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Après la reprise de Mossoul: justice et réconciliation doivent prévaloir pour guérir les blessures causées par Daech (ONU)

Les civils à la recherche de nourriture près du bâtiment de la présidence de l'Université de Mossoul, qui porte sur les cicatrices des combats entre les troupes iraquiennes et les combattants de Daech.
OCHA / Themba Linden
Les civils à la recherche de nourriture près du bâtiment de la présidence de l'Université de Mossoul, qui porte sur les cicatrices des combats entre les troupes iraquiennes et les combattants de Daech.

Après la reprise de Mossoul: justice et réconciliation doivent prévaloir pour guérir les blessures causées par Daech (ONU)

Bien que la reprise de Mossoul par les forces iraquiennes des mains de Daech marque un tournant dans le conflit, l'ONU souligne que l'Iraq doit maintenant relever toute une série de défis en matière de droits de l'homme qui, s'ils ne sont pas affrontés, pourraient déboucher sur d'autres violences et souffrances pour les civils.

« Le dialogue entre les communautés doit commencer maintenant si nous voulons mettre un terme à la violence et assurer que les crimes commis contre les Iraquiens seront punis », a déclaré mardi le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein. « Le droit à la vérité doit prévaloir si nous voulons éviter que les crimes commis par Daech n'empoisonnent la société iraquienne pour des générations ».

« Les femmes, enfants et hommes de Mossoul ont vécu l'enfer sur terre »

La libération de Mossoul a davantage mis en évidence l'ampleur des violations et des abus des droits de l'homme commis par les djihadistes. Les informations recueillies par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) suggèrent fortement que Daech pourrait s'être rendu coupable de crimes internationaux tout au long des trois années pendant lesquelles il contrôlait non seulement Mossoul, mais aussi une grande partie du territoire iraquien.

« Les femmes, enfants et hommes de Mossoul ont vécu l'enfer sur terre et enduré des actes de perversion et de cruauté indicibles » a déclaré le Haut-Commissaire. « Daech a forcé des dizaines de milliers d'habitants de la ville et des environs à quitter leur maison et les a utilisés comme boucliers humains, ce qui constitue un crime de guerre en vertu du droit humanitaire international et une violation des principes de dignité et de moralité les plus fondamentaux », a-t-il ajouté.

Les violations graves et systématiques du droit international humanitaire, et les graves violations et abus des droits de l'homme commis au cours des trois dernières années, notamment la réduction de femmes et de filles à l'état d'esclaves sexuelles, ont laissé des traces profondes dans la société iraquienne, a ajouté M. Zeid. Le HCDH souligne notamment l'enlèvement de 1.636 femmes et filles, ainsi que de 1.733 hommes et garçons, tous de la communauté yézidie, dont on reste à ce jour sans nouvelles.

Le HCDH prévient toutefois que même maintenant, les combattants de Daech peuvent continuer à tuer et à terroriser par des attentats et des enlèvements et la population reste soumise à des horreurs et souffrances quotidiennes dans les zones encore sous leur contrôle, comme Tal Afar ou Hawijah.

« Aussi horribles qu'aient été les crimes commis par Daech, rien ne justifie la vengeance »

Le Haut-Commissaire a également évoqué les accusations de violations des droits de l'homme à l'encontre des Forces de sécurité iraquiennes et des troupes associées, ainsi que d'abus par des personnes qui se seraient vengées des combattants de Daech capturés ou de personnes qui les auraient soutenus.

« Aussi horribles qu'aient été les crimes commis par Daech, rien ne justifie la vengeance », a-t-il déclaré. « Il est préoccupant d'entendre que des menaces de punition collective, y compris d'expulsions illégales forcées, ont été proférées contre les familles dont certains membres sont soupçonnés d'affiliation à Daech. Ces actes de vengeance sont contreproductifs et nuisent à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale ».

« Redoubler d'efforts pour créer un pays basé sur l'égalité et l'état de droit »

Dès que la situation sur le terrain le permettra, le gouvernement iraquien devra restaurer l'état de droit et l'ordre civil et garantir que les droits de l'homme et les besoins fondamentaux des civils vivant dans les zones reprises à Daech soient respectés.

« La meilleure réponse, après toutes les horreurs infligées par Daech aux populations et communautés vivant dans le nord de l'Iraq, après les innombrables pertes civiles et destructions d'habitations et infrastructures - sans parler des monuments culturels et religieux d'une valeur inestimable et irremplaçable, et des autres endroits d'importance culturelle majeure - consiste à redoubler d'efforts pour créer un pays basé sur l'égalité et l'état de droit », a souhaité M. Zeid.

Le Haut-Commissaire s'est réjoui de l'ouverture par les autorités judiciaires d'enquêtes sur les allégations de graves violations des droits de l'homme qui auraient été commises par les forces pro-gouvernementales et a appelé le gouvernement à rendre les conclusions publiques et à veiller à ce que les coupables soient traduits en justice.

En raison de l'échelle à laquelle ces crimes ont été commis, l'Iraq devrait aussi réformer son système judiciaire pour permettre aux tribunaux nationaux de punir les crimes internationaux. À cette fin, le HCDH et la Mission d'Assistance des Nations Unies en Iraq (MANUI) soutiennent les efforts visant à créer un cadre juridique établissant un tribunal spécial compétent pour poursuivre les personnes qui se seraient rendues coupables d'actes qualifiés de crimes en droit international.

« J'invite le gouvernement iraquien à faire de la reddition de comptes une priorité, et je lui réitère mon appel à devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale », a poursuivi le Haut-Commissaire.