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Bassin du Lac Tchad : l'éradication de Boko Haram requiert des efforts robustes dans la consolidation de la paix

Un site de personnes déplacées à Mellia, au Tchad. Photo OCHA/Ivo Brandau
Un site de personnes déplacées à Mellia, au Tchad. Photo OCHA/Ivo Brandau

Bassin du Lac Tchad : l'éradication de Boko Haram requiert des efforts robustes dans la consolidation de la paix

Devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, Jeffrey Feltman, a fait état mercredi de progrès encourageants dans la lutte contre Boko Haram, grâce aux efforts déployés par les gouvernements de la région du Bassin du Lac Tchad dans le cadre de la Force multinationale mixte qui a affaibli les capacités de l'organisation terroriste.

« Mais en réponse, Boko Haram a changé de tactique, multipliant les attaques suicides », a prévenu M. Feltman, qui a indiqué que les 130 attaques attribuées à Boko Haram dans les quatre pays du Bassin du Lac Tchad en juin et juillet derniers avaient provoqué la mort de 284 civils, une hausse considérable par rapport aux 146 attaques responsables de 107 pertes civiles en avril et en mai derniers.

Sur le plan politique, les Représentants spéciaux pour l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest et le Sahel ont proposé une stratégie régionale en vue de s'attaquer aux causes profondes de la crise du bassin du lac Tchad, qui reposerait sur l'appropriation par les pays et les organisations sous-régionales concernées.

La crise actuelle a en effet laminé les infrastructures de base, de même que les ressources et les services gouvernementaux : « L'insécurité nourrit un chômage de masse et prive d'éducation un million d'enfants en âge d'être scolarisés », a fait observer le chef des affaires politiques de l'ONU, qui a évalué à neuf milliards de dollars le coût de la crise rien que pour le Nigéria. La pauvreté, la faible autorité de l'État, l'insécurité et les changements climatiques expliquent cette situation, dont les femmes et les filles sont les premières victimes.

Les conflits et les déplacements ont érodé, parfois brisé, les liens intercommunautaires et intracommunautaires. Et à moins d'efforts robustes dans la consolidation de la paix, la réintégration des ex-combattants, y compris de Boko Haram et de milices de surveillance, risque de créer des tensions additionnelles, a souligné M. Feltman.

Les besoins humanitaires continuent d'être immenses, avec 10,7 millions de personnes dans le besoin, a-t-il poursuivi, en notant que le Nigéria porte la plus grande partie de ce fardeau, dans le nord-est du pays. Or, le financement continue d'être insuffisant, alors que l'appel lancé pour la région, d'un montant de 1,5 milliard de dollars en 2017, n'est financé qu'à hauteur de 40 %, s'est alarmé le Secrétaire général adjoint.

La région fait désormais face à la saison des pluies, pendant laquelle l'insécurité alimentaire est la plus élevée, a-t-il ajouté, en relevant que la crise a déplacé jusqu'à présent près de 2,4 millions de personnes, dont 1,5 million d'enfants.

Parallèment, si Boko Haram s'est rendu coupable de violations répétées des droits de l'homme, l'ONU a été informée d'allégations nombreuses de violences, y compris sexuelles, perpétrées par la Force multinationale mixte dans le contexte des opérations antiterroristes.

Le Secrétaire général, dans son rapport, conclut à la nécessité de sensibiliser au fait que ces abus sont parmi les causes profondes de l'instabilité régionale, rendant indispensable d'investir dans les mécanismes de justice transitionnelle au niveau communautaire.

De plus, le Secrétaire général adjoint a souligné que l'absence d'approche cohérente de la question des déserteurs de Boko Haram, notamment de critères clairs et transparents respectueux des droits de l'homme, pose de multiples défis, des milliers d'ex-combattants étant détenus illégalement ou mal réintégrés.

Si, aux yeux de M. Feltman, les efforts de la Force multinationale mixte demeurent indispensables pour résoudre les crises, l'investissement financier qu'elle représente pèse lourdement sur les budgets nationaux affectés au développement. C'est la raison pour laquelle le soutien de l'ONU et des États membres est plus que jamais nécessaire.

La manifestation prévue le 21 septembre en marge de la nouvelle session de l'Assemblée générale sera l'occasion pour la communauté internationale de réaffirmer son soutien à la région.