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Perte de biodiversité : l’accélération du taux d’extinction déclenche un effet domino

Dans les steppes kazakhes, le nombre de saïgas inscrits sur la liste rouge a déjà dépassé la barre des 2,5 millions.
Press service of the Ministry of Ecology and Natural Resources of Kazakhstan.
Dans les steppes kazakhes, le nombre de saïgas inscrits sur la liste rouge a déjà dépassé la barre des 2,5 millions.

Perte de biodiversité : l’accélération du taux d’extinction déclenche un effet domino

Climat et environnement

La diversité des animaux, des plantes et des micro-organismes de la planète est menacée par des facteurs tels que le changement d'utilisation des terres, l'urbanisation, la surexploitation, la pollution et le changement climatique, a déclaré mercredi l'ONU, appelant à une action immédiate pour protéger un million d'espèces de l'extinction.

L’appel lancé à l’occasion de la Journée internationale de la diversité biologique exhorte les gouvernements à mettre pleinement en œuvre un accord historique visant à stopper et inverser la perte de nature d’ici le milieu du siècle, adopté par 196 États membres en 2022.
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Le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal vise à restaurer les écosystèmes tout en créant des emplois, en renforçant la résilience et en stimulant le développement durable.
 
Nommé d'après les villes de Chine et du Canada où les négociations ont eu lieu, il est également connu sous le nom de Plan pour la biodiversité.
 
Des mesures concrètes incluent la protection de 30% des terres, des zones côtières et des eaux intérieures de la planète d’ici 2030.

Le « réseau » de la biodiversité se défait

Dans son message pour marquer la Journée internationale, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a averti que le « réseau complexe de biodiversité » qui soutient toute vie sur Terre « se défait à une vitesse alarmante – et que l’humanité en est responsable ».
 
« Nous contaminons les terres, les océans et l’eau douce avec une pollution toxique, détruisons les paysages et les écosystèmes et perturbons notre précieux climat avec des émissions de gaz à effet de serre », a-t-il déclaré.
 
Le chef de la biodiversité de l’ONU, David Cooper, a ajouté que toute une série d’espèces sont de plus en plus en danger.
Les amphibiens en sont un exemple, en particulier dans certaines zones tropicales, où ils sont confrontés à une combinaison de changements d’affectation des terres, de changements climatiques et de maladies.

Les récifs coralliens menacés

« Une autre catégorie majeure réellement menacée est celle des récifs coralliens… en raison de l'interaction du changement climatique avec le développement côtier, la surpêche, etc », a-t-il dit à ONU Info. « Nous perdons des récifs coralliens à cause du blanchissement des coraux et d’autres problèmes liés au changement climatique ».
 
De nombreuses espèces importantes d’insectes responsables de la pollinisation des fruits et légumes pourraient également disparaître.
 
« Déjà, pour ces cultures pollinisées par les animaux, le potentiel de rendement, le potentiel de production, est inférieur d'un tiers à ce qu'il serait en raison du déclin de l'abondance et de la diversité des pollinisateurs », a-t-il ajouté.
 
Le Cadre mondial Kunming-Montréal pour la biodiversité offre une voie vers le rétablissement, et à l’occasion de la Journée internationale, l’ONU a exhorté les gens du monde entier à soutenir sa mise en œuvre.
 
S'exprimant lors d'une célébration à Nairobi, la Directrice du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Inger Andersen, a souligné que « la biodiversité n'est pas qu'un mot, c'est la vie ». « Et ce plan… que les États membres ont conçu est le plan pour la vie, et donc la mise en œuvre de ce plan est primordiale », a-t-elle dit.

Harmonie avec la nature

Comme l'a souligné M. Cooper, les jeunes sont d'importants défenseurs du plan et ont joué un rôle essentiel dans les négociations qui ont mené à son adoption.
 
Avec d'autres groupes vulnérables tels que les enfants, les femmes, les peuples autochtones et les communautés d'ascendance africaine, ce sont eux qui souffrent le plus des impacts négatifs de la perte de la nature, a déclaré Heitor Dellasta du Réseau mondial des jeunes pour la biodiversité (GYBN), s'exprimant lors de l'événement à Nairobi.
 
Il a affirmé que le Plan pour la biodiversité « peut nous mettre sur la bonne voie vers un monde vivant en harmonie avec la nature, mais seulement s'il est pleinement mis en œuvre, appliqué par tous, et ne laisse personne de côté ».
 
Désormais protégée dans la plupart des régions, la tortue gaufrée était autrefois largement consommée dans le sud des États-Unis.
© Wikimedia/Birdphotos.com
Désormais protégée dans la plupart des régions, la tortue gaufrée était autrefois largement consommée dans le sud des États-Unis.

Effet domino

Alors que près d’un million d’espèces sont actuellement menacées d’extinction, l’Université des Nations Unies (UNU) de Bonn a attiré l’attention de son côté sur les « co-extinctions » : la réaction en chaîne qui se produit lorsque la disparition complète d’une espèce en affecte une autre.
 
