L'actualité mondiale Un regard humain

A l’ONU, le Président du Conseil européen dénonce « la violence des armes et le poison du mensonge »

Charles Michel, Président du Conseil européen, lors du débat général de l'Assemblée générale des Nations Unies.
Photo ONU/Cia Pak
Charles Michel, Président du Conseil européen, lors du débat général de l'Assemblée générale des Nations Unies.

A l’ONU, le Président du Conseil européen dénonce « la violence des armes et le poison du mensonge »

Paix et sécurité

Dans un discours virulent adressé en grande partie à la Russie, Charles Michel, Président du Conseil européen, a démenti devant l’Assemblée générale des Nations Unies les justifications de l’invasion de l’Ukraine, fustigé « l’impérialisme et le revanchisme », et prôné une coopération « sans maître ni élève » avec les pays en développement pour relever les défis du climat et des pandémies.

« Le Kremlin a déclenché une guerre contre le peuple ukrainien », a accusé Charles Michel. « Et ce sont des centaines de millions de femmes et d’hommes qui sont visés partout dans le monde, menacés de famine, privés de chauffage, ou acculés par les factures énergétiques ».

« C’est une guerre hybride, car elle conjugue la violence des armes avec le poison du mensonge », a déclaré le Président du Conseil européen, l’institution qui réunit les chefs d'État ou chefs de gouvernement des vingt-sept États membres de l'Union européenne.

Il a ensuite démonté, un à un, les arguments russes d’une menace de « l'Ouest », « un ennemi imaginaire », d’un prétendu génocide des populations russophones d’Ukraine et d’une nécessité de dénazifier le pays, « faux et ignoble ».

Dénonçant le « caractère honteux » du terme « opération spéciale » employé par la Fédération de Russie, Charles Michel a tenu aussi à terrasser le mythe selon lequel les sanctions contre la Russie provoqueraient des pénuries d’aliments et de fertilisants, rappelant que ce pays avant même la guerre avait diminué drastiquement ses exportations de céréales et de fertilisants, favorisant ainsi la volatilité des cours sur le marché mondial.

Cynisme de la Russie

Il a ainsi répété qu’après le blocage militaire des ports de la mer Noire, c’est l’Union européenne qui a ouvert les couloirs de solidarité routiers grâce auxquels 10 millions de tonnes de produits alimentaires sont déjà sortis d’Ukraine, et que l’accord conclu par le Secrétaire général de l’ONU ouvrant un couloir naval en mer Noire a contribué à la baisse des cours mondiaux. « Comble du cynisme, c’est le Kremlin qui menace à nouveau de pas prolonger cet accord conclu avec les Nations Unies », a affirmé Charles Michel.

Reprenant la définition de l’impérialisme formulée par l’ancien Président malien Modibo Keïta, le Président du Conseil européen a fustigé l’impérialisme et le revanchisme comme les seuls fondements de « cette guerre de colonisation qui cible l’Ukraine et qui piétine délibérément la loi internationale et la Charte des Nations Unies ».

« Nous ne pouvons pas laisser l’action destructrice de l’un d’entre nous mettre en péril notre volonté farouche d’agir pour le bien commun », a-t-il dit, citant la liste des défis urgents que doit relever la communauté internationale, comme les effets durables de la pandémie, la régression des droits humains et des droits des femmes et des minorités, les dégâts du réchauffement climatique et les fractures internes et entre pays qui nécessitent, selon lui, la coopération multilatérale, « une intelligence collective qui est aussi l’ADN de l’Union européenne ».

Construire des solutions

Charles Michel a déclaré que le leadership européen vise à construire des solutions et n’a pas vocation à sermonner. « Avec nos amis africains, nous avons reprogrammé le logiciel », assure-t-il, prônant un partenariat d’égal à égal tourné « vers le futur », « sans maitre ni élève » et une inclusion de l’Union africaine au G20.

Selon lui, le système multilatéral actuel, qui suppose la confiance mutuelle, n’est pas assez inclusif et représentatif. « Le droit de veto devrait être l’exception, or il en devient la règle », a-t-il déploré, en prônant une réforme nécessaire et urgente du Conseil de sécurité dont devrait être suspendu automatiquement tout membre qui déclencherait « une guerre non provoquée et injustifiable ».

Il a reconnu qu’en matière de sécurité énergétique, nous avons été trop dépendants, trop longtemps, mettant en péril notre sécurité, notre prospérité et notre souveraineté. Ajoutant que « vaincre la crise énergétique, c’est faire reculer la menace climatique » et garantir notre avenir. Assurant que l’Union européenne militera à la Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP 27, pour mettre en œuvre l’Accord de Paris et « pour aller au-delà », en veillant à une transition juste et équitable car « aucun pays ne peut à lui seul protéger notre planète ».

A l’heure ou la guerre russe contre l’Ukraine a exacerbé la crise alimentaire mondiale, l’Union européenne mobilise 8 milliards d’euros pour la sécurité alimentaire jusqu’en 2024 et prône plus de coordination, plus d’argent et plus de souveraineté dans ce domaine, se disant prête à soutenir des projets de production de fertilisants en Afrique et en Amérique latine, à l’instar de ce qui est fait en matière de vaccins anti-Covid.

Charles Michel, évoquant la réponse à la pandémie, a salué les efforts de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui pour aider à produire des vaccins en un temps record, a trouvé un équilibre entre la propriété intellectuelle, l’innovation scientifique et l’accès universel à la technologie. Il a encouragé à conclure la négociation d’un traité sur les pandémies dont il partage l’initiative avec le Dr Tedros, Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

Rappelant enfin les propos de Winston Churchill sur l’échec de la Société des nations, « non à cause de ses principes mais parce que ces principes ont été désertés par les Etats qui l’ont fait naître », Charles Michel a déclaré sa foi dans les vertus de la sagesse collective. « Nous avons besoin d’un sursaut », a-t-il dit. « Il est encore temps ».