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Le Conseil de sécurité invité à travailler à une alternative à la dissuasion nucléaire

Le Conseil de sécurité invité à travailler à une alternative à la dissuasion nucléaire

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L'inaction du Conseil de sécurité de l'ONU à l'égard des violations de la Corée du Nord dans le domaine nucléaire crée le pire précédent possible, a déclaré hier à Séoul, le directeur de l'agence de l'ONU pour l'énergie atomique qui a prononcé le constat d'échec de la dissuasion nucléaire et invité le Conseil à prendre la tête d'un effort collectif visant à doter le monde d'un système de sécurité collectif équitable pour tous les pays.

Une première leçon tirée de l'expérience de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en matière de non prolifération est que la vérification conjuguée à la diplomatie peut être efficace, a déclaré hier le directeur général de l'agence Mohamed El Baradei, dans une intervention (en anglais) prononcée dans le cadre de la 54e Conference de Pugwash en République de Corée, consacrée à la coopération et au désarmement.

Cette efficacité, a-t-il toutefois ajouté, ne peut s'exercer que dans le cas de pays qui ont accepté le fameux Protocole dit additionnel qui donne à l'agence une autorité accrue en matière d'accès à l'information et d'accès «physique.»

« La deuxième leçon illustrée par l'évolution de la situation en Corée du Nord », a ajouté le directeur de l'AIEA, « est que nous ne pouvons pas nous permettre de rester inactifs dans les cas de non respect » des obligations des pays.

M. El Baradei a rappelé qu'il avait fallu sept ans à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) pour contracter un accord de garantie avec l'agence et que, peu de temps après que cet accord soit conclu, en 1992, elle avait enfreint l'accord, finissant par se dégager du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) en janvier 2003.

« Bien entendu, tous ces agissements ont été immédiatement rapportés par l'agence au Conseil de sécurité mais n'a suscité que peu ou pas de réaction », a indiqué le directeur de l'AIEA qui a ajouté : « Ce type de réaction du Conseil de sécurité crée probablement le pire précédent possible dans la mesure où il envoie le message qu'en se dotant de la dissuasion nucléaire, de quelque façon que ce soit, on neutralise le mécanisme de mise en conformité et on bénéfice d'un traitement privilégié. »

Si pour Mohamed El Baradai, la collaboration avec l'Iran et la Libye a constitué jusqu'à présent autant de succès obtenus par la vérification et la diplomatie, elle met aussi en évidence l'étendue du marché noir du nucléaire et l'inadéquation du système actuel de contrôle à l'exportation.

« Le fait qu'autant d'entreprises pourraient être impliquées, plus d'une douzaine selon les décomptes les plus récents, et cela dans la plupart des cas sans que leurs gouvernements soient apparemment au courant, désigne les défaillances des systèmes nationaux de supervision des équipements et technologies sensibles », a-t-il fait remarquer.

Pour le directeur de l'AIEA, «quelqu'ait été l'intérêt du concept de dissuasion nuclaire pendant la guerre froide [...], il est clair désormais que les armes nucléaires servent seulement aujourd'hui d'obstacles à la paix et à la sécurité et sont devenues l'ultime 'éléphant dans le corridor'.»

« Les arsenaux nucléaires des cinq pays reconnus comme Etats dotés de l'arme nucléaire au titre du TNP sont devenus le point de fixation alimentant le ressentiment et le cynisme des 'non-équipés' ou pire, un objet d'émulation pour les Etats qui veulent conduire des programmes d'armes de destruction massive », a-t-il déclaré.

La Russie et les Etats-Unis, a-t-il poursuivi, « ont depuis longtemps perdu tout appétit pour leur destruction mutuelle et se retrouvent maintenant dans la situation absurde de collaborer pour se prémunir contre un lancer accidentel tout en conservant, tel un héritage tétu, une disposition à faire dresser les cheveux sur la tête pour les échanges déclencheurs de catastrophe. »

Toutefois, « le comble de l'ironie », pour Mohamed El Baradei, « est que dans l'environnement actuel en matière de sécurité, les seuls acteurs qui trouveraient problablement une utilité aux armes les plus puissantes du monde et s'en serviraient sans hésitation sont les groupes opérant de façon souterraine ou extra-territoriale. »

Pour ceux-là, a-t-il fait observer, la dissuasion nucléaire est totalement inefficace car « ils n'ont pas de villes à bombarder en réponse et leur propre sécurité n'est pas leur souci principal. »

« Alors même que nous prenons dans l'urgence des mesures pour nous protéger contre le terrorisme nucléaire, [...], nous restons mous lorsqu'il s'agit de nous débarasser des 30 000 ogives nucléaires, entreposées dans le monde et prêtes à servir », a déclaré le directeur de l'AIEA avant de prononcer l'échec de la dissuasion nucléaire et celle de la communauté internationale à avoir su produire une alternative viable.

Le seul aspect positif dans ce tableau réside, selon lui, dans le fait que les efforts dirigés vers l'Iran, la Libye et la RPDC ont alerté l'attention mondiale sur ces questions.

« Cette énergie est prête à être canalisée. Si nous devons jamais édifier une culture mondiale de la sécurité, un cadre collectif de sécurité qui serve de façon égale les intérêts de tous les pays et rende obsolète la dépendance vis-à-vis des armes nucléaire, le temps est venu d'agir », a déclaré Mohamed El Baradei qui a placé le Conseil de sécurité de l'ONU au premier rang de la responsabilité collective à cet égard.