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L’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique durement touchées par les criquets et le Covid-19

Au Kenya, des membres du National Youth Service reçoivent une formation sur la lutte contre les criquets pèlerins. Ils seront déployés sur le terrain pour accroître le contrôle au sol des ravageurs migrateurs.
FAO/Kenya
Au Kenya, des membres du National Youth Service reçoivent une formation sur la lutte contre les criquets pèlerins. Ils seront déployés sur le terrain pour accroître le contrôle au sol des ravageurs migrateurs.

L’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique durement touchées par les criquets et le Covid-19

Santé

L’impact combiné du Covid-19, de la sécheresse et de l’invasion de criquets pèlerins vont aggraver la situation déjà désastreuse de la sécurité alimentaire dans la Corne de l’Afrique et en Afrique de l’Est, indique le Programme alimentaire mondial (PAM).

Alors que la pandémie de Covid-19 se propage peu à peu en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique, le PAM alerte sur « l’impact massif » que pourrait avoir le virus dans cette région. 

« Cela dévasterait la région en raison notamment de la faiblesse des économies, des infrastructures sanitaires et bien d’autres facteurs », a déclaré Elisabeth Byrs, porte-parole du PAM lors d’une conférence virtuelle ce mardi à Genève.

Le PAM estime que 20 millions de personnes sont déjà en situation d’insécurité alimentaire dans neuf pays de la région : l'Éthiopie, le Soudan du Sud, le Kenya, la Somalie, l'Ouganda, le Rwanda, le Burundi, Djibouti et l'Érythrée. Ce qui fait que l’épidémie est considérée comme « une crise sans précédent car il ne s’agit pas d’un seul pays ou d’une seule région comme celle d’Ebola en 2014-15 ».

« Mais ce n’est pas non plus seulement un problème d’offre, comme la sécheresse ou les criquets, ou un problème de demande, comme une récession - c’est les deux à la fois, à l’échelle mondiale », a précisé Mme Byrs. 

Selon les projections actuelles du PAM, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire dans la région devrait passer à 34 millions et même aller jusqu’à 43 millions au cours des trois prochains mois en raison de l’impact socio-économique de Covid-19. Si la région atteint 43 millions, l’insécurité alimentaire aura plus que doublé. 

L’impact économique du Covid-19 pourrait faire plus de victimes que le virus lui-même

Parmi ces populations vulnérables, le PAM se préoccupe notamment du sort des 17 millions de pauvres en milieu urbain et des 3,2 millions de réfugiés qui dépendent de l’aide des organismes humanitaires. De plus, une bonne partie de la population urbaine de la région vit au jour le jour et dépend d’un emploi informel quotidien.

« Des millions d’entre eux ont déjà perdu leur emploi en raison des retombées économiques de Covid-19 », a ajouté Elisabeth Byrs.

Plus largement, l’agence onusienne basée à Rome s’attend à ce que l’impact économique du Covid-19 fasse « plus de victimes que le virus lui-même ».

« En luttant contre le Covid-19, les pays pauvres risquent de se trouver contraints de faire un dangereux compromis entre sauver des vies ou des moyens de subsistance », a estimé la porte-parole du PAM. « Dans le pire des cas, cela signifie sauver des gens du coronavirus et ne les voir que mourir de faim ». 

D’autant que sur le terrain, en plus de la menace d’une propagation de la pandémie, certains pays de la région doivent faire face aux conséquences de l’invasion des criquets pèlerins en pleine période de récolte.  Et les inondations pendant la principale saison des pluies actuelle constituent également une menace supplémentaire.

Face à une telle situation, « la priorité absolue » du PAM est surtout de maintenir les frontières ouvertes. « Une réponse protectionniste aurait des effets désastreux.

Le PAM félicite les gouvernements de la région pour leur coopération en vue de maintenir la circulation des denrées alimentaires », a fait valoir Mme Byrs. 

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Le PAM a besoin de 500 millions de dollars

Les gouvernements exigeant des tests Covid-19 pour les chauffeurs de camion aux frontières se multiplient en Afrique de l’Est, notamment en Ouganda, au Kenya et au Rwanda. Le PAM et ses partenaires soulèvent cette question auprès des gouvernements pour voir si le processus peut être rationalisé ou si l’aide humanitaire peut bénéficier d’un statut spécial.

Devant une telle urgence humanitaire dans une grande partie de la région, l'agence onusienne prépositionne jusqu’à trois mois de nourriture pour atténuer les difficultés de la chaîne d’approvisionnement. Il fournit aussi deux mois de nourriture ou d’argent liquide avec des mesures de distanciation sociale aux points de collecte plutôt que des distributions d’un mois aux réfugiés et autres personnes dans le besoin.

Au Soudan du Sud par exemple, le PAM fournit une aide alimentaire régulière à 5 millions de personnes. Il entend aider 1,6 million de personnes supplémentaires en milieu urbain. Ces derniers, qui n’avaient pas besoin d’aide auparavant, doivent désormais compter sur l’aide des humanitaires en raison des conséquences du Covid-19. L'agence onusienne a déjà mis en place 23 centres à Juba et commencé à fournir également de la nourriture ou de l’argent à 150.000 personnes vulnérables de la capitale sud-soudanaise.

Le PAM et ses partenaires étudient d’ailleurs la possibilité de transferts d’argent et de distribution de vivres dans les zones urbaines, y compris à Addis-Abeba. « Le PAM reconnaît qu’une part importante des besoins supplémentaires d’aide alimentaire engendrés par le Covid-19 se fera dans des contextes urbains », a fait remarquer Mme Byrs.

Le PAM aura besoin de plus de 500 millions de dollars afin de financer ses opérations pour les trois à six prochains mois en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique.