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Mali : risque de contagion djihadiste en Afrique de l’Ouest, selon un expert de l’ONU

Un Casque bleu patrouille dans un village dans la région de Mopti, au Mali.
MINUSMA/Gema Cortes
Un Casque bleu patrouille dans un village dans la région de Mopti, au Mali.

Mali : risque de contagion djihadiste en Afrique de l’Ouest, selon un expert de l’ONU

Droits de l'homme

Alors que la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel central continue de se dégrader, un Expert indépendant onusien s’est inquiété, mardi, du débordement de la menace djihadiste sur la partie septentrionale des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest.

La situation sécuritaire est en train de s’aggraver dans cette partie occidentale de l’Afrique, une menace qui touche également des pays qui ne partagent des frontières avec le Mali, a mis en garde Alioune Tine, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali.

Bénin, Togo, Côte d’Ivoire... la violence djihadiste qui ravage depuis des années la région du Sahel Central déborde toujours plus vers les pays côtiers du Golfe de Guinée.

S’exprimant devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’Expert indépendant a indiqué que « la situation sécuritaire est en train de s’aggraver dans la région », relevant que « ce n’est pas par hasard non plus ». « Le Bénin commence à être attaqué, le Togo, mais aussi le nord du Ghana. Au Sénégal aussi, on en parle aussi du côté de Kayes », a détaillé M. Tine. 

Une déstabilisation au Mali ne se limitera pas aux frontières géographiques du pays ou de la région du Sahel

L’un des indicateurs les plus préoccupants est le fait que la violence se répand si rapidement au Mali qu’elle met « en péril la survie même de l’État ». « Étant donné la position stratégique du Mali, c’est l’avenir de toute la région du Sahel et au-delà qui est en jeu », souligne l’expert dans son rapport.

Comme l’expérience l’a montré ailleurs, les conséquences d’une déstabilisation au Mali ne se limiteront pas aux frontières géographiques du pays ou de la région du Sahel, a poursuivi M. Tine. Dans ces conditions, « la communauté internationale, l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) devraient donc penser à des solutions appropriées pour faire face à la situation sécuritaire.

« Il me semble qu’aujourd’hui il y a quelque chose à faire sur la question de la sécurité dans sous-région (ouest-africaine) », a insisté l’Expert indépendant onusien.

Cette détérioration continue et inquiétante de la situation exige de la communauté internationale de repenser, en coopération avec le Mali et tous les acteurs concernés par la crise malienne, des réponses aux défis auxquels fait face Bamako en matière de sécurité et de politique. Il s’agit ainsi d’adopter des « mesures plus appropriées » pour aider les autorités maliennes à « rétablir la sécurité sur toute l’étendue du territoire malien ».

Agir de sorte que le basculement géostratégique contribue à la stabilité

« Je recommande aux partenaires du Mali d’agir de sorte que le basculement géopolitique et géostratégique en cours ne puisse contribuer à l’aggravation des tensions politiques et de l’insécurité, mais contribue au renforcement de la paix, de la stabilité et de la sécurité au Mali », a fait valoir M. Tine, exhortant également la CEDEAO à lever les sanctions contre le Mali.

Pour l’expert, les réponses actuelles à l’insécurité au Mali ne sont plus adaptées, notamment pour garantir la sécurité des personnes civiles et leurs droits fondamentaux, qui doivent constituer la colonne vertébrale des stratégies mises en œuvre au Mali et au Sahel en matière de sécurité. « Force est de reconnaître la nécessité de trouver des solutions de substitution plus adaptées, dans un climat de dialogue avec toutes les parties prenantes et de sérénité pour renforcer l’amélioration de la sécurité et éviter tout isolement qui pourrait avoir des effets pervers sur la crise malienne ».

Plus largement, la défaillance des institutions maliennes accentue la menace d’attaques contre les civils par des groupes extrémistes violents et par des individus armés non identifiés dont le modus operandi s’apparente à celui des groupes extrémistes violents. À cet égard, il a indiqué que ces derniers continuent de consolider leur présence et leur contrôle dans les localités de Gao, Ménaka et Tombouctou (au nord du Pays) et de Bandiagara, Douentza, Mopti, San et Ségou (au centre du pays), et d’étendre leurs activités dans les localités de Kita, Koulikoro, Koutiala et Sikasso (au sud du Mali).

Le Mali réitère son engagement à l’Accord de paix issu du processus d’Alger

Les groupes extrémistes violents sont responsables de près de 65% des cas de meurtres, de blessures et d’enlèvements de civils au cours du second semestre 2021. M. Tine s’est également dit gravement préoccupé par les allégations faisant état de violations sérieuses des droits de l’homme et du droit internationale humanitaire par les Forces de défense et de sécurité maliennes. Au regard de la situation préoccupante des droits humains, l’Expert a souligné l’urgence de mettre un terme au cycle infernal de l’impunité. 

En tant que pays concerné, le Mali – par la voix de son Ministre de la justice et des droits de l’homme, Garde des sceaux, Mamoudou Kassogue – a dit être pleinement conscient de sa responsabilité première en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et a réitéré son engagement à les respecter, malgré les nombreux défis auxquels Bamako est confronté.

S’agissant de la situation dans les régions du centre du Mali, la situation sécuritaire toujours précaire, n’a pas permis le maintien de l’administration judiciaire dans plusieurs localités. Concernant la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, Bamako a réitéré l’engagement du gouvernement et des mouvements signataires pour une « mise en œuvre diligente et intelligente », tout en accélérant le processus de désarmement, démobilisation, et réinsertion (DDR).

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.