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Niger : Michelle Bachelet juge impératif d’assurer la protection des civils contre les groupes armés

 Deux femmes déplacées dans un camp à Awaradi, au Niger.
© UNOCHA/Eve Sabbagh
Deux femmes déplacées dans un camp à Awaradi, au Niger.

Niger : Michelle Bachelet juge impératif d’assurer la protection des civils contre les groupes armés

Droits de l'homme

A l’issue d’une visite de trois jours au Niger, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a jugé impératif d’assurer la protection des civils contre les groupes armés non-étatiques et les autres acteurs violents.

« Il est impératif que toutes les mesures soient prises pour assurer la protection des civils », a déclaré Michelle Bachelet.

« La semaine dernière, plus de 4 000 personnes ont été déplacées dans la région de Diffa, dans l'est du pays, suite aux attaques et violences qui seraient le fait de groupes armés non étatiques ou d'autres acteurs violents », a-t-elle ajouté.

La Haut-Commissaire a fait état d’exécutions sommaires, d’extorsions, d’enlèvements de garçons et de filles, des pillages, de destruction d'installations fournissant des biens et des services essentiels et d'autres violations et abus graves du droit international.

Elle a regretté qu’à la suite de tels abus « les communautés qui vivent déjà dans la pauvreté se voient privées de leurs maigres moyens de subsistance ».

Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), les derniers déplacements s'ajoutent aux 280 818 personnes déplacées internes.

Nombreux défis

A Niamey, devant les journalistes, Michele Bachelet a rappelé les nombreux défis auquel est confronté le Niger qui est classé 189ème sur 189 pays selon l'indice de développement humain des Nations unies. Plus de 10 millions de personnes, soit près de la moitié de la population (40,8 %), vivent dans une extrême pauvreté.

Elle a indiqué que quelque 3,8 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, dont plus de 1,8 million d'enfants de moins de cinq ans qui ont besoin d'une assistance nutritionnelle. Le changement climatique, a-t-elle souligné, a eu un impact particulièrement dur sur la région du Sahel, avec des températures qui augmenteraient 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale, des sécheresses et des inondations entraînant une baisse de la productivité agricole et une raréfaction des ressources en eau.

Pour ajouter à ces graves défis développementaux et humanitaires, on observe depuis 2015 une infiltration croissante au Niger de groupes armés non étatiques et d'autres acteurs violents en provenance des pays voisins, ce qui entraîne une grave détérioration de la situation sécuritaire et aggrave la situation humanitaire.

« Dans le même temps, cependant, le Niger a organisé avec succès des élections locales, parlementaires et présidentielles à la fin de l'année dernière et au début de cette année, qui ont abouti à une transition politique pacifique et démocratique », s’est félicitée la Haut-Commissaire

« Le taux élevé de participation politique et le déroulement des élections, malgré les défis considérables décrits ci-dessus, montrent que la réponse du peuple nigérien à l'insécurité croissante est de se rassembler pour garantir et défendre ses droits », a-t-elle fait valoir.

Selon elle, ce sens de la détermination devrait constituer un réservoir de force pour l'État et l'encourager à relever les défis de front, avec la participation significative des partenaires de tout l'éventail social. Les acteurs de la société civile ont souligné le besoin d’un mécanisme permanent et régulier de consultation populaire.

Il est important d’assurer la participation significative des jeunes, des femmes, des divers groupes ethniques et communautaires, ruraux et urbains, et des secteurs marginalisés ou vulnérables de la société - y compris les personnes handicapées.

Évoquant les manifestations qui doivent avoir lieu dimanche matin à Niamey, elle a jugé particulièrement important que le gouvernement facilite l'exercice des libertés d'expression, d'opinion et de réunion pacifique. De même elle a exhorté les manifestants à exercer leur droit de manière pacifique.

