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Appel aux troupes de Kofi Annan aux Européens

Appel aux troupes de Kofi Annan aux Européens

Kofi Annan et la Présidente McAleese de l'Irlande (au centre)
S'adressant au Forum sur l'Europe, lors de sa visite officielle en Irlande, le Secrétaire général s'est félicité du développement de la politique européenne de sécurité et de défense tout en soulignant que cela ne devait pas affaiblir la contribution des Etats européens aux opérations de maintien de la paix qui avaient un besoin pressant actuellement de 30 000 soldats supplémentaires.

« Nous portons sur nos épaules des problèmes colossaux et la terrible souffrance du monde et quiconque croit en la vertu de réponses collectives à nos problèmes communs doit être troublé par l'évolution des événements au cours des dernières années », a déclaré Kofi Annan s'adressant à Dublin aux participants du Forum sur l'Europe.

« Il est clair qu'à la fois les Etats, à titre individuel et les Organisations auxquels ils appartiennent doivent mieux faire » a-t-il poursuivi, avant d'affirmer sa détermination « à faire tout ce qui était en son pouvoir pour qu'il en soit ainsi », pour « aider le monde à s'emparer de ce moment de changement et de crise dans les affaires du monde de façon à en tirer quelque chose de positif. »

Evoquant le rapport que le Groupe de personnalités éminentes doit remettre en décembre prochain, il a indiqué qu'il allait préparer le terrain pour que les chefs d'Etat se réunissent à New York l'an prochain. « Il en va de leur responsabilité de trouver un terrain d'entente et de prendre les décisions audacieuses concernant l'avenir du système international si l'ONU doit être au XXIe siècle celle dont nous avons désespérément besoin», a déclaré le Secrétaire général.

« 2003 a été une année de profonde division, 2004 une année de sérieuse réflexion, 2005 devra être une année d'action audacieuse », a-t-il ajouté.

Rappelant que 2005 serait une année d'évaluation des progrès réalisés par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le développement cinq ans après leur adoption, il a insisté sur le fait que ces objectifs devaient être atteints mais que cela ne serait possible que si les pays riches commençaient à prendre à leur charge leur part équitable du fardeau et a salué à cet l'engagement pris par l'Irlande de tenir sa promesse de consacrer 0,7% de son PNB à l'aide au développement.

Kofi Annan a saisi l'occasion pour rappeler que d'autres pays avaient fait de telles promesses et qu'ils devaient les tenir. « L'autre jour, [le chanteur] Bono a dit : 'Il ne s'agit pas de charité, mais de justice'. Il a raison », a-t-il poursuivi ajoutant qu'il « s'agissait aussi de faire ce qu'il y a de plus rationnel. »

« Tant que des milliards de personnes n'auront pratiquement aucun espoir de s'en sortir, nous n'aurons aucun espoir de vivre dans un monde stable et sûr, a affirmé le Secrétaire général ». « Les pays riches ont le devoir moral d'aider le monde en développement à combattre la pauvreté, l'inégalité et l'injustice, mais ils ont aussi tout intérêt à le faire. La cause du développement et la cause de la paix ne font qu'une. »

Il a également mis en avant l'histoire récente commune de l'Union européenne et de l'ONU qui toutes deux « sont nées des cendres de la seconde guerre mondiale » pour mettre en avant le fait que « leur étroite coopération était vitale dans l'avènement de la promesse de la paix portée par le multilatéralisme. »

Même si « l'Union européenne et ses Etats membres paient une part importante des factures de l'ONU », Kofi Annan a indiqué qu'il attendait « encore plus de l'Europe. »

« C'est pourquoi je me félicite du développement des capacités de l'Union dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, et des progrès que nous accomplissons ensemble dans le domaine de la gestion des crises », a-t-il déclaré.

« Je ne veux laisser planer aucun doute sur l'importance que l'ONU attache au renforcement des capacités de l'Union européenne », a ajouté le Secrétaire général qui a mis en avant les moyens dont disposait l'UE et qui n'étaient pas disponibles chez les principaux fournisseurs de troupes et sa capacité à déployer des unités beaucoup plus rapidement que l'ONU.

« Nombreux sont ceux qui doivent leur vie à Artémis, l'opération que la France a menée en République démocratique du Congo avant de passer la main à l'ONU », a-t-il déclaré ajoutant que l'opération constituait « un modèle de coopération entre l'UE et l'ONU, fondée sur le rôle primordial du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. »

Aux yeux du Secrétaire général, il est important que la politique européenne de sécurité et de défense ne se traduise pas par un engagement moindre des Etats membres dans les missions d'opérations de maintien de l'ONU, soulignant qu'en conséquence du bond effectué par les demandes en matière de maintien de la paix, en augmentation d'environ 50%, l'ONU avait « désespérément besoin » de 30 000 soldats et observateurs militaires, en plus des 56 000 déjà déployés, « sans même parler du personnel civil, policier et autre. »

Or, a-t-il fait remarquer, « moins d'un soldat du maintien de la paix sur 10 provient d'un pays de l'UE et en Afrique, où le plus grand nombre d'entre eux sont déployés, la proportion tombe à moins d'un sur 20. »

Tout en indiquant être parfaitement conscient des demandes complexes et nombreuses adressées aux forces militaires européennes, le Secrétaire général a insisté sur le fait que « notre point de départ doit être le respect de la Charte des Nations Unies et la solidarité avec les hommes et les femmes du monde entier, qu'ils vivent au Kosovo, au Darfour, en Afghanistan ou au Congo. »

« L'espoir qu'entretiennent l'ONU et l'Union européenne ainsi que l'Union africaine est celui d'une paix fondée sur le multilatéralisme » a-t-il fait valoir. « Nous devons prouver que chacune de ces institutions est à la hauteur des attentes placées en elle. Cela veut dire que nous devons les réformer quand le besoin s'en fait sentir. »

« Mais cela veut dire aussi que nous devons veiller à ce qu'elles soient pleinement mises à contribution. Il le faut, pour notre sécurité à tous et pour l'avenir de l'humanité », a-t-il conclu.