L'actualité mondiale Un regard humain

Gaza : 250.000 Palestiniens appelés à évacuer Khan Younis

Des familles fuient les bombardements à Khan Younis (photo d'archives).
© UNRWA
Des familles fuient les bombardements à Khan Younis (photo d'archives).

Gaza : 250.000 Palestiniens appelés à évacuer Khan Younis

Paix et sécurité

Le chaos et la panique se répandent dans le sud de Gaza, où quelque 250.000 personnes risquent d’être touchées par le nouvel ordre d’évacuation de l’armée israélienne à Khan Younis, ont averti mardi des agences humanitaires de l’ONU.

Dans une alerte émise après une nouvelle nuit de bombardements intensifs, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a déclaré que les habitants de Gaza fuyant la ville méridionale ont dû ériger des abris au bord de l’eau car les camps de déplacés sont déjà bondés sur la côte.

« Nous avons vu des gens se déplacer, des familles se déplacer, des gens commencer à faire leurs bagages. "Où vont-ils? Nous n’avons pas la réponse. Il n’y a absolument aucun endroit sûr dans la bande de Gaza », a déclaré aux journalistes par liaison vidéo depuis Gaza, Louise Wateridge, porte-parole de l’UNRWA lors d’un point de presse de l’ONU à Genève.

Il y a seulement quelques semaines, Khan Younis était désertée après les intenses bombardements israéliens qui ont endommagé ou détruit les maisons et les bâtiments, mais les familles qui n’avaient pas beaucoup d’autres options s’y sont réfugiées après que l'armée israélienne s'est installée à Rafah au début du mois de mai.

L’armée israélienne a ordonné lundi une nouvelle évacuation de secteurs des gouvernorats de Khan Younis et de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Il y a près de deux mois déjà, un ordre d’évacuation similaire avait entraîné des déplacements massifs depuis Rafah. « Et maintenant, à cause des ordres d’hier soir, les mêmes familles doivent encore déménager », a affirmé Mme Wateridge.

Abri de fortune pour personnes déplacées à Az-Zawayda, dans le centre de Gaza.
UN News/Ziad Taleb
Abri de fortune pour personnes déplacées à Az-Zawayda, dans le centre de Gaza.

Des abris de fortune le long de la route côtière

« C’est un nouveau coup dur pour la réponse humanitaire ici, c’est un nouveau coup dévastateur pour les gens, les familles sur le terrain. Il semble qu’ils aient été déplacés de force encore et encore », a ajouté Louise Wateridge.

Ceux qui ont été contraints de se déplacer doivent maintenant prendre une série de décisions « impossibles ». « Comment les parents décident-ils où aller, où y a-t-il à aller ? Dès ce matin, au milieu de la zone de Gaza, le long de la route côtière, vous pouvez voir les abris de fortune jusqu’au rivage, jusqu’à l’arrivée de l’eau. C’est absolument bondé de familles qui ont déjà dû déménager ».

Ces dernières ordres d’évacuation interviennent dans un contexte de poursuite des bombardements « dans les zones nord, centre et sud de la bande de Gaza ». « Aucun endroit n’est sûr. Sur le terrain, nous voyons déjà des familles quitter cette zone. Le chaos et la panique se répandent sur le terrain ».

Malgré le manque de carburant et de sécurité, Mme Wateridge a insisté sur le fait que l’agence onusienne a continué à fournir de l’eau, des colis alimentaires, de la farine, des couches, des matelas, des bâches et des soins de santé. « Mais il devient presque impossible pour les Nations Unies de fournir une quelconque réponse en raison du siège imposé par Israël... et maintenant de nouveaux ordres de déplacement qui, une fois de plus, affectent notre accès au point de passage frontalier de Kerem Shalom pour recevoir de l’aide ».

Une tente dans un abri de fortune pour personnes déplacées à Az-Zawayda, dans le centre de Gaza.
UN News/Ziad Taleb
Une tente dans un abri de fortune pour personnes déplacées à Az-Zawayda, dans le centre de Gaza.

