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Le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle l'Europe à une politique migratoire plus efficace

Un enfant de réfugiés dort à l'extérieur du centre de dépistage de Moria, sur l'île de Lesbos, en Grèce, en juin 2015. Photo : UNHCR / S. Baltagiannis
Un enfant de réfugiés dort à l'extérieur du centre de dépistage de Moria, sur l'île de Lesbos, en Grèce, en juin 2015. Photo : UNHCR / S. Baltagiannis

Le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle l'Europe à une politique migratoire plus efficace

A Genève, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a appelé lundi les pays européens à prendre appui sur l'élan de solidarité actuel suscité par la médiatisation des souffrances endurées par les réfugiés pour mettre en œuvre une politique migratoire plus globale, réfléchie et efficace.

« Cela tient à la façon dont il était étendu : endormi, incurable, si profondément triste – comme si en se couchant avec supplication devant les vagues qui avaient eu raison de lui, il demandait un possible retour en arrière, qui se solderait cette fois-ci par une fin heureuse ; et ses chaussettes et ses petits souliers nous disaient qu'il était prêt à vivre à nouveau. Mais sa joue sur le sable doux murmurait le contraire. Elle nous a fait éclater en sanglots. Honteux et déshonoré, le monde a pleuré devant le corps de ce petit garçon », a rappelé M. Zeid à l'ouverture de la 30ème session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU dans la ville suisse, se référant au choc provoqué par la diffusion dans la presse mondiale de la photographie du corps sans vie, retrouvé sur une plage turque, d'Aylan Kurdi, un enfant syrien de trois ans qui fuyait la guerre avec sa famille.

« Après une année passée en tant que Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, je suis, tout comme nombre de mes collègues, épuisé et en colère », a poursuivi M. Zeid, pointant du doigt le fossé grandissant entre les ressources dont le système onusien dispose et l'ampleur de la misère humaine qu'il ne parvient plus à alléger.

Le Haut-Commissaire a tout particulièrement exprimé sa frustration face à l'évolution de la crise en Syrie, où la communauté internationale continue, a-t-il regretté, de laisser commettre des violations des droits de l'homme épouvantables, restant sourde aux appels à une action commune.

M. Zeid a également dénoncé la peine et les souffrances de la population croissante des réfugiés dans le monde, tout en remerciant les pays du Moyen-Orient (Jordanie, Liban et Turquie) et de l'Europe (Suède et Allemagne) qui, en accueillant des réfugiés, témoignent « d'un leadership et d'une humanité admirables ».

Dans la même veine, le Haut-Commissaire a aussi salué la proposition faite par la Commission européenne la semaine dernière d'accueillir 120.000 réfugiés supplémentaires et de les répartir entre les différents pays européens.

« En Autriche, Belgique, Finlande, Allemagne, Suède et même – en dépit de la xénophobie dont font traditionnellement preuve les tabloïds et certains politiciens – au Royaume-Uni, des gens ordinaires se sont portés volontaires pour apporter non seulement une assistance immédiate, mais aussi un soutien politique envers les droits des migrants et des réfugiés », a ajouté M. Zeid, exhortant les Etats européens à prendre appui sur cet élan d'humanité pour mettre en œuvre une politique migratoire plus globale, réfléchie et efficace.

« Nous avons besoin d'élargir les voies migratoires légales et les quotas d'accueil des réfugiés – deux mesures qui permettraient de prévenir de nombreux morts et de réduire la contrebande », a précisé le Haut-Commissaire, condamnant la détention de migrants, en particulier d'enfants, et les mauvais traitements subis lors du passage des frontières, mais aussi à l'intérieur des pays qu'ils traversent.

M. Zeid a d'autre part dénoncé la menace croissante que font peser certains Etats dans le monde sur la société civile, en limitant l'exercice des libertés publiques, notamment les libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique.

« Je suis, par exemple, préoccupé par la détention et les interrogatoires ces derniers mois de plus de 100 avocats en Chine, en rapport avec leur activité professionnelle, et par l'adoption de nouvelles lois ayant des implications profondément néfastes pour les ONG. Je suis également consterné par la stigmatisation des ONG financées par l'étranger dans la Fédération de Russie, où une loi de 2012 a abouti à la marginalisation et la discréditation d'organisations qui œuvraient pour le bien commun », a déploré le Haut-Commissaire.

Les minorités et les femmes sont souvent les premières victimes de ces efforts pour limiter la société civile et l'exercice des libertés publiques, a-t-il ajouté.

« Lorsque les principes fondamentaux des droits de l'homme ne sont pas protégés, c'est le cœur de notre institution qui vacille. Ce sont eux qui favorisent un développement durable, la paix durable et une vie de dignité », a déclaré M. Zeid.