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Ukraine : malgré la baisse des hostilités, les préoccupations liées aux droits de l'homme restent fortes, selon l'ONU

Des enfants dans la ville de Debaltseve, dans la région de Donetsk, en Ukraine. Photo UNICEF/Aleksey Filippov (archives)
Des enfants dans la ville de Debaltseve, dans la région de Donetsk, en Ukraine. Photo UNICEF/Aleksey Filippov (archives)

Ukraine : malgré la baisse des hostilités, les préoccupations liées aux droits de l'homme restent fortes, selon l'ONU

Au cours des derniers mois, le conflit dans certaines parties de l'est de l'Ukraine, qui a fait 9.000 morts, a fortement baissé en intensité, mais de graves préoccupations relatives à la situation des droits de l'homme demeurent, selon un rapport des Nations Unies publié mercredi.

Le douzième rapport de la mission de l'ONU sur les droits de l'homme en Ukraine dénonce ainsi l'impunité persistante, les tortures et l'absence d'état de droit dans cette partie de l'Ukraine ainsi qu'une situation humanitaire difficile pour les personnes vivant dans les zones affectées et pour les personnes déplacées internes.

D'après ce rapport, le « cessez-le-feu au sein du cessez-le-feu » du 26 août a conduit à une baisse considérable des hostilités, en particulier en raison du retrait de certaines armes lourdes par les militaires ukrainiens et les groupes armés. Entre le 16 août et le 15 novembre, c'est-à-dire au cours de la période couverte par le rapport, 47 civils ont été tués et 131 blessés. Le nombre total de victimes depuis la mi-avril s'établit à au moins 9.098 morts et 20.732 blessés. Ce chiffre inclut des civils, des membres des forces armées et des membres des groupes armés.

Ces nouvelles pertes en vies humaines ont essentiellement été causées par des restes explosifs de guerre et des engins explosifs improvisés, ce qui met en lumière le besoin urgent de mener des actions soutenues de déminage et de sensibilisation des deux côtés de la ligne de contact, indique le rapport. L'afflux de munitions, d'armes et de combattants depuis la Russie en direction des territoires contrôlés par les groupes armés continue toutefois, ce qui rend la situation extrêmement volatile.

Le rapport révèle aussi la poursuite de graves abus des droits de l'homme contre des personnes présentes dans les territoires contrôlés par les « République populaire du Donetsk » et « République populaire de Louhansk » autoproclamées. Ces abus incluent des meurtres, des tortures, des mauvais traitements, des détentions illégales, du travail forcé ainsi que l'absence de liberté de mouvement, de réunion et d'expression. Des résidents continuent à se trouver sans protection efficace de leurs droits. Environ 2,9 millions de personnes vivent dans la zone de conflit et continuent à rencontrer des difficultés dans l'exercice de leurs droits économiques et sociaux, en particulier dans l'accès à des soins médicaux de qualité, au logement, aux prestations et services sociaux, et aux mécanismes compensatoires pour les biens endommagés, saisis ou pillés, indique le rapport. Cette situation pourrait s'aggraver avec l'arrivée de l'hiver et les entraves au travail réalisé par les organisations humanitaires.

La situation de quelque 800.000 personnes vivant de part et d'autre de la ligne de contact s'est révélée particulièrement difficile, précise le rapport.

Le rapport note aussi que les restrictions à la liberté de mouvement des civils de part et d'autre de la ligne de contact qui résultent de l'ordre temporaire de janvier 2015 émis par le gouvernement demeurent l'un des principaux défis rencontrés par les personnes vivant dans les zones touchées par le conflit dans les régions de Donetsk et Louhansk. Comme le note le rapport, cela conduit à un sentiment croissant d'isolement pour de nombreuses personnes et à des entraves aux liens familiaux et communautaires.

Le rapport évoque aussi l'autocensure omniprésente et l'incapacité des professionnels des médias d'exercer leur liberté d'expression dans l'est du pays. Des restrictions à l'encontre de professionnels des médias par le gouvernement ukrainien portent aussi atteinte à la liberté d'expression.

Le rapport note aussi que des éléments des services de sécurité ukrainiens semblent bénéficier d'une large impunité, les enquêtes sur les allégations les impliquant étant rares. Il documente des cas de disparitions forcées, de détentions arbitraires et incommunicado, de tortures et mauvais traitements de personnes soupçonnées d'atteinte à l'intégrité territoriale, de terrorisme ou de soutien aux « République populaire du Donetsk » et « République populaire de Louhansk » auto-proclamées.

Justice n'a toujours pas été rendue pour les meurtres de manifestants et autres violations des droits de l'homme survenus lors des évènements de Maïdan à Kiev entre novembre 2013 et février 2014, souligne le rapport. De même, peu de progrès ont été réalisés pour que des comptes soient rendus après la mort de 48 personnes lors des violences qui se sont déroulées à Odessa en mai 2014.

En République autonome de Crimée, dont le statut est régi par la résolution 68/262 de l'Assemblée générale de l'ONU, les résidents sont toujours confrontés à de nombreuses atteintes à leurs droits en raison de l'application d'un cadre juridique restrictif qui leur est imposé par la Fédération de Russie, indique le rapport. La mission de l'ONU sur les droits de l'homme en Ukraine continue à recevoir des allégations de violations du droit à la vie, la liberté, la sécurité et l'intégrité physique ainsi qu'au droit à un procès équitable et à la liberté d'expression et de réunion. Le rapport note que le blocus commercial de la Crimée imposé par des activistes ukrainiens a conduit à des abus des droits de l'homme qui n'ont pas été réglés de manière adéquate par les forces ukrainiennes chargées de l'application des lois.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Raad Al Hussein, a déclaré que l'absence d'état de droit et d'autorité légitime dans les territoires contrôlés par les groupes armés, associée à la présence continue de combattants étrangers et d'armements sophistiqués, laissaient toujours la population concernée dans une situation difficile, sans protection réelle et sans accès à la justice ni aux réparations.

« Les civils présents dans les parties orientales de l'Ukraine touchées par le confit terminent l'année comme ils l'avaient débutée, dans une situation humanitaire et des droits de l'homme très difficile. Les personnes âgées n'ont pas accès à leur épargne, les personnes handicapées reçoivent peu d'assistance et l'accès limité aux soins de santé a laissé de nombreux individus dans une situation désastreuse, précaire, voire potentiellement mortelle », a déclaré le Haut-Commissaire.

« Après la mort de plus de 9.000 personnes, la baisse des hostilités et donc du nombre de nouvelles victimes, est un développement bienvenu et j'encourage toutes les parties à appliquer pleinement les accords de Minsk et à œuvrer activement pour garantir l'application de l'état de droit et des standards internationaux des droits de l'homme partout en Ukraine. »

Le Haut-Commissaire a rappelé à toutes les personnes impliquées dans le conflit, y compris celles qui contrôlent certaines parties des régions de Donetsk et de Lougansk, qu'elles pouvaient être tenues pénalement responsables pour les abus des droits de l'homme commis dans les territoires sous leur contrôle. Cela s'applique en particulier aux personnes assumant des responsabilités de commandement.

Il a noté certains progrès réalisés par le gouvernement ukrainien dans l'application des dispositions des accords de Minsk, le lancement de la stratégie nationale des droits de l'homme et l'acceptation de la juridiction de la Cour pénale internationale pour les crimes commis après le 20 février 2014. Le Haut-Commissaire a aussi exhorté les autorités à garantir la justice et la reddition des comptes.