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ISTANBUL : Le dilemme du financement humanitaire illustré à travers le cas du Soudan

Distribution d'une pâte nutritive dans un centre de santé d'Al Manar, au sud de Khartoum, au Soudan. Photo OCHA
Distribution d'une pâte nutritive dans un centre de santé d'Al Manar, au sud de Khartoum, au Soudan. Photo OCHA

ISTANBUL : Le dilemme du financement humanitaire illustré à travers le cas du Soudan

Faire en sorte que la communauté internationale consacre davantage de ressources pour prévenir et réduire la souffrance humaine sera l'un des principaux résultats attendus du premier Sommet humanitaire mondial, qui aura lieu les 23 et 24 mai à Istanbul, en Turquie. Face au nombre sans précédent des situations d'urgence humanitaire dans le monde actuel, la nécessité de porter assistance aux victimes a cependant tendance à monopoliser les ressources disponibles, au détriment d'actions de prévention et de renforcement de la résilience des populations.

Prioriser les besoins humanitaires dans un contexte de ressources limitées fait partie du quotidien de Bavo Christiaens, un employé belge de 40 ans au sein du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) au Soudan, dans la capitale Khartoum.

En tant que Responsable du financement humanitaire et de la mobilisation des ressources, M. Christiaens gère le Fonds humanitaire pour le Soudan d'OCHA (Sudan Humanitarian Fund – SHF), qui a pour fonction d'allouer des fonds aux agences des Nations Unies, ainsi qu'aux ONG nationales et internationales dans le pays. En 2015, grâce aux généreuses contributions des bailleurs de fonds, le fonds a été en mesure d'allouer 50 millions de dollars pour l'action humanitaire au Soudan.

« Disposer d'un fonds basé dans le pays, tel que SHF, est un avantage énorme, car cela nous permet de soutenir les intervenants situés en première ligne de la réponse humanitaire, ceux qui travaillent sur le terrain, jour après jour, pour aider les gens dans le besoin. Nous sommes l'un des rares mécanismes de financement qui soit en mesure de soutenir les ONG nationales », a déclaré M. Christiaens, ajoutant que le fonds a distribué 15% de ses ressources allouées en 2015 directement à des ONG.

L'une des principales priorités pour OCHA au Soudan concerne le nombre important de personnes déplacées à l'intérieur du pays, suite à plusieurs décennies de conflits armés, principalement au Darfour. Selon les estimations du gouvernement soudanais et de l'ONU, il y a actuellement 2,2 millions de personnes déplacées à travers le pays, dont 2 millions au Darfour. En outre, 4,6 millions de personnes souffrent d'insécurité alimentaire au Soudan, et plus de 40% d'entre eux sont déplacés.

« Des milliers de personnes ont été déplacées depuis plus d'une décennie, mais il y a aussi de nouvelles crises qui forcent d'autres personnes à fuir leurs maisons », a déclaré M. Christiaens, ajoutant que, depuis le début de l'année, le Soudan fait face à un afflux important de personnes nouvellement déplacées dans la région montagneuse de Jebel Marra, au Darfour.

« Le Fonds humanitaire pour le Soudan se concentre actuellement sur les besoins humanitaires de ces personnes récemment déplacées de Jebel Marra », a expliqué M. Christiaens, précisant que, pour allouer les ressources permettant de répondre aux besoins générés par cette nouvelle situation d'urgence, OCHA a dû redéfinir son classement des zones géographiques prioritaires du pays.

Le 'Clinique mobile du Programme thérapeutique de sensibilisation' est un projet de nutrition dédié aux enfants de personnes déplacées dans l'État de Khartoum, une zone considérée par OCHA comme prioritaire sur le plan humanitaire jusqu'à l'apparition de la crise de Jebel Marra en début d'année, ainsi que d'autre besoins jugés plus urgents.

Cette clinique a été fondée en 2013 par l'ONG nationale Almanar (lighthouse) à Jabarona, une zone située dans la périphérie de la capitale qui abrite des personnes déplacées.

« Ils ont commencé à venir à la fin des années 1980. Et ils continuent. Il y a une lassitude des bailleurs de fonds, parce que les populations sont là depuis longtemps, mais beaucoup continuent d'arriver tous les jours », a déclaré le Dr Nadia Ali Eltoum, Directrice exécutive d'Almanar, qui dirige également la clinique.

Selon elle, la zone de Jabarona accueille actuellement 15.000 personnes déplacées issues des Etats du Darfour, du Kordofan du Sud et du Nil Bleu, ainsi que des zones rurales touchées par le changement climatique. Environ 60.000 personnes supplémentaires se sont établies autour de Jabarona, a-t-elle précisé, y compris 6.0000 Sud-Soudanais.

« Il y a une très grande pauvreté dans la zone. Les prix des marchés sont très élevés. Les conditions d'hygiène pour les personnes déplacées sont mauvaises, et il n'y a pratiquement pas d'eau, d'électricité, d'assainissement et de services de santé », a expliqué le Dr Nadia Ali Eltoum.

