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La mission des Droits de l'homme de l'ONU en faveur d'une enquête internationale sur les crimes commis au Darfour

La mission des Droits de l'homme de l'ONU en faveur d'une enquête internationale sur les crimes commis au Darfour

Bertrand Ramcharan
Le rapport de sa mission, présenté aujourd'hui au Conseil de sécurité de l'ONU, par le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme, recommande d'étudier la part prise, directement ou indirectement, par les autorités du Soudan dans les crimes contre l'humanité qui ont pu être commis au Darfour.

Le rapport de sa mission, présenté aujourd'hui au Conseil de sécurité de l'ONU, par le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme, recommande d'étudier la part prise, directement ou indirectement, par les autorités du Soudan dans les crimes contre l'humanité commis au Darfour.

Cela a commencé par le combat engagé par des factions rebelles, le Mouvement « Justice et Egalité » et l'Armée de libération du Soudan (ALS), composées essentiellement par des membres des tribus Four, Zaghawa et des Massalit, qui, tout en demeurant des formations distinctes, semblent avoir les mêmes revendications à savoir le sous-développement et la marginalisation de la région, a expliqué aujourd'hui Bertran Ramcharan, le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme par intérim devant le Conseil de sécurité.

Après une intensification des combats au début de 2003 et la série de victoires remportées par l'ALS, le Gouvernement du Soudan semble avoir été à l'origine de la création de milices, les Djandjawids, composées, semble-t-il, de Soudanais d'origine arabe.

Alors que le Gouvernement et les deux factions rebelles ont conclu le 8 avril dernier, sous les auspices du gouvernement tchadien, un cessez-le-feu qui a effectivement pris effet le 11 et semble dans l'ensemble avoir été respecté jusqu'à ce jour, les Djandjawids, eux, n'ont pas désarmé, attaquant, brûlant, détruisant les villages, volant les biens et violant les femmes Four, Zaghawa et Massalit.

C'est en tout cas ce qui ressort du rapport de la mission du Haut Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme qui s'est rendue à Khartoum la capitale soudanaise et au Darfour du 20 avril jusqu'à son retour à Genève le 3 avril.

Les aspects humanitaires résultant de ces attaques ont été évalués dans le cadre d'une autre mission de l'ONU conduite par le chef du Programme alimentaire mondial (PAM) qui a également exposé au Conseil aujourd'hui les informations recueillies et les conclusions auxquelles elle est parvenue.

En ce qui concerne les violations des droits de l'homme qu'ont plus spécifiquement étudiés les membres de l'équipe envoyée sur place par Bertran Ramcharan, elles semblent avoir pris plusieurs formes et selon des témoignages que le rapport qualifie de « remarquablement concordants » que ce soit ceux recueillis dans les camps de réfugiés au Tchad ou auprès de témoins individuels au Darfour, semblent crédibles.

Les uns comme les autres font état d'attaques aériennes qui auraient commencé en mars 2003 et se seraient poursuivies jusqu'en avril 2004. Même si ces allégations sont plus fréquemment le fait des réfugiés du Tchad, M. Ramcharan a indiqué que la mission avait recueilli des témoignages moins nombreux mais similaires au Darfour même.

La mission n'a pu trouver de preuves de ces attaques mais le nombre et la concordance des témoignages tendraient à laisser penser que le Gouvernement du Soudan a bel et bien conduit des attaques aveugles contre des centres de population.

Les attaques sont décrites comme ayant été, le plus souvent, lancées la nuit ou au petit matin. Quand des attaques aériennes ont été signalées, elles étaient invariablement suivies de peu par des attaques terrestres menées soit par les Djandjawids soit par les soldats gouvernementaux ou encore par une combinaison des deux.

La principale distinction entre les deux forces semble résider dans le moyen de transport : les Djandjawids étant systématiquement décrits comme se déplaçant à cheval ou à dos de chameau, les soldats du Gouvernement utilisant des véhicules militaires. Les deux groupes portaient des vêtements militaires et étaient bien armés. Des AK-47, des G3 et des roquettes ont souvent été mentionnés.

Les attaques impliquaient la destruction des biens souvent par le feu ainsi que celle des stocks de nourriture qui pouvaient également être volés. Enfin de nombreux meurtres ont été signalés qui auraient plus particulièrement visé les hommes et les garçons ainsi que ceux qui ne pouvaient pas fuir, les handicapés et les personnes âgées.

De nombreux témoins ont pu nommer ceux qui ont été tués ; d'autres ont indiqués avoir vu des cadavres et d'autres encore ont signalés que des membres de leurs familles ou de leurs relations avaient disparus.

Les allégations de viols, compte tenu de leur fréquence, des similarités dans les détails et de la détresse des victimes, ont été perçues par la mission comme crédibles. La mission redoute que cette pratique ait été à la fois très répandue et qu'elle se poursuive, certains camps de personnes déplacées à l'intérieur du Darfour restant très vulnérables.

Tous ceux qui ont été interrogés ont invariablement décrit les Djandjawids comme étant exclusivement arabes par opposition aux victimes qualifiées de « noires » ou d'« africaines. »

La mission estime dans ses recommandations que le Gouvernement du Soudan devrait immédiatement désarmer et démanteler les milices, restaurer la primauté du droit et mettre fin à l'impunité. Il devrait, dit-elle, engager une politique nationale de réconciliation en faveur du Darfour et prévoir la restitution des biens ou des compensations équitables pour les victimes.

Compte tenu de la gravité des allégations portant sur les violations des droits de l'homme au Darfour et de l'incapacité du système judiciaire national de prendre en charge le problème, une Commission internationale d'enquête est requise, conclut l'équipe du HCR.

Elle sera notamment chargée de déterminer dans quelle mesure les autorités du Soudan ont encouragé et appuyé, directement ou indirectement, la perpétration de violations des droits de l'homme, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, ce que peut laisser supposer, indique le rapport, les observations de la mission.

Le HCR réclame également le libre accès des acteurs humanitaires au Darfour et le déploiement par l'ONU ou l'Union africained'observateurs des droits de l'homme.