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Soudan : la faim provoque de nouveaux déplacements, les pourparlers de paix continuent sous l’égide de l’ONU

Sittna et sa mère Magedah dans leur tente dans le quartier Philippe à Port-Soudan, au Soudan.
© WFP/Abubakar Garelnabei
Sittna et sa mère Magedah dans leur tente dans le quartier Philippe à Port-Soudan, au Soudan.

Soudan : la faim provoque de nouveaux déplacements, les pourparlers de paix continuent sous l’égide de l’ONU

Paix et sécurité

Le temps presse pour les civils affamés du Soudan, ont averti mardi des humanitaires de l’ONU, alors que les pourparlers entre les parties belligérantes se poursuivent cette semaine à Genève.

Le Représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Soudan, le Dr Shible Sahbani, a déclaré aux journalistes que lors de sa mission la semaine dernière au Tchad voisin, des réfugiés désespérés lui ont dit que « la principale raison pour laquelle ils ont quitté le Soudan maintenant, c’est la faim, la famine ».

« Les réfugiés ont dit que ce n’était pas à cause de l’insécurité, du manque d’accès aux services de base, mais parce que nous n’avons rien à manger là-bas », a-t-il souligné.

S’exprimant depuis Port-Soudan, le Dr Sahbani a fait part de son choc lorsqu’une femme ayant fui le Darfour et atteint Adré, juste après la frontière orientale du Tchad, lui a dit que « tout ce que nous utilisions pour produire [de la nourriture] localement, pour manger, avait été pris par les combattants ». Elle avait marché pendant trois jours avec ses enfants en quête de sécurité, sans nourriture pendant toute la durée du voyage.

Plus de 2 millions de réfugiés soudanais dont 700.000 au Tchad

Le Tchad accueille plus de 700.000 des plus de deux millions de réfugiés qui ont fui la guerre au Soudan, tandis que plus de 10 millions d’autres sont déplacés à l’intérieur du pays.

L’OMS a souligné que les personnes qui ont fui le conflit pour se réfugier dans les pays voisins continuent d’avoir un accès « extrêmement limité » à l’aide humanitaire, y compris aux soins de santé.

Les communautés hôtes et les autorités tchadiennes ont été « très généreuses », a affirmé le Dr Sahbani. « Elles ont accueilli les réfugiés, elles ont ouvert leurs maisons, leurs systèmes. Mais, vous savez, les systèmes étaient déjà surchargés et elles ont essayé de partager tout ce qu’elles avaient. Mais à un certain moment, le système est vraiment débordé ».

Les Tchadiens avec lesquels il s’est entretenu la semaine dernière ont déclaré qu’ils n’avaient plus rien à partager, et que la situation était déjà difficile dans ce pays d’Afrique centrale avant que le conflit soudanais n’éclate en avril 2023.

Des femmes soudanaises ayant trouvé refuge dans le camp de réfugiés d’Aboutengue, dans l’est du Tchad.
© UNHCR/Levon Sevunts
Des femmes soudanaises ayant trouvé refuge dans le camp de réfugiés d’Aboutengue, dans l’est du Tchad.

Les défis de l’aide face à une « catastrophe » potentielle

M. Sahbani a également souligné la nécessité d’intensifier les opérations transfrontalières vers les États du Darfour, au Soudan, où l’accès à l’aide est très limité depuis le début du conflit.

« Le Darfour, Al Jazirah et les Kordofan sont complètement coupés de l’aide humanitaire en raison de l’escalade de la violence », a-t-il fait valoir, soulignant en particulier les conditions « désastreuses » dans la capitale du Darfour Nord, El Fasher, où quelque 800.000 personnes sont « complètement assiégées sans accès à l’aide humanitaire, y compris à l’aide sanitaire d’urgence ».

Le Représentant de l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU a mis en garde contre une « catastrophe » potentielle si les équipes d’aide ne peuvent pas les atteindre. La situation est d’autant plus désespérée que la saison des pluies vient de commencer, ce qui rend l’accès « encore plus difficile » pour les opérations transfrontalières en provenance du Tchad.

M. Sahbani a souligné la nécessité d’un soutien financier accru, car près de sept mois après le début de l’année, la réponse humanitaire au Soudan n’est financée qu’à hauteur de 26 %. Il a appelé à une plus grande attention pour cette crise, « l’une des pires au monde ».

Aide humanitaire et protection des civils au menu des pourparlers de Genève

L’accès humanitaire et la protection des civils figurent d’ailleurs parmi les principaux points discutés lors des pourparlers menés par l’ONU entre les représentants des forces armées soudanaises et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, qui se déroulent à Genève depuis la semaine dernière sous la direction de l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Soudan, Ramtane Lamamra.

La porte-parole des Nations Unies à Genève, Alessandra Vellucci, a indiqué aux journalistes que les deux délégations étaient « engagées ». Le diplomate algérien et son équipe avaient eu plusieurs interactions avec chacune des deux délégations tout au long du week-end, dans le cadre d’un processus connu sous le nom de « pourparlers de proximité ».

Les équipes se sont engagées de manière intensive sur les deux points clés discutés lors de ces entretiens : l’aide humanitaire et la protection des civils.  « L’Envoyé personnel du Secrétaire général et son équipe travaillent en étroite collaboration avec l’Union africaine et tous les autres partenaires », a ajouté Mme Vellucci, relevant que « ces efforts sont complémentaires ».

Le Darfour reste en proie à une crise humanitaire.
© UNICEF/Tariq Khalil
Le Darfour reste en proie à une crise humanitaire.

L’OMS espère un cessez-le-feu et l’ouverture de corridors humanitaires

« Nous avons reçu de bons signes », a déclaré le Dr Sahbani lorsqu’on lui a demandé ses impressions sur les pourparlers, qui se poursuivent cette semaine.

Le responsable de l’OMS a indiqué que sept camions de l’OMS « partent actuellement des Kordofan vers le Darfour », dans l’espoir d’atteindre divers endroits, y compris El Fasher. Ces camions étaient « bloqués dans un dépôt » depuis près d’un mois et n’ont été libérés que lundi.

« Cela peut être prometteur », a-t-il déclaré à propos des discussions en cours. « Attendons les prochaines heures, les prochains jours », a-t-il insisté. « Si nous n’obtenons pas de cessez-le-feu, nous pourrions au moins obtenir la protection des civils et l’ouverture de corridors humanitaires ».