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Myanmar : la junte tente de légitimer sa prise de pouvoir, selon l’envoyée de l'ONU

L'instabiité politique continue au Myanmar.
Unsplash/Saw Wunna
L'instabiité politique continue au Myanmar.

Myanmar : la junte tente de légitimer sa prise de pouvoir, selon l’envoyée de l'ONU

Paix et sécurité

Six mois après avoir pris le pouvoir par un coup d'État, les chefs militaires du Myanmar semblent maintenant s'employer à consolider leur régime, a déclaré mardi l'Envoyée spéciale des Nations Unies pour le pays, lors d’une conférence de presse avec des journalistes à New York.

Selon Christine Shraner Burgener, la situation au Myanmar « est toujours très préoccupante », alors que le pays est frappé par une troisième vague « grave » d'infections à la Covid-19.

La semaine dernière, le général Min Aung Hlaing a annoncé qu'il se nommait Premier ministre et s'est engagé à organiser des élections d'ici 2023.

« À mon avis, le commandant en chef semble déterminé à consolider son emprise sur le pouvoir avec l’annonce du gouvernement intérimaire, l'annulation formelle du résultat des élections de l'année dernière et la déclaration du commandant en chef qu’il allait être le Premier ministre du pays », a déclaré l'envoyée de l'ONU, s'exprimant depuis la Suisse.

Mme Schraner Burgener a également exprimé sa crainte que la Ligue nationale de la démocratie (NLD), qui a remporté les élections de novembre 2020, ne soit bientôt dissoute de force. La Conseillère d'État et cheffe de ce parti, Aung San Suu Kyi, ainsi que le Président Win Myint, ont été arrêtés lors du coup d'État du 1er février.

« Il s'agit d'une tentative de promouvoir la légitimité face au manque d'action internationale entreprise », a déclaré la responsable onusienne. « Et je dois préciser que l'ONU ne reconnaît pas le gouvernement, c'est donc aux États membres de décider ».

Elle a souligné que « tant que les États membres ne prennent aucune décision », le Représentant permanent du Myanmar à New York, Kyaw Moe Tun, reste l'ambassadeur légitime du pays à l'ONU, tandis que Mme Suu Kyi et le Président Myint en sont les dirigeants.

Récemment, un complot a été découvert pour tuer ou blesser l'ambassadeur Tun, qui a dénoncé le coup d'État dans la salle de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, selon les médias.

« J'ai été vraiment choquée d'entendre cela, et il appartient maintenant clairement à l'équipe d'enquête de découvrir qui est derrière cette attaque », a déclaré Mme Shraner Burgener.

Attaques contre la presse libre

Selon elle, la situation sur le terrain au Myanmar reste « très difficile ». « Il n'y a pas de liberté d'expression et j'ai toujours de sérieuses inquiétudes concernant les attaques contre la presse libre. Je demande toujours dans mes discussions avec l'armée la libération des prisonniers politiques, y compris les nombreux professionnels des médias ».

L'armée a réprimé les manifestations en faveur de la démocratie à la suite du coup d'État et plus de 960 personnes ont été tuées à ce jour. Des milliers d'autres ont été arrêtées et sont détenues, dont des étrangers et plus de 100 enfants. Pendant ce temps, les affrontements entre l'armée et les forces de défense locales se poursuivent. La violence a augmenté et les groupes de défense utilisent de plus en plus des « armes professionnelles ».

Le Myanmar est également confronté à une bataille dévastatrice contre le coronavirus. Plus de 331.000 cas ont été signalés. Les agences des Nations Unies et leurs partenaires s'efforcent de reprendre la fourniture d'une assistance sanitaire, la priorité étant donnée au déploiement des vaccins dans le cadre de l'initiative de solidarité mondiale, COVAX, et à la relance des vaccinations en général.

Mme Schraner Burgener poursuit son engagement pour trouver une solution pacifique à la crise politique au Myanmar, bien qu'elle n'ait pas encore été autorisée à s'y rendre.

L'Envoyée spéciale de l'ONU a eu des entretiens avec l'armée, les organisations ethniques armées et d'autres parties prenantes, dont le gouvernement d'unité nationale (NUG), formé par des parlementaires exilés après le coup d'État. Les représentants viennent de la NLD, d'autres partis et groupes ethniques armés.

Promotion d'un dialogue inclusif

Au cours des deux derniers mois, elle a promu l'idée d'un dialogue inclusif organisé autour de quatre sujets couvrant la réponse à la pandémie, l'aide humanitaire, les questions liées à la communauté Rohingya, et les causes profondes de la crise. Elle a également proposé de créer un groupe d'observateurs internationaux sur le Myanmar.

 « Les groupes ethniques armés étaient en majorité très positifs de cette idée, et veulent vraiment trouver une solution pacifique », a-t-elle dit, se référant à la proposition de dialogue. « Le NUG… était intéressé par l'idée mais aurait clairement des conditions préalables pour entamer un tel dialogue ».

Mme Schraner Burgener a eu « une longue conversation » avec Soe Win, le commandant en chef adjoint de l'armée, le 16 juillet. Bien que réceptive à certaines de ses idées, notamment sur les mesures de prévention à la COVID-19, « sur le dialogue, je n'ai pas reçu de réponse : ni positive, ni négative ».

Elle espère qu'avec la nomination récente d'un envoyé spécial de l'ASEAN sur le Myanmar, un dialogue aura lieu, sinon « cela va de plus en plus dans le sens d'une guerre civile », a-t-elle prévenu.