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Somalie : l'espoir suscité par les élections ne doit pas faire perdre de vue les défis humanitaire et sécuritaire, selon l'ONU

Des femmes avec leurs chèvres près du village de Qardho, en Somalie. Photo FAO/Karel Prinsloo
Des femmes avec leurs chèvres près du village de Qardho, en Somalie. Photo FAO/Karel Prinsloo

Somalie : l'espoir suscité par les élections ne doit pas faire perdre de vue les défis humanitaire et sécuritaire, selon l'ONU

Devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie, Michael Keating, a indiqué jeudi que le pays vivait un moment à la fois de tragédie et d'espoir.

« Tragédie, parce qu'une crise humanitaire découlant de la sécheresse est en train de submerger le pays, avec un risque imminent de famine. Espoir, parce que le récent processus électoral a créé un élan pour un engagement politique renouvelé parmi les Somaliens », a-t-il déclaré devant les quinze Etats membres.

M. Keating a précisé que près de six millions de Somaliens, soit la moitié de la population, avaient besoin d'une assistance humanitaire.

Le Représentant spécial a également indiqué qu'une épidémie de choléra touchait désormais 11 des 18 régions en Somalie. Le plan opérationnel pour la prévention de la famine doit recueillir 825 millions de dollars afin de pouvoir atteindre 5,5 millions de personnes d'ici le mois de juin, a dit M. Keating, précisant qu'à ce jour, seulement 32% de ce plan était financé.

« Si les élections parlementaires et présidentielle récentes n'avaient pas abouti à des résultats considérés comme légitimes, les efforts de lutte contre la sécheresse auraient été beaucoup plus difficiles », a-t-il souligné.

Une élection présidentielle transparente et sans heurts

Insistant sur l'espoir suscité par le processus politique, M. Keating a noté que le Parlement était divers, rajeuni et féminisé et que les Chabab n'avaient pas réussi à faire dérailler les élections. L'élection présidentielle s'est déroulée dans la transparence et la transition du pouvoir a eu lieu sans heurts, a-t-il dit, relevant que la joie née de l'élection de M. Farmajo avait transcendé les appartenances claniques et régionales.

Quant au processus visant à parvenir au système « un vote, une personne » en 2020, permettant notamment aux femmes de participer sur un pied d'égalité avec les hommes, il doit débuter immédiatement, a-t-il assuré.

Eradiquer le terrorisme

Le Représentant spécial a souligné la nécessité pour la Somalie de moins dépendre de l'aide extérieure et de miser davantage sur ses propres ressources, sous peine de compromettre l'édification de l'État et de rester vulnérable aux chocs climatiques.

Le Président et le Premier Ministre se sont engagés à améliorer la gouvernance et la transparence et à lutter contre la corruption, a-t-il noté. M. Keating a affirmé que l'un des défis les plus urgents était l'éradication du fléau du terrorisme, jugeant que seule une approche multisectorielle, basée sur une stratégie politique mise en œuvre par le Gouvernement somalien, permettrait de vaincre les Chabab.

L'appui aux opérations de la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM), la réforme du secteur de la sécurité somalien, la résolution des conflits locaux et l'extension de l'autorité de l'État permettront de priver les Chabab d'oxygène, a-t-il estimé.

Rappelant le vœu des Somaliens d'assumer leur propre sécurité, M. Keating a affirmé que les forces somaliennes étaient fragmentées, sous-financées et peu responsables. Un accord sur l'architecture de sécurité entre le Gouvernement fédéral et les États fédérés serait une première étape essentielle vers la création de forces de sécurité bénéficiant de la confiance des Somaliens, a-t-il dit.

Un retrait précipité de l'AMISOM serait un désastre

Le Représentant spécial a précisé qu'un accord sur l'architecture de sécurité permettrait en outre l'apport d'un « appui international plus cohérent », avant de rappeler que l'AMISOM et les troupes des pays contributeurs ne resteront pas indéfiniment dans le pays.

Un retrait précipité de la Mission serait néanmoins un désastre, a-t-il prévenu, en exhortant le Conseil à trouver les fonds permettant le maintien de la Mission et un retrait obéissant à certaines conditions. L'objectif est d'assurer un niveau de sécurité suffisant d'ici à la tenue des élections de 2020, a-t-il dit.

Le Représentant spécial a estimé que beaucoup restait encore à faire pour remédier à la situation « consternante » dans le domaine des droits de l'homme, marquée notamment par des attaques contre des journalistes et une augmentation des violences sexuelles.