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Philippines : le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à enquêter sur les meurtres revendiqués par le Président

Des immeubles d'habitation à Tondo, dans la capitale Manille, aux Philippines. (archives).
Danilo Pinzon/Banque mondiale
Des immeubles d'habitation à Tondo, dans la capitale Manille, aux Philippines. (archives).

Philippines : le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à enquêter sur les meurtres revendiqués par le Président

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a exhorté mardi les autorités judiciaires philippines à lancer des enquêtes après que le Président des Philippines ait reconnu la semaine dernière avoir tué des personnes lorsqu'il était Maire de Davao.

Le 14 décembre, le président Duterte a déclaré aux chefs d'entreprise au palais présidentiel qu'il avait personnellement patrouillé les rues sur sa moto et avait tué des gens. Dans une entrevue avec la radio britannique 'BBC', il a confirmé vendredi qu'il avait personnellement tué « environ trois » personnes pendant son mandat de maire.

M. Duterte a été maire durant trois mandats entre 1988 et 2016. Il a précédemment déclaré que les trois personnes tuées en 1988 étaient soupçonnées de viol et d'enlèvement.

Des actes en violation de la constitution philippine et du droit international

« Ces actes contreviennent directement aux droits consacrés dans l'article III de la constitution philippine », a déclaré le Haut-Commissaire dans un communiqué de presse. « Les tueries décrites par le Président Duterte violent également le droit international, y compris le droit à la vie, l'absence de violence et de la force, à des procédures régulières et à un procès équitable, à l'égalité de protection devant la loi et à l'innocence jusqu'à preuve de la culpabilité », a-t-il précisé. « En tant que représentant du gouvernement, s'il encourageait les autres à suivre son exemple, il aurait aussi commis des actes d'incitation à la violence », a-t-il ajouté.

Pour le chef des droits de l'homme,, les autorités judiciaires philippines doivent démontrer leur engagement à respecter l'état de droit et leur indépendance vis-à-vis de l'exécutif en lançant une enquête sur le meurtre. « Les meurtres commis par M. Duterte, de son propre aveu, à un moment où il était maire, constituent clairement un meurtre », a déclaré M. Zeid estimant « impensable » pour tout système judiciaire fonctionnel de ne pas lancer des procédures d'enquête et judiciaires quand quelqu'un a ouvertement admis être un tueur.

Plus de 6.100 personnes tuées ces six mois

Le Haut-Commissaire a déclaré que les appels répétés du Président à la police, à l'armée et au grand public pour qu'ils s'engagent dans une «guerre contre la drogue», ramènant des personnes «mortes ou vivantes», ont favorisé un environnement alarmant d'impunité et de violence. Depuis l'entrée en fonction du Président Duterte le 30 juin, les rapports indiquent que plus de 6.100 personnes ont été tuées soit par la police, soit par des milices et des mercenaires, agissant apparemment en réponse à la guerre du président contre la drogue.

Dans ses commentaires publics de la semaine dernière, M. Duterte a promis que « tant qu'il y aura des seigneurs de la drogue, cette campagne se poursuivra jusqu'au dernier jour de mon mandat et jusqu'à ce que tous soient tués ».

« Malgré les enquêtes de la police sur des milliers de morts perpétrées par des miliciens, il y a étonnamment peu d'informations sur les poursuites effectives », a déclaré M. Zeid. «Des enfants de cinq ans ont été les victimes innocentes de cette terrible épidémie d'exécutions extrajudiciaires».

Des enquêtes crédibles et indépendantes à rouvrir d'urgence

Le Haut-Commissaire a dit que les déclarations répétées indiquant que l'immunité serait accordée aux policiers qui commettaient des violations des droits de l'homme dans l'exercice de leurs fonctions constituaient « une violation directe de toutes les garanties démocratiques qui ont été établies pour faire respecter la justice et la primauté du droit ».

« Les enquêtes crédibles et indépendantes doivent être rouvertes d'urgence sur les assassinats à Davao, ainsi que sur le nombre choquant de meurtres qui se sont produits à travers le pays depuis que M. Duterte est devenu président », a déclaré M. Zeid. « Les auteurs doivent être traduits en justice, pour envoyer un message fort selon lequel la violence, les meurtres et les violations des droits de l'homme ne seront pas tolérés par l'État et que personne ne sera au-dessus de la loi », a-t-il souligné.

Le Haut-Commissaire a exprimé son plein appui à la déclaration faite lundi par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions sommaires, Agnès Callamard, demandant au gouvernement des Philippines de lever une série de conditions préalables à sa visite prévue pour enquêter sur les allégations d'exécutions extrajudiciaires de trafiquants de drogue présumés.