.

« La remise en question des fondements même de l'action humanitaire par ces pratiques, conduit de surcroît des organisations non gouvernementales (ONG) à refuser de prendre part à des missions interagences d'évaluation des besoins, si elles sont escortées » indique le communiqué d'OCHA, qui estime que « la condition 'sine qua non' de l'escorte empêche par ailleurs la communauté humanitaire d'avoir une vision complète, ou immédiate des besoins ».

La même problématique se pose lorsqu'il s'agit d'apporter l'aide humanitaire en Ituri. La situation des plus vulnérables se dégrade parce que l'intervention n'est pas autorisée ou simplement par la méconnaissance des besoins humanitaires dans une partie du territoire où l'accès est interdit, estime encore OCHA.

« Ce téléguidage des humanitaires, justifié par l'insécurité, n'est pas satisfaisant au regard du mandat qu'ils détiennent auprès des populations dans le besoin », d'autant que le gage de sécurité apporté par une escorte militaire ne se vérifie pas dans tous les endroits, souligne OCHA, pour qui les ONG « ont su à plusieurs reprises montrer leur capacité à investir et à oeuvrer dans de nouvelles zones grâce à leurs propres contacts et par l'explication de leurs rôles auprès des leaders des groupes armés ».

« La présence humanitaire a encore cet avantage, à elle seule, de prévenir et donc de réduire les exactions perpétrées contre les civils », indique OCHA.

Souhaitant trouver une voie médiane entre le «tout sécuritaire» et le «tout humanitaire», le Bureau de la Coordination humanitaire estime qu'une collaboration est nécessaire en fonction du mandat de chacun, « la possibilité en dernier recours de bénéficier du soutien logistique de la MONUC, parfois militaire, ayant déjà montré son opérationnalité ».

« A l'image de ce qui a été élaboré pour la province du Sud Kivu, un plan d'action humanitaire commun permettrait de répondre à cette attente », estime OCHA.

Selon la Coordination humanitaire, il faut laisser à la communauté humanitaire de dégager ainsi, « de manière autonome, des actions prioritaires » qu'elle juge nécessaire en fonction des besoins des populations vulnérables et de ses limites intrinsèques, son « savoir faire en matière de plaidoyer lui permettant d'expliciter son rôle auprès des autorités et des groupes non officiels puis d'investir les zones ciblées et d'atteindre les personnes vulnérables identifiées ».

Parallèlement, « l'aspect sécuritaire relevant du rôle des forces onusiennes a été clairement défini par le Conseil de sécurité dans ses résolutions. La résolution 1565 du 1er octobre 2004 indique ainsi que la MONUC aura pour mandat « [d]'assurer la protection des civils, y compris le personnel humanitaire, sous la menace imminente de violences physiques » et de « contribuer à l'amélioration des conditions de sécurité dans lesquelles est apportée l'aide humanitaire », souligne OCHA, qui estime que ce mandat vise tous les civils, donc les humanitaires, mais qu'il ne faut pas pousser le raisonnement à l'absurde, surtout qu'il revient à la MONUC d'assurer cette protection « sous la menace imminente de violence physique ».

Une telle limitation, devrait, selon OCHA, impliquer une « liberté d'action des acteurs humanitaires conformément aux principes d'indépendance, de neutralité et d'impartialité » qui les régissent, « l'intervention des forces onusiennes auprès des humanitaires ne se justifiant « alors que dans le cadre de leur mandat de protection générale et en cas d'insécurité imminente ».

Les récents événements à Uvira, où le retour de réfugiés Congolais en provenance du Burundi a été accueilli par des violences du côté congolais (voir notre dépêche du 13 octobre), ont « montré qu'une collaboration intelligente et respectueuse des mandats était possible », estime en conclusion OCHA, qui rappelle que le dialogue « engagé entre les humanitaires et la MONUC en vue d'une gestion concertée de la situation sécuritaire » avait permis un « recours mesuré aux casques bleus » et permis aux « humanitaires de remplir leur mandat ».