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La Suisse doit intensifier ses efforts pour contrer les flux financiers illicites, selon un expert de l'ONU

L'expert indépendant des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits de l'homme, Juan Pablo Bohoslavsky. Photo ONU/Jean-Marc Ferré
L'expert indépendant des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits de l'homme, Juan Pablo Bohoslavsky. Photo ONU/Jean-Marc Ferré

La Suisse doit intensifier ses efforts pour contrer les flux financiers illicites, selon un expert de l'ONU

Le gouvernement fédéral suisse a entrepris des efforts pour contrer les flux financiers illicites au cours des dernières années, mais davantage reste à faire sur la question notamment pour faire face aux risques constants ayant trait au blanchiment d'argent, a déclaré un Expert indépendant de l'ONU au terme d'une visite dans le pays.

Le gouvernement fédéral suisse a entrepris des efforts pour contrer les flux financiers illicites au cours des dernières années, mais davantage reste à faire sur la question notamment pour faire face aux risques constants ayant trait au blanchiment d'argent, a déclaré un Expert indépendant de l'ONU au terme de sa première visite officielle dans le pays.

« Des progrès ont été réalisés, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires afin d'éviter que l'argent sale, émanant de l'évasion fiscale et de la corruption, n'intègre le marché financier suisse », a déclaré Juan Pablo Bohoslavsky, Expert Indépendant sur la dette extérieure et les droits de l'homme.

Les flux financiers illicites affectent l'Etat de droit et les droits de l'homme. Ils réduisent en particulier la capacité des pays en développement à financer des services publics essentiels, tels que les soins de santé, l'éducation et les régimes de sécurité sociale de base, a-t-il ajouté.

Les flux financiers illicites constituent un problème global qui touche les pays développés tout comme les pays en développement. Ils sont facilités par des institutions faibles, le manque de bonne gouvernance dans les pays d'origine et l'opacité financière dans les pays de destination.

« Malgré les efforts considérables qui ont été déployés, par l'adoption de lois et l'amélioration des mécanismes destinés à détecter les transactions suspectes, le risque que le marché financier suisse soit utilisé pour le blanchiment d'argent demeure », a déclaré M. Bohoslavsky.

« Cela a notamment été mis en lumière par l'implication de plusieurs banques suisses dans le scandale de corruption de l'affaire Petrobas et par les flux de trésorerie suspects liés au fonds souverain malaisien 1MDB. Il est particulièrement troublant de constater que ces événements ne sont pas produits il y a bien des années - l'argent était encore accepté jusqu'à tout récemment », a-t-il ajouté.

En Suisse, les sanctions pénales visant à réprimer l'aide octroyée aux étrangers en matière d'évasion fiscale restent relativement faibles.

M. Bohoslavsky a affirmé que les ressources allouées et les pouvoirs octroyés à l'autorité suisse de surveillance des marchés financiers (FINMA) devaient être proportionnels à la taille du marché financier suisse et que ceux qui ont enfreint les normes devraient pouvoir être identifiés afin d'assurer la responsabilité individuelle des entreprises.

« À mon avis, la volonté politique du gouvernement quant à la restitution des avoirs volés à leurs propriétaires légitimes est claire », a-t-il ajouté. Depuis 1986, 2 milliards de dollars d'avoirs illicites qui appartenaient à des dirigeants autoritaires ont été retournés. À cet égard, il a souhaité encourager d'autres pays à suivre le bon exemple de la Suisse.

« Les régimes d'imposition favorables ont attiré les sociétés multinationales à établir leur siège en Suisse. Toutefois ils ont également engendré des mesures incitatives au transfert de bénéfices, affectant les recettes fiscales dans les pays étrangers », a-t-il noté.

« J'appelle les autorités suisses à procéder à une évaluation d'impacts en matière sociale et en matière de droits de l'homme en ce qui a trait au projet de réforme de l'impôt sur les entreprises. Cette dernière devrait comprendre une analyse de l'incidence d'une telle réforme sur les recettes fiscales disponibles pour la réalisation des droits économiques et sociaux en Suisse et pour les personnes vivant à l'étranger, dans les pays en développement plus particulièrement », a ajouté M. Bohoslavsky.

L'expert s'est félicité de l'adoption par le Gouvernement du Plan d'action national visant à mettre en œuvre les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme en décembre 2016 mais il a mentionné que le plan ne proposait que quelques mesures visant à favoriser un plus grand respect des droits de l'homme par les entreprises et qu'il ne contenait pas de mesures particulières s'adressant au secteur financier suisse.

« À mon avis, il est nécessaire de développer une plus grande cohérence et une vision commune de cela signifie d'incorporer les principes de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme dans le secteur financier », a mentionné l'expert. « Pour ce faire, les discussions entre les principales banques internationales, y compris UBS et Credit Suisse dans le cadre du groupe de Thoune, sont utiles », a déclaré M. Bohoslavsky. « Cela devrait se voir complété par un accord du secteur bancaire sur les pratiques commerciales responsable entre le gouvernement, les banques suisses et les organisations de défense des droits de l'homme ».

« Je me félicite qu'un nombre croissant de banques et de caisses de retraite en Suisse ont décidé de faire des droits de l'homme un critère à respecter pour leurs décisions d'investissements et souhaite inciter d'autres investisseurs institutionnels à suivre cette tendance », a conclu l'expert.

L'Expert indépendant a entrepris cette visite à l'invitation de la Suisse et s'est notamment rendu à Berne, Zurich, Genève et Bâle. Il a eu l'occasion de rencontrer des haut-fonctionnaires, dont des représentants de plusieurs départements fédéraux et d'autres institutions publiques. Il s'est entretenu avec des leaders du secteur bancaire, financier et commercial, la société civile et des experts académiques.