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Marchés publics de l'ONU : Deloitte & Touche met en lumière des carences sur l'éthique et les contrôles internes

Marchés publics de l'ONU : Deloitte & Touche met en lumière des carences sur l'éthique et les contrôles internes

Chris Burnham
Après une enquête de six semaines, le cabinet d'audit financier Deloitte & Touche a conclu, dans un rapport commandité par le Secrétaire général et publié hier, à des carences dans la « culture éthique » et les contrôles internes du service des marchés publics du Secrétariat, qui gère près de 1,37 milliards de dollars, en majorité pour le département des opérations de maintien de la paix.

Après une enquête de six semaines, le cabinet d'audit financier Deloitte & Touche a conclu, dans un rapport commandité par le Secrétaire général et publié hier, à des carences dans la « culture éthique » et les contrôles internes du services des marchés publics du Secrétariat, qui gère près de 1,37 milliards de dollars, en majorité pour le département des opérations de maintien de la paix.

« Des déficiences importantes en matière de contrôle interne » ont été détectées au sein du Département des Achats [Procurement services], indique le rapport (en anglais) de Deloitte & Touche publié hier sur le site de l'ONU.

Ce rapport cite d'abord des « procédures de passation des marchés dépassées » et « leur mise en œuvre inégale par le personnel ».

Selon Deloitte & Touche, les systèmes de gestion financier et d'appel d'offres souffrent d'une trop grande variété de réglementations, d'une absence d'intégration de l'information permettant « une synchronisation et un partage efficace des données » et de l'absence d'outils automatisés pour le traitement de l'information.

En conséquence, estime le cabinet d'audit, « ce sont les employés qui constituent de fait les contrôles existants au sein du Département des Achats », ce qui laisse l'ONU « extrêmement vulnérable à des fraudes ou à des pratiques de corruption potentielles » et « limite les moyens dont dispose l'Organisation pour soit prévenir soit détecter de telles pratiques ».

Le cabinet d'audit précise toutefois que, n'ayant pas eu une mission d'enquête, les conclusions de ce rapport n'impliquent pas d'allégations de fraude ou de corruption.

Le rapport souligne par ailleurs que le personnel souffre d'un « manque de soutien au développement professionnel et de formation aux règles d'éthique et d'intégrité dans la passation de marchés ».

« L'étude de la structure de gestion révèle plusieurs carences dans la surveillance des opérations d'Achat, un manque de diligence pour répondre aux problèmes signalés, et un flou dans les règles concernant la responsabilité », dit le rapport.

« L'accent n'a pas été mis sur l'éthique et le respect de l'intégrité dans le passé, et n'est donc pas un élément central dans la culture du Département des Achats », souligne encore le rapport.

Deloitte & Touche recommande en conséquence de mettre en place un cadre de surveillance et de contrôle, la mise à jour des pratiques de passation des marchés, et d'améliorer la formation du personnel.

La société d'audit recommande par ailleurs la création d'un programme de promotion de l'éthique et de l'intégrité.

Elle suggère enfin de remplacer « le mélange actuel de systèmes insuffisamment intégrés » par un nouveau système qui respecte les normes actuelles, notamment de comptabilité.

Présentant aujourd'hui le rapport lors d'une conférence de presse donnée à New York, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies à la gestion, Chris Burnham, a estimé qu'il ne faisait « pas de doute que la majorité du personnel est compétent et intègre et travaille dans un environnement très difficile ».

image• Retransmission de la conference de presse de Christopher Burnham[62mins]

« Mais ce n'est pas suffisant », a insisté Chris Burnham.

Au point de vue pratique, le Bureau des Achats utilise du matériel informatique démodé, a fait observer le Secrétaire général adjoint, rappelant néanmoins que le Département d'Etat américain lui-même venait il y a deux ans seulement d'abandonner ses ordinateurs Wang, dont le constructeur avait disparu dans les années 80.

S'agissant des règles de gestion, Chris Burnham a exprimé l'espoir que l'Assemblée générale approuverait cet hiver la modification des règles de comptabilité qui permettrait à l'ONU d'entrer dans le XXIème siècle.

Il a aussi insisté sur l'importance essentielle de la création d'un Bureau de l'éthique, qui sera chargé de prévenir d'éventuels conflits éthiques, de répondre à des questions sur les meilleures pratiques, et d'étudier les formulaires de déclaration d'actifs financiers, désormais exigés de tous les hauts responsables de l'ONU. Il a espéré qu'il serait sur pied dans les deux prochaines semaines.

La protection des dénonciateurs d'abus dépend aussi en partie de ce Bureau, qui doit être approuvé et financé par l'Assemblée générale, a dit Chris Burnham.

Présentant un tableau des diverses enquêtes actuellement en place sur la gestion de l'ONU, le Secrétaire général adjoint a rappelé que le rapport de Deloitte & Touche devra être suivi par un audit complet, d'ici à la fin juin de l'année 2006, et souligné que le Secrétaire général « prendrait des mesures fermes » à l'encontre des responsables d'une « absence notable de surveillance » dans la gestion de ce département par le passé.

« Le Bureau des services de contrôle interne (BSCI, OIOS selon son acronyme anglais) est en train de mener une vaste enquête sur les accusations de fraude, de corruption et d'abus au sein des Nations Unies, y compris en liaison avec les services judiciaires nationaux », a-t-il ajouté.

Interrogé sur le soutien des Etats Membres à la nécessité d'une réforme, il a rappelé que le document final du sommet mondial donnait un mandat au Secrétariat pour améliorer la gestion de ses opérations, couvertes par un budget de plus de 10 milliards de dollars.

« L'ONU a désespérément besoin d'une réforme, y compris à l'intérieur de ce bâtiment, qui ne répond pas aux critères minima en matière d'incendie et de santé », a-t-il déploré.

Se déclarant convaincu du soutien de l'Assemblée générale, il a affirmé qu'il voyait la question comme « un effort législatif et non pas diplomatique, en ce que nous cherchons à modifier la structure de gestion de l'Organisation ».

Interrogé enfin sur l'incidence des négociations en cours sur le budget des Nations Unies, il a indiqué que si un budget n'était pas voté dans les temps cela aurait une incidence très négative pour son département, parce que la mise en œuvre de ces réformes fait partie des 75 millions de dollars présentés dans le budget actuellement à l'étude (voir sur les difficultés liées à l'adoption d'un budget pour le biennium 2006-2007, notre dépêche sur le Secrétaire général et notre dépêche sur le président du Conseil de sécurité, en date du 2 décembre 2005).