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Soudan: les violences sexuelles comme arme de répression massive à Khartoum (ONU)

Des manifestants dans les rues de la capitale du Soudan, Khartoum, en avril 2019.
Photo ONU Soudan/Ayman Suliman
Des manifestants dans les rues de la capitale du Soudan, Khartoum, en avril 2019.

Soudan: les violences sexuelles comme arme de répression massive à Khartoum (ONU)

Femmes

Alors que des milliers d’opposants contre le coup d’État militaire du 25 octobre continuent de manifester au Soudan, plusieurs femmes auraient été agressées sexuellement, a déploré mardi le Bureau des droits de l’homme de l’ONU.

« Nous avons reçu des informations profondément troublantes faisant état de violences sexuelles et de harcèlement par les forces de sécurité, lors des manifestations qui ont eu lieu à Khartoum le dimanche 19 décembre 2021 », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH).

Les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet ont reçu « des allégations selon lesquelles 13 femmes et filles ont été victimes de viols ou de viols collectifs ».

« Notre Bureau conjoint des droits de l’homme au Soudan a également reçu des allégations de harcèlement sexuel par les forces de sécurité à l’encontre de femmes qui tentaient de fuir la zone autour du palais présidentiel dans la soirée du 19 décembre 2021 », a ajouté Mme Throssell, plaidant pour « une enquête rapide, indépendante et approfondie sur ces allégations de viol et de harcèlement sexuel ».

Deux morts et 300 blessés lors de manifestations dimanche

Pour l’ONU, les auteurs de ces actes doivent être identifiés et poursuivis. « D’autres manifestations étant prévues ce week-end et dans les semaines à venir, il est essentiel que les forces de sécurité garantissent et protègent le droit de réunion pacifique et agissent dans le plein respect des lois et normes internationales régissant l’usage de la force », a insisté la porte-parole du HCDH.

Par ailleurs, deux manifestants sont morts après avoir été abattus. Environ 300 autres ont été blessés, certains en raison de l’utilisation de balles réelles alors que d’autres ont été touchés par des bombes lacrymogènes ou battus par les forces de sécurité. Selon l’ONU, d’autres manifestants encore ont souffert de difficultés respiratoires dues à l’inhalation de gaz lacrymogènes.

L’ONU veut donc une enquête indépendante sur les allégations de décès et de blessures de manifestants résultant d’un recours inutile ou disproportionné à la force, en particulier l’utilisation de balles réelles. 

Les services de Mme Bachelet ont également pris acte de la création par le procureur général par intérim d’un comité de procureurs de haut rang chargé d’enquêter sur tous les abus et autres incidents survenus depuis le coup d’État militaire du 25 octobre 2021.  

« Nous avons demandé aux autorités nationales de rendre publiques les conclusions de ce comité d’enquête, dans la plus grande transparence, afin que les responsables rendent des comptes, y compris par le biais d’enquêtes pénales », fait valoir Mme Throssell.

Au moins 250 morts dans des affrontements tribaux au Darfour et au Kordofan-Sud

Les manifestations du 19 décembre, auxquelles des dizaines de milliers de personnes ont participé, ont été organisées pour marquer le troisième anniversaire des protestations qui ont débuté en décembre 2018 et ont finalement abouti au renversement du gouvernement du président Béchir en avril 2019. Les manifestants protestaient également contre le coup d’État militaire du 25 octobre et l’accord politique signé le 21 novembre 2021.

Sur un autre plan, le Haut-Commissariat s’est vivement préoccupé de la hausse des violences intercommunautaires au Darfour et au Kordofan-Sud. Ces deux provinces sont déchirées, depuis octobre, par des heurts entre tribus qui ont fait « au moins 250 morts, 197 blessés et plus de 50.000 déplacés».

« Il y a eu de graves lacunes en matière de protection au Darfour, notamment à la suite de la réduction des forces de sécurité de l’État dans des zones clés du Darfour et des longs retards dans la mise en œuvre d’un plan national de protection des civils », a détaillé la porte-parole du HCDH.

Alors que les autorités nationales ont rassemblé une force de protection conjointe temporaire de 3.000 personnes en vue de son déploiement dans le courant du mois, l’ONU veut que Khartoum veille à ce que cette force reçoive une formation complète sur les droits humains et le droit international humanitaire avant son déploiement sur le terrain. 

« Il est également essentiel que les responsables des violations des droits de l’homme et des abus commis soient tenus de rendre des comptes, quelle que soit leur affiliation », a conclu Mme Throssell.