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Après-Gatumba : le HCR obtient du Burundi la création d'un camp à l'intérieur des terres

Après-Gatumba : le HCR obtient du Burundi la création d'un camp à l'intérieur des terres

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Les équipes de l'agence de l'ONU pour les réfugiés, arrivées sur le site de Gatumba, y ont découvert l'horreur d'un lendemain de massacre tandis que leur chef a obtenu du Burundi, après de multiples demandes restées sans suite, la création d'un camp à l'intérieur des terres.

L'équipe du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les autres secouristes qui se sont empressés de rallier le camp de Gatumba au Burundi, scène d'un véritable carnage dans la nuit de vendredi à samedi ont trouvé « des survivants traumatisés, gémissants et pleurant […], tandis que l'odeur de la mort et la fumée provenant des hangars incendiés enveloppaient le camp qui a servi de refuge à quelque 860 Congolais fuyant une récente explosion de violence en République démocratique du Congo (RDC) (carte).

Les centaines de douilles de munitions éparpillées autour des hangars de plastique brûlés jusqu'aux fondations témoignent de l'ampleur de l'attaque, indique un reportage du HCR, qui indique que des hommes armés de machettes, d'armes automatiques, de grenades et de torches ont fait irruption dans le camp, vendredi soir tard dans la nuit, en battant du tambour et en chantant « Alléluia. »

Le Haut Commissaire Ruud Lubbers, qualifiant le massacre de « révoltant », a réitéré les nombreuses demandes que l'agence avait déjà effectuées auprès du Gouvernement du Burundi pour qu'il autorise l'installation d'un camp destiné aux réfugiés récemment arrivés du Congo.

Le HCR a reçu aujourd'hui confirmation que le gouvernement burundais avait autorisé l'installation d'un camp à l'intérieur des terres. Zobida Hassim-Ashagrie, le directeur du Bureau Afrique de l'agence, basé à Genève, doit s'envoler pour Bujumbura, aujourd'hui, apportant un message de M. Lubbers au Président du Burundi, lui demandant de prendre des mesures immédiates pour mettre les réfugiés à l'abri.

Gatumba était l'un des trois camps de transit situés dans la zone frontalière du Burundi, abritant un total d'environ 20 000 Congolais qui ont fui la rébellion qui a éclaté en juin dans la province congolaise du Sud-Kivu.

Le soulèvement avait été le fait de commandants de l'armée intégrée de la RDC en réaction aux harcèlements dont auraient été victimes un groupe ethnique proche des Tutsis du Rwanda, les Banyamulenge, qui n'auraient pas suffisamment été protégés, selon eux, par le Gouvernement de la RDC des attaques des Hutus rwandais insurgés « qui opèrent en toute impunité à l'Ouest du pays », selon le communiqué du HCR qui précise que la plupart des réfugiés, présents à Gatumba, étaient des Banyamulenge. Radio Okapi, la radio de la Mission des Nations Unies au Congo, la MONUC, cite le témoignage d'un rescapé qui raconte qu'il était endormi quand, vers 22 h 30, il a été réveillé par des gens qui criaient et chantaient.

« Il les a entendus s'exprimer en kirundi, en lingala, en kinyarwanda et en kifilero, une langue locale de la plaine de la Ruzizi », poursuit la radio qui évoque également le cas d'un autre rescapé ayant eu la vie sauve parce qu'il s'exprimait en kifilero. Les assaillants lui ont alors demandé de s'éloigner du camp. Il a perdu toute sa famille dans le massacre.

Depuis le début de l'arrivée des réfugiés, le HCR a exprimé son inquiétude à l'égard de la sécurité dans la zone frontalière où « des rebelles burundais et des éléments armés venus de la RDC opèrent » mais elle s'est également heurtée à la résistance des réfugiés eux-mêmes qui voulaient rester près de la frontière pour veiller sur les biens qu'ils avaient laissés derrière eux.

De nombreux représentants du Gouvernement de la RDC les encourageait en ce sens, leur affirmant que la situation au Sud-Kivu s'était stabilisée et qu'il était temps rentrer dans leur pays et d'aider à sa reconstruction.

La veille de l'attaque, Azarias Ruberwa, l'un des quatre Vice-présidents de la RDC, avait visité les camps et avait incité les réfugiés à rentrer chez eux de façon à démontrer que le processus de paix était en marche dans le pays, précise le HCR.

Certains travailleurs humanitaires pensent que ces visites officielles de dirigeants de la RDC ont pu déclencher l'attaque, indique encore l'agence. Les Forces nouvelles de libération revendiquent l'attaque et restent la seule faction rebelle à n'avoir pas signé l'accord de paix destiné à mettre fin à la guerre civile qui a ravagé le Burundi depuis l'assassinat de son premier Président démocratiquement élu en 1993.

« A l'évidence, il a voulu montrer qu'il demeurait une force au Burundi », estime le HCR qui ajoute que certaines indications laissent à penser que les Interhamwe rwandais, impliqués dans le génocide de 94, ont participé à l'assaut de Gatumba depuis leurs bases en RDC.