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RCA : des violences perpétrées par des groupes armés signataires de l’accord de paix

Une femme et ses deux enfants en République centrafricaine (RCA)
PAM/Bruno Djoye
Une femme et ses deux enfants en République centrafricaine (RCA)

RCA : des violences perpétrées par des groupes armés signataires de l’accord de paix

Droits de l'homme

Malgré « des évolutions positives dans le pays depuis le début 2019 avec l’installation d’une Commission vérité, justice et réconciliation », le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) reste préoccupé par les graves violations des droits humains commises en République centrafricaine (RCA), notamment à l’encontre des enfants.

Devant le Conseil des droits de l’homme, la cheffe adjointe des droits de l’homme de l’ONU a noté avec inquiétude que les attaques contre les civils et les autres violations des droits humains restaient monnaie courante dans ce pays.  « Quelque 634 incidents de violations des droits de l’homme impliquant 1.092 personnes, dont 156 femmes, 118 garçons et 72 filles, ont été documentés entre septembre 2019 et mai 2020 », a déclaré jeudi soir, la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Nada Al-Nashif.

Certains des groupes armés, qui sont pourtant signataires de l’accord de paix, sont ainsi accusés de « continuer à tuer, mutiler et maltraiter des civils ». Les abus et violations documentés se sont concentrés dans les préfectures périphériques du pays, dans le nord-ouest de l’Ouham et l’Ouham-Pendé, et dans les zones centrales de la Haute-Kotto, du Bamingui-Bangoran et de l’Ouaka.

« Plus de 90 % de ces attaques contre les civils ont été attribuées à des groupes armés signataires pourtant signataires de l’accord de paix », a-t-elle fait valoir. 

Dans le même temps, les agents de l’État, en particulier les Forces armées de la RCA (les FACA), la police et la gendarmerie ont été responsables de 54 cas de violations des droits de l’homme depuis septembre, impliquant 67 victimes. Cela représente environ 8 % du nombre total de violations documentées.

S’abstenir de tout discours de haine

Mme Al-Nashif a ensuite détaillé ce climat de terreur, avec ces affrontements dans la préfecture de Bamingui-Bangoran. Les heurts, ayant opposé des éléments armés des factions Rounga et Goula du Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC), ont occasionné la mort d’au moins 42 civils. « L’une des victimes est une fillette de sept ans qui a été décapitée, et l’autre - un bébé de quatre mois dans le dos de sa mère - toutes deux tuées », a ajouté la Haut-Commissaire adjointe. « Les rapports selon lesquels des enfants ont été utilisés comme boucliers humains pour empêcher le déploiement efficace des soldats de la paix des Nations unies sont particulièrement inquiétants », a dénoncé la Cheffe adjointe des droits de l’homme de l’ONU, tout en relevant que « des écoles ont été pillées et deux ont été incendiées ».

« Il est regrettable que des groupes armés qui avaient répondu à l’appel pour un cessez-le-feu du Secrétaire général continuent leurs exactions », a-t-elle déclaré. Les groupes qui ont signé l’Accord de paix doivent mettre un terme aux violations des droits des enfants. Il faut également que l’ensemble des acteurs s’abstiennent de tout discours de haine, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. 

En écho à la présentation de la Haute-Commissaire adjointe, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine a estimé que les groupes armés signataires de l’accord de paix ont commis de multiples violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, malgré leurs engagements au titre de l’accord.  « Les groupes armés signataires de l’accord de paix ont commis de multiples violations des droits de l’homme en vertu du droit international humanitaire, au moins 80 % des 446 violations en 2019 étant attribuées aux groupes armés », a affirmé Yao Agbetse.

La RCA « résolument engagée dans la lutte contre l’impunité »

Les violations ont augmenté depuis janvier 2020 en raison d’une série d’attaques à Ndele, dont certaines visaient délibérément des civils. Le nombre total de personnes déplacées dans le pays a atteint plus de 697.000 en mai 2020, selon les chiffres fournis par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). En outre, plus de 615.000 réfugiés centrafricains sont restés dans les pays voisins, selon le HCDH.

M. Agbetse a par ailleurs alerté sur les conséquences des affrontements entre groupes armés qui risquent de se transformer en conflits intercommunautaires, notamment à Bria en janvier, et à Ndele en mars et avril 2020, appelant les autorités centrafricaines à être les garantes de la paix.

Plus largement, la situation sécuritaire fragile a aggravé la situation humanitaire dans le pays et déclenché le déplacement forcé de la population des zones de combats actifs vers des zones considérées comme relativement calmes. Les violations documentées comprennent des homicides, des menaces de mort, des traitements cruels, inhumains et dégradants, des blessures, des violences sexuelles liées au conflit, des enlèvements, le recrutement voire l’utilisation d’enfants dans les forces et groupes armés, des privations arbitraires de liberté, des attaques contre les hôpitaux, le personnel humanitaire et celui des Nations Unies, des confiscations et pillages et la taxation illégale. 

Alors que la RCA se dirige vers un calendrier d’élections présidentielles en décembre prochain, l’Expert indépendant et la Haut-Commissaire adjointe de l’ONU ont donc invité Bangui à veiller à ce que tous les citoyens puissent jouir de leurs droits civils et politiques.

Au regard de cette « intolérable situation », le Représentant permanent de la RCA auprès de l’ONU à Genève, Léopold Ismaël Samba, a rappelé la détermination de son pays qui s’est « résolument engagé dans la lutte contre l’impunité ». A cet égard, l’Ambassadeur Samba est revenu sur « les avancées de la poursuite de l’opérationnalisation » de la Cour pénale spéciale (CPS).

Bangui a développé les mesures prises dans le cadre de la lutte contre l’impunité. Depuis la tenue de la session inaugurale d’octobre 2019, neuf dossiers sont en cours d’instruction au niveau de la CPS. Six autres dossiers font l’objet d’une enquête préliminaire et 25 plaintes ont été déposées par les victimes. « La RCA collabore aussi avec la Cour pénale internationale (CPI) pour justice soit rendue aux victimes », a conclu vendredi matin, l’Ambassadeur de la RCA.