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Plus de 16,7 millions de personnes en Syrie ont besoin d'une aide humanitaire.

Syrie : l’ONU signale une crise humanitaire « sans précédent »

© UNICEF/Hasan Belal
Plus de 16,7 millions de personnes en Syrie ont besoin d'une aide humanitaire.

Syrie : l’ONU signale une crise humanitaire « sans précédent »

Paix et sécurité

Treize ans après le début de la guerre, la Syrie fait face à une situation sans précédent, a alerté vendredi un haut responsable des Nations Unies.

Selon le Coordinateur résident et coordinateur humanitaire de l’ONU en Syrie, on ne saurait trop insister aujourd’hui sur l’urgence de la situation humanitaire dans ce pays du Moyen-Orient, qui a marqué récemment, « son 13e anniversaire, de conflit, un anniversaire très sombre ». 

« Compte tenu du grand nombre de crises qui se déroulent simultanément dans le monde, nous sommes confrontés à une situation dans laquelle nous nous contentons de puiser de l’eau avec un dé à coudre dans un navire qui coule à toute allure », a déclaré lors d’un point de presse, Adam Abdelmoula, relevant qu’il s’agit d’une situation sans précédent en Syrie que le monde ne peut pas se permettre d’ignorer.

16,7 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire

Sur le terrain, les besoins de la population ont « augmenté de façon exponentielle ». Au moins 16,7 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en Syrie, contre 15,3 millions en 2023 et 14,6 millions en 2022. 

Tous les jours, des personnes renoncent à des repas, retirent leurs enfants de l’école pour qu’ils puissent aider à subvenir aux besoins de la famille

Plus de 7 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et presque autant sont réfugiées dans les pays voisins dont la majorité en Jordanie, au Liban et en Türkiye. 

Alors que près de 13 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire dans le pays, les partenaires humanitaires ne disposent que d’une marge de manœuvre limitée pour répondre aux besoins vitaux immédiats, en raison de la vulnérabilité accrue et croissante. 

« Nous entendons tous les jours que des personnes sont obligées de renoncer à des repas, de retirer leurs enfants de l’école pour qu’ils puissent aider à subvenir aux besoins de la famille, ou que des mères choisissent de ne pas prendre leurs médicaments pour nourrir leurs enfants. C’est inadmissible », a ajouté M. Abdelmoula. 

Cette détérioration de l’insécurité alimentaire intervient dans un contexte de crise socio-économique. Selon l’ONU, l’économie est en chute libre, avec une monnaie syrienne, qui continue de « se dévaluer à une vitesse fulgurante ».

Dans le même temps, les prix des produits de base montent en flèche. Cette situation est exacerbée par l’effondrement des services sociaux de base et le manque d’aide au développement.

Des risques de répercussion du conflit à Gaza

Par ailleurs, les violences ne faiblissent pas. Selon l’ONU, la crise syrienne reste l’une des plus « meurtrières pour les civils dans le monde ». 

Les hostilités se poursuivent dans diverses régions de la Syrie et ont récemment connu une forte recrudescence, en particulier dans le nord du pays.  Du 1er janvier au 31 octobre 2023, 454 civils, dont 88 femmes et 115 enfants, ont été tués dans le cadre du conflit. 

Comme pour aggraver les choses, l’escalade en cours à Gaza, en Cisjordanie, en Israël et au Sud-Liban a déjà eu des répercussions, notamment sur les populations touchées et les infrastructures civiles essentielles dans toute la Syrie, a insisté le responsable onusien. 

« En outre, lorsque les gens sont poussés au bord du gouffre, ils peuvent être exploités par des groupes extrémistes radicaux, ce qui crée un risque supplémentaire pour la société syrienne et le monde en général », a détaillé M. Abdelmoula. 

Depuis le début de l’escalade dans l’enclave palestinienne, l’ONU indique avoir déjà vu « de nombreux appels de l’organisation de l’Etat islamique, incitant à des attaques de vengeance dans le monde entier, y compris contre les gouvernements arabes qu’il accuse de [protéger] Israël ».

Un garçon de cinq ans collecte des fournitures ménagères distribuées par l'UNICEF dans la ville d'Alep, en Syrie.
© UNICEF/Adel Janji
Un garçon de cinq ans collecte des fournitures ménagères distribuées par l'UNICEF dans la ville d'Alep, en Syrie.

L’aide humanitaire est la dernière ligne de défense

Malgré les énormes défis et l’environnement opérationnel complexe en Syrie, les partenaires ont été en mesure d’atteindre 6,8 millions de personnes dans le besoin chaque mois en 2023. Selon l’ONU, l’aide humanitaire constitue la dernière ligne de défense pour les populations touchées par la crise. 

« En l’absence d’une solution politique et d’une aide humanitaire durable et significative, le pays risque de se désintégrer davantage. Une Syrie encore plus désintégrée pourrait déstabiliser l’ensemble de la région », a fait valoir le Coordinateur humanitaire de l’ONU.

Toutefois, les agences humanitaires font face à un manque de fonds. 

Selon un décompte effectué le 1er mars dernier, le plan de réponse 2024 de plus de 4 milliards de dollars n’a été financé qu’à hauteur de 0,02 %. L’ONU redoute que l’inaction soit coûteuse et entraîne inévitablement des souffrances supplémentaires. 

L’inaction signifiera que des millions d’autres souffriront de la faim ; des personnes vulnérables ne bénéficieront pas d’interventions essentielles en matière d’abris, ce qui augmentera les risques en 2024, et bien d’autres choses encore. Quelque 2,5 millions d’enfants non scolarisés n’auront pas la possibilité de retourner à l’école.