Plus que trois patients à l’hôpital européen de Khan Younis

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne que l’hôpital européen de Khan Younis est pratiquement vide, le personnel et les patients ayant fui l’établissement après le dernier ordre d’évacuation israélien.

« Le personnel de l’hôpital et les patients ont décidé d’évacuer eux-mêmes », a affirmé par liaison vidéo depuis Jérusalem, Rik Peeperkorn, Représentant de l’OMS pour les territoires palestiniens occupés, ajoutant qu’il ne restait plus que trois patients.

En fait, hier, 270 patients auraient été évacués d’eux-mêmes, avec le personnel médical, principalement vers le complexe hospitalier national. Ce mardi matin, d’autres patients ont été évacués et seuls trois patients sont restés à l’hôpital européen de Gaza et trois à l’hôpital de campagne de la Croix-Rouge internationale (CICR).

L’hôpital européen de Gaza était l’un des rares hôpitaux de référence au sud de Gaza, où vit la majorité de la population, soit 1,9 million d’habitants. Actuellement, 16 des 36 hôpitaux sont partiellement fonctionnels.

Pénurie de carburant et inquiétudes concernant les maladies

Par ailleurs, le secteur des soins de santé de Gaza a besoin à lui seul de 80.000 litres de carburant par jour pour fonctionner, mais seuls 195.000 à 200.000 litres sont arrivés fin juin. « Depuis lors, aucun carburant n’est entré à Gaza », via Kerem Shalom, a déclaré la Dre Hanan Balkhy, Directrice régionale de l’OMS pour la Méditerranée orientale.

S’exprimant depuis Jérusalem par liaison vidéo, la responsable de l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU a expliqué que la cargaison devait être partagée par tous les secteurs, y compris celui de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH), qui a besoin quotidiennement de 70.000 litres.

Du 15 au 23 juin, le groupe de travail sur l’eau et l’assainissement a reçu moins de 5% du carburant nécessaire quotidiennement pour assurer le fonctionnement des services et, par conséquent, les fournisseurs de services d’eau « sont obligés de rationner les opérations des puits d’eau souterraine municipaux et des deux usines de dessalement d’eau en service, ce qui réduit encore plus la production d’eau ».

Cette situation « contribue de manière significative à la propagation des maladies », a poursuivi le responsable de l’OMS, soulignant l’augmentation considérable du nombre d’adultes et d’enfants souffrant de maladies d’origine hydrique telles que l’hépatite A, la diarrhée, les affections cutanées et autres.

Un enfant marchant dans les ruines de Gaza.
© UNRWA
Un enfant marchant dans les ruines de Gaza.

Danger des bombes non explosées pour les enfants

Alors que le risque de propagation du choléra suscite déjà de plus en plus de préoccupations, des agences humanitaires des Nations Unies se sont également inquiétées du sort des enfants palestiniens, qui risquent d’être tués ou gravement blessés par des bombes non explosées disséminées dans la bande de Gaza.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) prévient que ces engins non explosés constituent toujours une menace sérieuse dans tout Gaza, y compris pour les déplacés et les gens qui essayent de retourner dans leurs zones d’origine.

« Les enfants sont particulièrement en danger », a dit l’OCHA, rappelant ce dernier incident de samedi 29 juin dernier, quand une fillette de neuf ans aurait été tuée et trois autres enfants blessés par des engins non explosés dans la zone sud de Khan Younis.

Le 5 juin, six enfants auraient été blessés par ce même type d’explosion près de l’université Al Aqsa, dans l’ouest de Khan Younis.  Le 31 mai, un homme déplacé et ses deux enfants ont été blessés dans une école du sud de Khan Younis, a rapporté l'UNRWA.

Un jeune homme ramasse des déchets dans la bande de Gaza.
© UNRWA
Un jeune homme ramasse des déchets dans la bande de Gaza.

