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La vague de haine et de xénophobie visant les minorités doit être combattue, avertit un expert de l'ONU

L'application Facebook sur un smartphone.
Unsplash/Solen Feyissa
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La vague de haine et de xénophobie visant les minorités doit être combattue, avertit un expert de l'ONU

Droits de l'homme

Les médias sociaux sont devenus des plateformes de diffusion de la haine, des préjugés et de l'incitation à la violence contre les minorités, a déploré lundi un expert de l'ONU auprès du Conseil des droits de l'homme, appelant à un traité international pour lutter contre le fléau croissant des discours de haine contre les minorités. 

« Le contexte numérique actuel fait que les minorités sont trop souvent désignées comme boucs émissaires, présentées comme déloyales ou comme des menaces, avec une relative impunité », a déclaré Fernand de Varennes, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités. 

« C'est un avertissement que je n'aurais jamais pensé devoir faire, mais l'Holocauste n'a pas commencé avec les chambres à gaz, il a commencé avec des discours de haine contre une minorité », a alerté M. de Varennes ajoutant que le langage « déshumanisant, allant jusqu'à réduire les minorités à des parasites, normalise la violence à leur encontre et rend acceptable leur persécution et leur élimination éventuelle ».

Le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités a appelé à mettre en place un cadre réglementaire axé sur les droits de l'homme qui clarifie les obligations des États, des entreprises de médias sociaux et des autres parties concernées en matière de réglementation des discours de haine.  Ce cadre devrait se concentrer sur les formes de haine les plus répandues et les plus nuisibles, c'est-à-dire celles contre les minorités, a dit M. de Varennes.

Dans certains pays, plus des trois quarts des affaires impliquant des discours de haine visent les minorités, mais les efforts déployés pour lutter contre les discours de haine en ligne se concentrent rarement sur les minorités, voire ne les reconnaissent point. 

Une impunité mortelle 

Les conséquences de l'absence de réponses efficaces, juridiques et autres, de la part des autorités publiques et des plateformes de médias sociaux peuvent être tragiques au point d'être mortelles, entraînant des atrocités et des violations massives des droits de l'homme et créant les conditions d'un conflit potentiel, a averti l’expert onusien.

Selon lui, les États, la société civile et les plateformes de médias sociaux ont le devoir de prendre des mesures supplémentaires en vue de la mise en œuvre complète et effective des obligations en matière de droits de l'homme concernées. 

« Le point de départ de la lutte contre le fléau des discours de haine visant les minorités dans les médias sociaux est le plein respect de la liberté d'expression, avec uniquement les restrictions strictement nécessaires autorisées par le droit international pour criminaliser les formes les plus graves de discours de haine, pour interdire d'autres formes moins "sérieuses'' et pour prendre des mesures administratives et autres pour lutter contre les formes moins graves de haine découlant des préjugés, du racisme et de l'intolérance qui peut nuire à la société dans son ensemble  », a expliqué l'expert.

Les minorités doivent être spécifiquement identifiées comme des priorités

Les États doivent agir « rapidement et efficacement » pour traiter et contrer les discours de haine en ligne contre les minorités, « notamment en menant rapidement et efficacement des enquêtes et des poursuites contre les responsables, en les obligeant à rendre des comptes et en veillant à ce que les victimes aient un accès effectif à la justice et à des voies de recours ».

Les minorités devraient aussi être spécifiquement identifiées comme des priorités par les plateformes de médias sociaux.

« Les systèmes de modération de contenu et les normes communautaires des médias sociaux, ainsi que toute entité de surveillance ou d'appel, devraient clairement s'engager à protéger les minorités et autres groupes vulnérables et marginalisés, ainsi qu’intégrer systématiquement et pleinement les normes relatives aux droits de l'homme dans les plateformes de médias sociaux, les politiques de contenu et les mécanismes de décision de leurs plateformes », a-t-il ajouté. 

« Ce n'est généralement toujours pas le cas », a regretté M. de Varennes. 

Le Rapporteur spécial a également appelé à l'élaboration de toute urgence de directives pratiques sur la lutte contre le discours de haine ciblant les minorités, énonçant les responsabilités des États et des plateformes de médias sociaux, et d'un futur instrument juridiquement contraignant.

NOTE :

Les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.