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Nicholas Haysom, Représentant spécial de l'ONU au Soudan du Sud, devant le Conseil de sécurité.

Soudan du Sud : l’ONU s’inquiète du retard dans la préparation des élections

UN Photo/Manuel Elias
Nicholas Haysom, Représentant spécial de l'ONU au Soudan du Sud, devant le Conseil de sécurité.

Soudan du Sud : l’ONU s’inquiète du retard dans la préparation des élections

Paix et sécurité

Devant le Conseil de sécurité, vendredi, de hauts responsables de l’ONU ont fait état de retard dans le plan de transition du Soudan du Sud vers les élections prévues pour 2024 et de graves difficultés pour la population, victime de chocs climatiques et de perturbations économiques dues au conflit dans le Soudan voisin. 

Le temps presse, a reconnu Nicholas Haysom, Représentant spécial de l’ONU au Soudan du Sud, en rappelant l’impératif, pour ce pays, de réaliser les objectifs de l’Accord de paix et de la feuille de route dans les 15 mois précédant les prochaines élections de décembre 2024. En priorité, des institutions clés et des cadres juridiques doivent être mis en place avant l’échéance, notamment une Commission électorale nationale et un conseil des partis politiques indispensables à la tenue du scrutin.

La volonté politique est primordiale

« Des questions cruciales restent sans réponse », a estimé M. Haysom. « Leur solution ne nécessite pourtant pas de ressources matérielles mais seulement une volonté politique de parvenir à un consensus », a-t-il poursuivi, énumérant les inconnues pratiques touchant à l’enregistrement des électeurs, la participation des personnes réfugiées ou déplacées, comme la sécurité ou le règlement de possibles litiges.

Le chef de la MINUSS, la mission des Nations Unies au Soudan du Sud, a aussi évoqué l’enlisement, le retard de 12 mois du processus de rédaction de la Constitution du pays qui devra être réalisé dans le respect de la liberté d’expression et d’association. A ses yeux, il est urgent de s’atteler à ces priorités, mais ce sentiment d’urgence doit venir des parties à l’accord de paix et non de la communauté internationale.

Nicholas Haysom a noté des avancées modestes depuis sa dernière intervention devant le Conseil de sécurité, notamment la création d’un groupe de travail conjoint entre le gouvernement d’unité et la trilatérale comprenant l’Union africaine, l’IGAD (groupe régional de pays d’Afrique de l’Est) et les Nations Unies, des discussions budgétaires au gouvernement et un accord pour un premier déploiement de Forces unifiées nécessaires (NUF).

Il a aussi salué l’engagement clair pris par le Président Kiir d’éviter que le Soudan du Sud replonge dans la guerre, sa recommandation à « toutes les parties de travailler à sortir du statut de gouvernement transitoire perpétuel et de tenir les élections dans les temps ».

Préparer un scrutin inclusif et pacifique

S’agissant de l’organisation du scrutin, le Représentant spécial a préconisé « un terrain de jeu équitable » pour assurer une consultation crédible et inclusive et pacifique et rappelé que la situation actuelle privilégie un parti politique par rapport aux autres, d’où la nécessité d’un conseil des partis politiques, garant de l’enregistrement des formations politiques et de leurs droits. 

Le Représentant spécial a assuré qu’en dépit de tous ces défis, le projet d’élection jouit toujours d’un fort soutien populaire et qu’un récent forum des partis politiques a confirmé l’attachement de toute la classe politique à une plus grande ouverture de l’espace politique et à un soutien à la liberté d’expression. Il s’est aussi félicité que le cessez-le-feu soit largement respecté et que les conflits aient connu une diminution substantielle entre les signataires de l’Accord de paix revitalisé de 2018. 

Il a néanmoins reconnu les difficultés que ressent la MINUSS pour la protection des civils en raison de ses moyens inchangés, et a décrit les risques de regains de conflits dans le pays en raison de la concurrence pour des ressources limitées. En cause, le changement climatique, la succession des inondations et des sécheresses, qui affecte une population dont la subsistance dépend de secteurs sensibles au climat, comme l’agriculture et l’élevage. Les déplacements des éleveurs sont, a-t-il rappelé, des sources de conflits potentiels.

Edem Wosornu, Directrice des opérations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA)
UN Photo/Manuel Elias
Edem Wosornu, Directrice des opérations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA)

Graves conséquences du conflit au Soudan voisin

Pour sa part, Edem Wosornu, Directrice des opérations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a confirmé que le conflit dans le Soudan voisin a profondément compliqué la situation humanitaire dans un pays où 76% de la population nécessite une assistance en raison des affrontements mais aussi des chocs climatiques. Une situation aggravée par l’afflux de 260.000 personnes venues du Soudan pour tenter de trouver protection et sécurité après des voyages marqués par des harcèlements et des violences physiques envers les femmes et les filles.

Par ailleurs les perturbations du commerce transfrontalier entre le Soudan et le Soudan du Sud ont entrainé une augmentation des prix des denrées alimentaires de 20 à 75% qui frappe particulièrement les 8 millions de Sud-Soudanais, 64% de la population, déjà en situation d’insécurité alimentaire.

Ces hausses de prix, a noté Edem Wosomu, ont aussi un impact sur les capacités d’OCHA à maintenir une aide adéquate à la population. Alors que le plan de réponse humanitaire 2023 pour le Soudan du Sud évaluait à 1,7 milliard de dollars le financement nécessaire pour répondre aux besoins de 6,8 millions de personnes, le plan n’a reçu que 782 millions, soit seulement 46% de cette somme. Si OCHA a réussi à porter assistance à 4 millions de personnes, Mme Wosomu a appelé néanmoins la communauté internationale à intensifier ses efforts et investir dans des solutions à plus long terme.

« Le peuple du Soudan du Sud veut aller au-delà de l’aide humanitaire, voler de ses propres ailes, prospérer et s’épanouir en tant que nation indépendante », a-t-elle déclaré. « Tout le monde, y compris les femmes et les jeunes déplacés, ne souhaitent qu’avoir la capacité de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur familles ».

Edem Wosomu s’est félicitée de l’action de la société civile, des organisations locales au premier rang des secours au Soudan du Sud, mais a rappelé la responsabilité de la communauté internationale à soutenir l’aspiration de la population à subvenir à ses besoins et à recouvrer une vie paisible et digne.