Cette question est abordée dans la dernière édition du rapport de l’UNU sur les risques de catastrophe interconnectés.
 
Parmi les animaux en danger se trouve la tortue gaufrée, l’une des espèces vivantes les plus anciennes de la planète. Cette histoire tragique de perte de biodiversité se déroule au cœur des plaines côtières du sud des États-Unis.
 
Leur nombre réduit n’est pas seulement problématique pour la survie de la tortue en tant qu’espèce, car ces animaux jouent également un rôle essentiel dans la préservation de l’équilibre délicat de leur habitat côtier.

Rôle crucial pour d'autres espèces

Les tortues gaufrées ne sont pas de simples occupantes de leur habitat. Ce sont des architectes, sculptant des écosystèmes et fournissant des sanctuaires à plus de 350 autres espèces. Avec leurs pattes avant fonctionnant comme des pelles, elles creusent des terriers dont la taille varie de 6 à 9 mètres de long et de 1,8 à 2,5 mètres de profondeur.
 
Des petits insectes aux plus grands amphibiens, chaque organisme joue un rôle vital dans le réseau complexe de vie de l'écosystème fourni par ces terriers. Pour certains, les terriers de la tortue gaufrée sont un refuge sûr pour se reproduire et nourrir leur progéniture, tandis que pour d’autres, ils offrent un répit contre les prédateurs et les éléments.
 
Si la tortue gaufrée venait à disparaître, il est probable qu’un effet domino se ferait sentir dans tout l’écosystème.
 
Parmi les plus vulnérables se trouve la grenouille gaufrée sombre, en voie de disparition, une espèce déjà au bord de l’extinction. Dépendant des terriers de la tortue pour s'abriter et survivre, la disparition de la tortue mettrait très probablement également en danger la survie de cette espèce de grenouille.
 
Gus, la plus ancienne tortue gaufrée connue, vit au Musée d'histoire naturelle de la Nouvelle-Écosse au Canada.
© Wikimedia/Marty Aligata
Gus, la plus ancienne tortue gaufrée connue, vit au Musée d'histoire naturelle de la Nouvelle-Écosse au Canada.

Le rôle des humains

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En mettant davantage en lumière les co-extinctions, l'UNU a déclaré que les activités humaines intenses, telles que le changement d'affectation des terres, la surexploitation, le changement climatique, la pollution et l'introduction d'espèces envahissantes, provoquent une accélération de l'extinction qui est au moins des dizaines à des centaines de fois plus rapide que le processus naturel d’extinction.
 
Au cours des 100 dernières années, plus de 400 espèces de vertébrés ont par exemple disparu.
Les écosystèmes sont construits sur des réseaux complexes de connexions entre différentes espèces, comme l’indique l’exemple de la tortue gopher et de la grenouille gopher sombre.
 
L’effet domino pourrait conduire à l’extinction d’un plus grand nombre d’espèces, voire même à l’effondrement d’écosystèmes entiers.
 
Avec près d’un million d’espèces végétales et animales actuellement menacées, l’effet d’entraînement de l’extinction d’une seule espèce peut en affecter d’innombrables autres, perturbant ainsi les fonctions écologiques vitales.

La loutre de mer

La loutre de mer, une espèce en voie de disparition, fournit un autre exemple de dépendances complexes au sein des écosystèmes. Ayant élu domicile dans les forêts de varech du Pacifique, elles étaient autrefois abondantes, mais sont maintenant localement menacées en raison de la chasse incessante pour leur fourrure dans le passé.
 
Dans une danse écologique finement réglée, les loutres de mer se nourrissent d'oursins, stoppant ainsi la croissance effrénée des populations d'oursins. Sans la présence de loutres, ils sévissent, transformant les forêts luxuriantes de varech en « landes à oursins » désolées.
 
Mais la disparition des loutres de mer aurait des impacts qui s'étendraient bien au-delà de la seule disparition du varech, a déclaré l'UNU. Plus de 1.000 espèces – dont des requins, des tortues, des phoques, des baleines, des oiseaux et une multitude de poissons – dépendent de ces refuges sous-marins pour leur existence même.

Interdépendance

Faire face à la crise de la biodiversité nécessite une approche multiforme qui reconnaît l’interdépendance des risques et des solutions.
 
L'un des objectifs consiste à réduire par dix le taux d'extinction de toutes les espèces d'ici le milieu du siècle et à augmenter l'abondance des espèces sauvages indigènes à des niveaux sains et résilients, a déclaré Zita Sebesvari, Directrice adjointe de l'Institut pour l'environnement et la sécurité humaine de l'UNU et auteure principale du Rapport sur les risques de catastrophe interconnectés.
 
« Même si les stratégies d’adaptation, telles que la restauration et la protection des corridors verts entre les habitats animaux, offrent un certain répit, la lutte contre les causes sous-jacentes de l’extinction reste cruciale, car cet objectif ne peut être atteint tant que nous risquons d’accélérer les extinctions », a-t-elle expliqué.