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Le Secrétaire général António Guterres prononce son discours spécial sur l'action climatique depuis le Musée américain d'histoire naturelle à New York.

« Nous jouons à la roulette russe avec notre planète », insiste M. Guterres

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Le Secrétaire général António Guterres prononce son discours spécial sur l'action climatique depuis le Musée américain d'histoire naturelle à New York.

« Nous jouons à la roulette russe avec notre planète », insiste M. Guterres

Climat et environnement

« La lutte contre l’augmentation des émissions de carbone est cruciale pour le climat », a indiqué mercredi le Secrétaire général de l’ONU, soulignant que si la nécessité d’une action mondiale est sans précédent, les opportunités de prospérité et de développement durable le sont tout autant.

Choisissant l’emblématique Family Hall of Ocean Life du Musée américain d’histoire naturelle de New York pour prononcer son vibrant plaidoyer en faveur des solutions à portée de main, António Guterres a prévenu que la planète se trouve à « un moment de vérité ».

« Dans le cas du climat, nous ne sommes pas les dinosaures. Nous sommes le météore. Nous ne sommes pas seulement en danger - nous sommes le danger. Mais nous sommes aussi la solution », a-t-il dit.

Citant le dernier rapport du service Copernicus de la Commission européenne sur le changement climatique, qui indique que le mois dernier a été le mois de mai le plus chaud de l’histoire, le chef de l’ONU a déclaré que les émissions mondiales devaient diminuer de 9 % chaque année pour que la limite de 1,5℃ d’augmentation de la température par rapport aux niveaux préindustriels ne soit pas dépassée.

L’année dernière, elles ont augmenté de 1 %.

18 mois pour sauver le monde

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) de l’ONU a également indiqué mercredi qu’il y avait 80 % de chances que la limite de 1,5℃ - l’objectif établi dans l’Accord de Paris en 2015 - soit dépassée au cours de l’une des cinq prochaines années.

« Nous jouons à la roulette russe avec notre planète », a affirmé M. Guterres. « Nous avons besoin d’une bretelle de sortie de l’autoroute qui mène à l’enfer climatique. Et la vérité, c’est que nous avons le contrôle du volant ».

« S’éloigner du bord du gouffre « est encore à peu près possible », a-t-il poursuivi, mais seulement si nous nous battons plus fort. Tout dépend des décisions prises par les dirigeants politiques au cours de cette décennie et « en particulier au cours des 18 prochains mois ».

« La nécessité d’agir pour le climat est sans précédent, mais l’opportunité l’est tout autant, non seulement pour agir sur le climat, mais aussi pour la prospérité économique et le développement durable », a fait valoir  M. Guterres.

Question de degrés

Selon lui, une différence d’un demi-degré dans le réchauffement de la planète pourrait entraîner la disparition définitive de certains États insulaires ou communautés côtières.

Les scientifiques soulignent que la calotte glaciaire du Groenland et celle de l’Antarctique occidental pourraient s’effondrer et provoquer une élévation catastrophique du niveau de la mer. Des systèmes entiers de récifs coralliens pourraient disparaître, ainsi que 300 millions de moyens de subsistance, si l’objectif de 1,5℃ n’est pas atteint.

Des conditions météorologiques extrêmes, de l’Asie de l’Est à la côte ouest des États-Unis, ont été accélérées par le chaos climatique, « détruisant des vies, frappant les économies et mettant à mal la santé », a pointé le Secrétaire général de l’ONU.

La mafia des combustibles fossiles

Alors que des milliards de personnes dans le monde voient leur vie devenir plus coûteuse en raison du changement climatique, « les parrains du chaos climatique - les conglomérats de combustibles fossiles - engrangent des bénéfices records et se régalent de milliers de milliards de dollars de subventions financées par les contribuables », s’est exclamé le chef de l’ONU.

Il a ajouté que de nombreux acteurs de l’industrie pétrolière et gazière ont « fait de l’écoblanchiment sans vergogne », tout en essayant activement de retarder l’action en faveur du climat, avec l’aide et la complicité des sociétés de publicité et de relations publiques.

Appel à l’interdiction du pétrole et du gaz

« J’appelle ces entreprises à cesser de favoriser la destruction de la planète. Cessez d’accepter de nouveaux clients pour les combustibles fossiles à partir d’aujourd’hui et mettez en place des plans pour abandonner vos clients actuels », a exhorté le Secrétaire général.

Les esprits créatifs du secteur se concentrent déjà sur la sauvegarde de la planète, et non sur sa destruction, a-t-il ajouté.

M. Guterres a incité tous les pays du monde à interdire la publicité des entreprises de combustibles fossiles. 

Le salut est à portée de main

Au-delà des entreprises toxiques, « nous avons ce qu’il faut pour nous sauver nous-mêmes », a-t-il assuré au public réuni à proximité de Central Park, à New York. 

« Les forêts et les océans continuent d’absorber le carbone nocif et doivent être protégés. Le secteur des énergies renouvelables est en plein essor dans le monde entier en raison de la chute des coûts et représente aujourd’hui 30 % de l’approvisionnement mondial en électricité ».

Entre-temps, les investissements dans les énergies propres ont atteint un niveau record l’année dernière, doublant presque au cours de la dernière décennie », a déclaré le chef de l’ONU.

« La logique économique rend inévitable la fin de l’ère des combustibles fossiles », a-t-il estimé.

Mesures d’urgence

Pour assurer l’avenir le plus sûr possible à l’humanité et à la planète, il a présenté les mesures à prendre d’urgence :

  • Réduire les émissions
  • Protéger les populations et la nature des extrêmes climatiques
  • Accroître le financement de la lutte contre le changement climatique
  • Mettre un frein aux activités liées aux combustibles fossiles

Ce sont les pays les plus riches et les plus gros émetteurs qui doivent porter le plus lourd fardeau de l’action : « Les économies avancées du G20 doivent aller le plus loin et le plus vite possible, tout en apportant un soutien technique et financier aux pays en développement ».

Le Secrétaire général a appelé les plans d’action nationaux pour le climat à s’aligner sur la limite de 1,5℃ et à inclure des objectifs absolus de réduction des émissions pour 2030, 2035 et toutes les étapes mondiales qui jalonneront le parcours dans les décennies à venir.

« Chaque pays doit tenir ses promesses et jouer le rôle qui lui revient... Nous avons besoin de coopération, pas de pointer du doigt », a affirmé M. Guterres.

En termes de justice climatique, il a estimé qu’il était honteux que les nations les plus vulnérables soient laissées à elles-mêmes avec les impacts d’une crise climatique qu’elles n’ont pas contribué à créer.

« Nous ne pouvons pas accepter un avenir où les riches sont protégés dans des bulles climatisées tandis que le reste de l’humanité est frappé par des conditions météorologiques mortelles dans des pays invivables ».

« Un financement plus équitable de la lutte contre le changement climatique et la fin de la dette écrasante et des taux d’intérêt élevés que de nombreux pays en développement doivent supporter ne sont pas une question de charité », a-t-il ajouté.

Tous ensemble pour l’action climatique

« Le financement de la lutte contre le changement climatique n’est pas un service que l’on rend.  Il est essentiel à un avenir vivable pour tous », a-t-il déclaré.

Les citoyens du monde entier ont « une longueur d’avance sur les politiciens. Faites entendre votre voix et faites en sorte que vos choix comptent », a-t-il imploré.

Aucun pays ni aucune institution ne peut à lui seul résoudre la crise climatique. « Il s’agit d’un moment où tout le monde est concerné. Les Nations unies sont à pied d’œuvre pour instaurer la confiance, trouver des solutions et inspirer la coopération dont notre monde a désespérément besoin », a déclaré le secrétaire général.

Il a remercié les défenseurs du climat qui, à tous les niveaux de la société, ont poussé à l’action jusqu’à présent : « Vous êtes du bon côté de l’histoire. Vous parlez au nom de la majorité. Continuez, ne perdez pas courage, ne perdez pas espoir ».

« Le moment est venu de se mobiliser, d’agir et d’obtenir des résultats. C’est notre moment de vérité », a conclu le chef de l’ONU.