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L’ONU veut une enquête internationale sur la situation des droits humains au Venezuela

Plus d'un million de Vénézueliens ont fui vers la Colombie en raison du manque de nourriture et de médicaments dans leur pays.
Photo PAM/Carlos Diago
Plus d'un million de Vénézueliens ont fui vers la Colombie en raison du manque de nourriture et de médicaments dans leur pays.

L’ONU veut une enquête internationale sur la situation des droits humains au Venezuela

Droits de l'homme

Dans un nouveau rapport publié ce vendredi, l’ONU dénonce l’incapacité des autorités vénézuéliennes à traduire en justice les auteurs de graves violations des droits de l’homme (meurtres, recours excessif à la force contre les manifestants, détentions arbitraires, mauvais traitements et tortures) et souligné l’impact grave de la crise socio-économique dans le pays sur les droits à l’alimentation et à la santé.

Les forces de sécurité gouvernementales au Venezuela mènent « en toute impunité » des tueries injustifiées sans conséquences apparentes et des officiers vénézuéliens soupçonnés de quelque 500 meurtres semblent échapper à la justice, affirme ce rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

Le rapport met en lumière une affaire qui s’est passée au début de cette année et dans laquelle, un officier de police rebelle Oscar Perez et six membres de son groupe ont été abattus alors qu’ils tentaient de se rendre. Les équipes du Haut-Commissaire Zeid pensent que ces derniers ont été exécutés sur ordre de hauts fonctionnaires en violation de leurs droits fondamentaux. « La règle de droit est pratiquement absente au Venezuela. Il faut mettre un terme au règne de l’impunité », a déclaré M. Zeid dans son rapport. Le rapport note toutefois qu’entre 2015 et 2017, quelque 357 agents ont été mis en examen suite à ces 505 meurtres.

De façon générale, le HCDH a qualifié de « lamentable » « la situation des droits de l’homme des Vénézuéliens ». Dans un communiqué rendu public ce vendredi à Genève, Zeid Ra’ad Al Hussein y dénonce la politique de répression des opposants, incluant des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires et la torture avec des violences sexuelles, des simulacres d’exécution et des décharges électriques. Ce rapport fait suite à la publication d’un premier rapport publié en août 2017. Le « recours généralisé et systématique à une force excessive pendant les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et d’opposants politiques présumés » y étaient déjà dénoncés.

Plus de 12.000 détenus, selon la société civile

D’après ce nouveau document du Haut-Commissariat, les méthodes pour intimider et réprimer l’opposition politique ou toute personne perçue comme étant une menace au gouvernement se sont poursuivies. Mais « ces détentions sont devenues plus sélectives que durant la période des manifestations », visant des activistes, des étudiants, des défenseurs des droits de l’homme, des travailleurs des médias et des membres des forces armées.

Au moins 12.320 personnes ont été détenues dans le pays entre janvier 2014 et avril 2018, et plus de 7.000 d’entre elles ont été libérées avec comme condition de respecter un certain nombre de mesures limitant leurs libertés, pointe le rapport, utilisant des éléments communiqués par des représentants de la société civile.

Au moins 570 personnes, dont 35 enfants, ont été détenues depuis août dernier. Le rapport documente également quelque 90 cas de détenus soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis 2014, ce qui dans de nombreux cas pourrait constituer une torture. Il détaille les mauvais traitements dégradants auxquels certains membres de la famille sont soumis lorsqu’ils visitent des détenus.

Quand le lait en poudre pour bébé équivaut à plus de deux mois de salaire

Par ailleurs, le Haut-Commissariat a exprimé sa préoccupation face à la situation socio-économique. « Le gouvernement a refusé de reconnaître l’ampleur de la crise alimentaire dans le pays, ne respectant pas ses obligations internationales de mettre tous les efforts possibles pour respecter les droits à la santé et à l’alimentation », note le rapport. Les données disponibles indiquent une augmentation rapide de la malnutrition infantile.

Les familles doivent chercher de la nourriture dans des poubelles. Selon certaines évaluations, 87% de la population du Venezuela est touchée par la pauvreté dont 61,2% vivant sous une pauvreté extrême et 1,5 million de personnes ayant fui le pays depuis 2014. « Quand une boîte de pilules contre l’hypertension coûte plus cher que le salaire minimum mensuel et le lait en poudre pour bébé plus de deux mois de salaire, mais que manifester contre une telle situation peut vous mener en prison, l’injustice extrême de tout cela est flagrante », a fait valoir le Haut-Commissaire Zeid.

Les autorités vénézuéliennes ayant refusé l’accès du pays aux experts de l’ONU, M. Zeid a chargé une équipe de spécialistes des droits de l’homme d’interviewer à distance quelque 150 personnes. Parmi elles, se trouvaient des victimes et leurs familles, ainsi que des témoins, des journalistes, des avocats et des médecins.

En conclusion, « compte tenu de l’ampleur et de la portée des violations », le rapport juge que « les Etats membres du Conseil des droits de l’homme devraient créer une commission d’enquête internationale ». « Etant donné que l’Etat ne semble ni capable ni disposé à poursuivre les auteurs de violations graves des droits de l’homme, il y a de solides raisons de demander un engagement accru de la Cour pénale internationale », a également souligné le Haut-Commissaire.