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Tunisie : les ingérences dans le système judiciaire et le harcèlement des avocats doivent cesser (experts)

Scène de rue en Tunisie (photo d'archives).
Banque mondiale/Dana Smillie
Scène de rue en Tunisie (photo d'archives).

Tunisie : les ingérences dans le système judiciaire et le harcèlement des avocats doivent cesser (experts)

Droits de l'homme

La détention violente et l'arrestation des avocats Sonia Dahmani et Mehdi Zaghrouba au siège de l'Ordre des avocats de Tunisie, et l'empêchement d'un éminent juge de participer à une réunion internationale, sont des violations inacceptables des droits fondamentaux auxquelles il faut mettre fin, ont déclaré des expertes indépendantes de l'ONU.

« Nous sommes choquées de constater que lors de son audition, M. Zaghrouba portait des marques de coups, des ecchymoses et des griffures sur différentes parties de son corps, notamment sur son épaule droite, son dos, ses jambes, ses bras et ses doigts », ont déclaré ces expertes*. « Au cours de la procédure, l'état de santé de M. Zaghrouba s'est rapidement détérioré, il a commencé à vomir, puis il a perdu connaissance ».

Besoin de soins médicaux immédiats

Les expertes ont demandé que Zaghrouba reçoive des soins médicaux immédiats et qu'une enquête indépendante soit menée, ajoutant que l'interdiction de la torture est absolue.

« Nous notons avec inquiétude que le juge Anas Hmedi, président de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), s'est vu refuser sa demande de congé pour assister à la réunion annuelle de l'Association internationale des juges en Afrique en mai », ont déclaré les expertes.

« Nous sommes particulièrement préoccupées par le fait que le refus du ministère de la Justice ne contenait aucune justification et restreignait les activités syndicales de l'AMT en refusant à son président le congé nécessaire à son voyage officiel », ont-elles ajouté.

Selon elles, ces détentions, les descentes dans les barreaux, le refus d'accorder un congé au président de l'AMT, constituent des restrictions excessives au droit à la liberté d'opinion et d'expression, ainsi qu'aux droits à la liberté de réunion pacifique et d'association pour les avocats et les juges en Tunisie.

« Nous craignons que ces actions ne constituent des représailles contre le juge Anas Hmedi pour avoir exercé ses droits à la liberté de réunion pacifique et d'association », ont-elles déclaré. « Conformément au droit international des droits de l'homme, les membres de l'appareil judiciaire ont droit, comme toute autre personne, à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique ».

« Nous sommes profondément préoccupées par l'impact négatif des récentes actions de l'exécutif sur l'indépendance judiciaire, le droit à un procès équitable et l'accès à la justice pour tous en Tunisie ».

Indépendance de la justice

Les Rapporteures spéciales ont indiqué que le ministère de la Justice a commencé à utiliser le mécanisme des notes de travail, de manière arbitraire et en dehors de tout cadre juridique, pour modifier la composition des tribunaux, de leurs présidents, des juges du ministère public, des juges d'instruction et des chambres judiciaires.

« Nous sommes d'autant plus inquiètes que ces notes font suite à des interrogatoires de juges par l'Inspection générale du ministère de la Justice et portent atteinte à l'indépendance et à l'impartialité du travail judiciaire. Ces changements au milieu de l'année judiciaire semblent être des représailles ou des punitions », ont-elles déclaré.

Elles ont exprimé leur inquiétude quant à l'indépendance de la justice après que le Président Kais Saied a dissous le Conseil supérieur de la magistrature en février 2022 et révoqué sommairement 57 juges en juin 2022.

« Nous demandons instamment au gouvernement de mettre fin à toutes les restrictions injustifiées à l'exercice légitime des droits à la liberté de réunion pacifique et d'association des juges et des avocats en Tunisie. Nous restons disponibles pour un dialogue constructif sur ces questions cruciales », ont dit les expertes, qui ont écrit à la Tunisie à ce sujet.

*Les expertes : Margaret Satterthwaite, Rapporteure spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats ; Gina Romero, Rapporteure spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association ; Irene Khan, Rapporteure péciale sur la liberté d’opinion et d’expression ; Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.