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Tunisie : les droits de l'homme devraient forger les politiques économiques, selon un expert de l'ONU

L'expert indépendant des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits de l'homme, Juan Pablo Bohoslavsky. Photo ONU/Jean-Marc Ferré
L'expert indépendant des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits de l'homme, Juan Pablo Bohoslavsky. Photo ONU/Jean-Marc Ferré

Tunisie : les droits de l'homme devraient forger les politiques économiques, selon un expert de l'ONU

L'expert indépendant des Nations Unies sur la dette extérieure et le plein exercice de tous les droits de l'homme, Juan Pablo Bohoslavsky, a déclaré mardi que l'investissement dans les droits sociaux et économiques en Tunisie pourrait renforcer la croissance inclusive, éviter l'extrémisme violent et consolider la démocratie dans le pays.

S'exprimant à la fin d'une visite officielle en Tunisie, l'expert a indiqué lors d'une conférence de presse que la révolution tunisienne de 2011 s'est traduite par des améliorations significatives des droits civiques et politiques et que les libertés acquises doivent maintenant être consolidées par des progrès similaires dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels.

M. Bohoslavsky a souligné que sous le régime de l'ancien Président Ben Ali, la notion de croissance sociale inclusive était absente des réformes des politiques économiques appuyées par les institutions financières internationales. Il a déclaré que l'hypothèse était que la croissance économique seule améliorerait le niveau de vie. Cependant, la réalité est qu'une partie importante de la population en a été exclue.

« Les politiques économiques en Tunisie devraient être guidées par les Objectifs de développement durable des Nations Unies et par les obligations de la Tunisie en matière de droits de l'homme. Personne ne devrait être laissé pour compte », a insisté l'expert.

« Les institutions financières internationales, les prêteurs bilatéraux et les autorités tunisiennes doivent faire des droits économiques et sociaux une priorité et continuer à soutenir les efforts nationaux pour lutter contre la corruption et les flux financiers illicites », a-t-il ajouté.

M. Bohoslavsky a aussi souligné l'importance du respect par la communauté internationale de ses obligations dans le cadre de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Pour l'expert, la communauté internationale doit également s'assurer de la restitution rapide des avoirs acquis illicitement sous le régime de Ben Ali, en étroite collaboration avec les autorités tunisiennes.

« En aucun cas il ne devrait y avoir d'impunité pour le détournement de fonds publics à grande échelle », a souligné M. Bohoslvaksy. « Il doit y avoir une responsabilité pour les crimes financiers graves sous le régime de Ben Ali, ainsi que pour les intermédiaires qui ont facilité le flux des fonds illicites. Le rôle des prêteurs étrangers et des bailleurs de fonds qui ont financièrement assisté le régime de Ben Ali pendant de longues années devra aussi être examiné ».

M. Bohoslavsky a ajouté qu'un meilleur contrôle des opérations de prêts et d'emprunts, la transparence, et la participation publique sont des éléments cruciaux pour s'assurer que les ressources publiques soient affectées à la réalisation des droits de l'homme et des Objectifs de développement Durable. « La dette publique ne doit pas créer des vulnérabilités économiques, sociales ou politiques, mais contribuer à une croissance sociale et à un développement inclusifs », a-t-il précisé.

« Les droits de l'homme, la justice sociale et la redevabilité ne doivent pas être oubliés lors de la mise en place d'un environnement favorable aux investissements productifs étrangers et nationaux. Ce sont des conditions préalables à la croissance inclusive », a conclu l'expert.

M. Bohoslavsky s'est rendu en Tunisie du 20 au 28 février à l'invitation des autorités tunisiennes. Durant son déplacement, l'expert a rencontré plusieurs ministres, ainsi que des hauts fonctionnaires de l'État, et des membres du Parlement. Il s'est également entretenu avec des représentants d'institutions financières internationales, d'organisations internationales, des organismes nationaux des droits de l'homme et de lutte anti-corruption, des membres de la société civile de même que des experts universitaires.