Droits des femmes

Estimant que la voie à suivre pour sortir du contexte difficile dans lequel se trouve actuellement le Niger ne peut être tracée avec succès qu'avec une forte participation des femmes aux forums de prise de décision, elle s’est félicitée de l’adoption d’une loi imposant des quotas de représentation politique, notant qu’environ un tiers des parlementaires nigériens sont des femmes. Elle a espéré que les efforts se poursuivront à cet égard.

«Je félicite le gouvernement pour son engagement à retirer ses réserves à la Convention des Nations unies sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, et pour la création d'une commission chargée de réviser le code civil et le code des enfants, afin de faire passer l'âge légal du mariage des filles de 15 à 18 ans », a-t-elle par ailleurs souligné.

« J'ai été particulièrement touchée par la déclaration signée par les chefs traditionnels lors du récent symposium avec le président Bazoum, dans laquelle ils se sont engagés à mettre fin au mariage des enfants, notamment en ne célébrant pas de cérémonies impliquant des filles de moins de 18 ans », a-t-elle ajouté.

Selon elle, il est « grand temps de mettre un terme à la pratique de l'esclavage domestique et sexuel, connue sous le nom de wahaya ». 

En outre, Michelle Bachelet a fait valoir qu’elle apprécie l'engagement déclaré des autorités nigériennes à respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire lors des opérations de sécurité, qu'elles soient menées par les forces de sécurité intérieure ou par la force du G5 Sahel.

Elle a exhorté le gouvernement à accélérer les enquêtes sur les cas emblématiques où de graves violations des droits de l'homme auraient été commises, quelle que soit l'affiliation des auteurs. Il s'agit d'une mesure cruciale pour éviter que des violations aussi graves ne se reproduisent, a-t-elle insisté.

Elle a aussi jugé rassurant de constater que le gouvernement du Niger s'est prononcé fermement contre les opérations des groupes dits d'autodéfense ou d'autodéfense.

Migrations et changements climatiques

Soulignant sa préoccupation concernant le sort des migrants qui traversent le Niger, lieu important sur les routes migratoires du Sahel, entre l'Afrique sub-saharienne, l'Afrique du Nord et l'Europe, Michelle Bachelet a fait part de son inquiétude quant aux rapports de mauvais traitements et d'expulsions de Nigériens et d'autres migrants des pays voisins vers le Niger.

Le changement climatique et la migration requièrent une action et une assistance régionales et internationales pour le Niger.

« Les menaces sécuritaires dépassent les frontières du Niger et impliquent une réponse coordonnée, avec l'implication constructive de tous les pays de la région, ainsi que de la communauté internationale au sens large », a souligné Michelle Bachelet.

« La communauté internationale devrait soutenir le Niger de manière compréhensive afin de faire face à la situation sécuritaire, au changement climatique et aux défis humanitaires et de développement pour l’aider à relever les défis considérables auxquels il est confronté », a-t-elle ajouté.

Elle a rappelé la conclusion d’un accord le 9 décembre 2019, entre le Haut-Commissariat et le gouvernement pour établir un bureau de pays des Nations unies pour les droits de l'homme au Niger, avec un mandat complet pour offrir une assistance technique, des conseils, des formations, et pour effectuer un suivi et des rapports.

Nombreux entretiens

Lors de sa visite de trois jours, Michelle Bachelet a rencontré le président Mohamed Bazoum, le premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou, le ministre de la Justice, le ministre des affaires étrangères, d'autres membres du gouvernement et hauts fonctionnaires, ainsi que des chefs traditionnels.

La Haut-Commissaire s’est également entretenue avec le président de l'Assemblée nationale, des membres de la Commission nationale des droits humains (CNDH) et un large éventail d'acteurs de la société civile travaillant sur des questions en lien avec le changement climatique, l'esclavage, les droits des femmes, les personnes handicapées, la migration, ou encore la justice.

Michelle Bachelet a aussi eu une réunion avec des officiers de haut niveau des forces conjointes du G5 Sahel.

Avant de se rendre au Niger, la Haut-Commissaire avait effectué une visite de quatre jours au Burkina Faso.

* Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies supervise la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Niger a ratifié.