La clinique mobile d'Almanar traite les enfants de moins de cinq ans à Jabarona souffrant de malnutrition. Selon le gouvernement du Soudan et les Nations Unies, 2 millions d'enfants souffrent de malnutrition aiguë dans le pays, dont 560.000 de malnutrition aiguë sévère.

La clinique fonctionne à l'aide de bénévoles de la communauté de déplacés, appelés 'promoteurs de santé communautaire', qui sont sélectionnés et formés par Almanar pour identifier les enfants souffrant de malnutrition à Jabarona.

« Ces volontaires sont acceptés par la communauté. Ils connaissent les traditions et la langue, et peuvent communiquer facilement avec les gens de la communauté », a expliqué le Dr Nadia Ali Eltoum, ajoutant que la majorité d'entre eux sont des jeunes femmes.

Chaque promoteur de santé communautaire est chargé de surveiller environ 20 maisons à Jabarona, et leur rend régulièrement visite pour s'assurer que les enfants ne montrent pas de signes de malnutrition.

« Si un enfant souffre de malnutrition, il ou elle est envoyé à Almanar par les promoteurs de santé communautaire et traité dans la clinique. Si l'enfant présente d'autres complications médicales, en plus de la malnutrition, il est transféré dans l'hôpital le plus proche pour bénéficier d'un soutien médical », a expliqué le Dr Nadia Ali Eltoum.

Selon elle, d'ici avril 2015 à mars 2016, plus de 3.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère et plus de 7.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée ont été traités à la clinique, qui développe également des activités préventives, y compris la sensibilisation aux meilleures pratiques en matière de nutrition, d'allaitement et de traitement du VIH et d'autres maladies chez les mères déplacées.

Durant sa première année, la clinique a été financée par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).

« Nous avons écrit une proposition. Nous avons contacté l'UNICEF. Et puis une fois que nous avons reçu les fonds, nous avons commencé à traiter les enfants », a expliqué le Dr Nadia Ali Eltoum.

En 2015, la clinique a été principalement financée par le Fonds humanitaire pour le Soudan, qui a considérait alors l'Etat de Khartoum comme une priorité humanitaire pour les personnes déplacées et les réfugiés. Mais à la suite de la crise Jebel Marra cette année, la situation a changé.

« Après ce mois-ci, nous n'avons plus aucune garantie. Nous ne recevrons plus de financement parce l'Etat de Khartoum n'est plus une priorité pour le Fonds humanitaire pour le Soudan, en raison de nouvelles situations d'urgence », a déclaré le Dr Nadia Ali Eltoum.

M. Christiaens est bien conscient des difficultés engendrées par le fait d'avoir à redéfinir les priorités de financement du fonds sur une base annuelle.

« La planification du fonds se fait sur une base annuelle », a-t-il expliqué, ajoutant qu'une programmation pluriannuelle permettrait de fournir un soutien plus stable et d'investir davantage dans des activités de reprise, de renforcement de la résilience et de développement durable, ainsi que de veiller à ce que de nouvelles crises ne monopolisent pas des fonds pour une réponse humanitaires à plus long terme.

L'un des objectifs principaux du Sommet humanitaire mondial à Istanbul sera d'obtenir de la communauté internationale qu'elle engage plus de ressources pour les projets de résilience et de renforcement des capacités, afin de prévenir ou de réduire la souffrance humaine en cas de conflits et de catastrophes naturelles. Le Sommet appellera également à investir davantage dans les personnes, les acteurs locaux et les systèmes nationaux.

« Mais si vous avez une approche pluriannuelle, vous devez également avoir une perspective de financement plus stable et meilleure que celle que nous avons aujourd'hui », a ajouté M. Christiaens, indiquant qu'il faudrait élargir la base des bailleurs de fonds dont les ressources du Fonds humanitaire pour le Soudan sont issues. Cela permettrait également au Fonds d'être moins dépendant d'un petit nombre de bailleurs.

D'autre part, une approche pluriannuelle exigerait des efforts de la part de la communauté humanitaire, a-t-il ajouté. Si vous demandez à des bailleurs de fonds un financement pluriannuel, la communauté humanitaire doit être plus transparente concernant les coûts, les méthodologies et les approches fondées sur le risque », a-t-il dit.

M. Christiaens espère que ces problématiques globales seront abordées à l'échelle mondiale dans le cadre du Sommet humanitaire, en commençant par la nécessité de sensibiliser le public au danger de laisser des crises prolongées, telles que celle de Jabarona, être remplacées dans l'agenda des bailleurs de fonds par de nouvelles crises urgentes, comme celle de Jebel Marra.

« Il peut y avoir les deux. Il devrait y avoir les deux. Mais nous sommes un peu limité en termes de ressources pour la programmation à plus long terme », a-t-il dit. « Tout le monde fait face à des ressources limitées, mais il faut que tout le monde comprenne que les ressources en général doivent augmenter et que les bailleurs de fonds non traditionnels doivent prendre part à de nouvelles initiatives pour financer les réponses aux crises humanitaires ».

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