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Tunisie : les révocations de magistrats, un coup dur contre l’indépendance de la justice, selon un expert

Scène de rue en Tunisie (photo d'archives).
Banque mondiale/Dana Smillie
Scène de rue en Tunisie (photo d'archives).

Tunisie : les révocations de magistrats, un coup dur contre l’indépendance de la justice, selon un expert

Droits de l'homme

Un expert indépendant de l’ONU a exprimé vendredi sa « profonde inquiétude » concernant le droit à un procès équitable et le statut du pouvoir judiciaire en Tunisie, après que le Président Kais Saied a dissous le Conseil supérieur de la magistrature en février et limogé 57 juges le mois dernier.

Le 13 février 2022, le Président Saied a dissous le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), principal garant de l’indépendance judiciaire en Tunisie depuis la révolution de 2011 et la transition démocratique du pays. Le CSM a été remplacé par un Conseil supérieur de la magistrature temporaire nommé par décret présidentiel.

Ce décret permet au Président d’intervenir dans la nomination, la promotion et la discipline des juges dans le pays.

Puis le 1er juin, le Président Saied a publié un autre décret présidentiel lui permettant de révoquer unilatéralement tout juge sur la base de critères vagues et non définis, sans procédure régulière. Le même jour, il a révoqué 57 juges par ordonnance présidentielle.

L’impact négatif sur l’indépendance judiciaire

« Je suis profondément préoccupé par l’impact négatif des récentes actions du Président Saied sur l’indépendance judiciaire et le droit à un procès équitable et à l’accès à la justice pour tous en Tunisie », a déclaré Diego García-Sayán, Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats.

C’est dans ce contexte tendu que la justice tunisienne a provisoirement suspendu la grève qu’elle menait depuis le 6 juin. Cependant, trois juges sont toujours en grève de la faim depuis le 22 juin, et deux autres l’ont rejointe depuis le 6 juillet.

« Selon les normes internationales, toutes les procédures disciplinaires, de suspension ou de révocation contre les juges doivent être déterminées par un organe judiciaire indépendant », a affirmé M. García-Sayán, relevant son inquiétude sur « la santé des juges qui ont pris la décision très personnelle de lancer une grève de la faim pour protester contre ces mesures ».

Le Rapporteur spécial a exhorté les autorités de Tunis à répondre aux préoccupations sous-jacentes de la grève judiciaire et à prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et le mandat des juges. « J’ai demandé une visite en Tunisie depuis avril 2022. Je voudrais réitérer cette demande de visiter le pays avant la fin de mon mandat cette année. Je reste disponible pour un dialogue constructif sur cette question cruciale », a conclu l’expert indépendant onusien.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.