Des tonnes de débris qui pourraient contenir des engins non explosés

Selon le Service d’action contre les mines des Nations Unies (UNMAS), au moins 10 % des munitions sont potentiellement inopérantes, ce qui signifie qu’une grande partie des centaines de milliers de tonnes de débris de guerre à Gaza contiennent des explosifs.

Sous l’égide du groupe de protection de l’ONU, des efforts sont actuellement déployés pour effectuer des évaluations des risques liés aux explosifs, déployer des officiers supplémentaires chargés de la neutralisation des explosifs.

Il s’agit aussi de « sensibiliser le public aux risques liés aux munitions explosives, malgré une série de difficultés qui empêchent l’intensification du travail de lutte contre les mines, notamment le manque de financement, les obstacles administratifs (les retards de délivrance des visas), l’insécurité et le refus d’entrée de fournitures essentielles à la lutte contre les mines ».

Cette alerte intervient alors que des Palestiniens continuent de fuir les quartiers orientaux de Khan Younis, après avoir reçu l’ordre d’évacuation de l’armée israélienne leur imposant de quitter immédiatement la ville du sud de Gaza.

Plus largement, l’UNRWA estime les conditions de vie sont « apocalyptiques » dans l’enclave palestinienne, avec notamment des bâtiments réduits à l’état de ruines, des approvisionnements minimes et des habitants pratiquement sans eau potable.

Inquiétudes face aux risques de propagation du choléra

Comme pour aggraver les choses, des piles d’ordures et d’eaux usées continuent de s’accumuler à Gaza, pourrissant dans la chaleur près des sites de déplacement. L’odeur nauséabonde est si envahissante qu’elle provoque des nausées, a rapporté le Directeur de la planification de l’UNRWA, Sam Rose.

Dans des conditions sanitaires « désespérées », la chaleur extrême et le manque d’eau potable continuent d’alimenter la propagation des maladies infectieuses, aggravant le fardeau qui pèse sur des établissements de santé déjà débordés et manquant cruellement de ressources.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les taux d’infections diarrhéiques sont déjà 25 fois plus élevés qu’avant le conflit. Au fur et à mesure que la situation s’aggrave, on craint de plus en plus que le choléra ne se répande, « ce qui aggraverait encore les conditions de vie inhumaines », a averti l’UNRWA.

L’OCHA rapporte que le ministère palestinien de la Santé a souligné dimanche 30 juin que les hôpitaux étaient aux prises avec plus de 10.000 cas d’hépatite A et 880.000 cas de maladies respiratoires, ainsi qu’avec des diarrhées, des infections cutanées et des épidémies de poux.

Une famille est assise autour d'un bol de haricots dans sa tente à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
UNICEF/Abed Zagout
Une famille est assise autour d'un bol de haricots dans sa tente à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Se coucher le ventre vide

Or sur le terrain, l’aide reste toujours un défi pour les humanitaires. Il est toujours quasi impossible de collecter l’aide humanitaire au point de passage de Kerem Shalom pour une distribution à Gaza, en raison de l’absence d’ordre public, des hostilités en cours, des routes endommagées et des restrictions imposées à l’accès.

L’OCHA signale que pendant tout le mois de juin, les autorités israéliennes ont facilité moins de 115 missions humanitaires planifiées vers le nord de Gaza. Plus du tiers de ces missions ont été empêchées, près de 10% ont été privées d’accès et environ 9% ont été annulées pour des raisons sécuritaires, opérationnelles ou logistiques.

Ces restrictions interviennent alors que dans l’ensemble de la bande de Gaza, le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) a rappelé que la quasi-totalité de la population est en situation d’insécurité alimentaire et « qu’elle n’a pas assez de nourriture pour continuer à vivre ». « Beaucoup d’entre eux se couchent le ventre vide, avec un seul repas par jour s’ils ont de la chance ».

L’agence onusienne basée à Rome a également insisté sur le fait que « la faim n’est pas seulement une question de nourriture. Les gens ont besoin d’être nourris. Ils doivent avoir accès aux soins de santé. Ils ont besoin d’eau propre et d’abris ».