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L'ONU exhorte la France et la Bulgarie à arrêter les expulsions forcées de Roms

Des enfants Roms en Serbie. Photo OSCE/Milan Obradovic
Des enfants Roms en Serbie. Photo OSCE/Milan Obradovic

L'ONU exhorte la France et la Bulgarie à arrêter les expulsions forcées de Roms

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme Zeid Ra'ad Al Hussein a fait part vendredi de sa grave préoccupation face aux expulsions forcées de Roms et de gens du voyage qui ont lieu dans plusieurs Etats européens, dont celles survenues récemment en France et en Bulgarie.

En Bulgarie, suite à des émeutes anti-Roms en juillet, les autorités ont annoncé qu'elles prévoyaient l'expulsion de Roms du campement de Kremikovtzi dans la municipalité de Gurmen. L'expulsion forcée a été reportée après une demande devant la Cour européenne des droits de l'homme pour que des mesures intérimaires soient imposées. Le 4 septembre, la Cour a décidé de ne pas imposer de mesures intérimaires après que le gouvernement l'ait informée que l'expulsion avait été reportée au 30 septembre afin qu'un hébergement alternatif puisse être trouvé.

Les autorités bulgares ont néanmoins procédé à l'expulsion le 7 septembre et, selon des sources de la société civile, aucun hébergement alternatif n'a été proposé. Au total, 41 personnes, dont 21 enfants, sont devenues sans abri.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), on craint de nouvelles expulsions à Gurmen, ainsi que dans la municipalité de Varna, où il est prévu de démolir plusieurs maisons de Roms et ce alors qu'aucun hébergement alternatif ne semble prévu.

« J'exhorte la Bulgarie à cesser ces expulsions forcées qui ont un effet dévastateur sur les communautés touchées », a déclaré M. Zeid. « Les recommandations de divers mécanismes internationaux des droits de l'homme traitant de telles situations devraient être respectées, et nul ne devrait devenir sans abri ».

En France, l'expulsion forcée de plus de 150 habitants du bidonville de migrants Roms situé dans la municipalité de La Courneuve le 28 août a été vivement critiquée par les organisations de la société civile et par le Défenseur des droits.

L'expulsion a été menée sans avertissement, alors que celui-ci est normalement de 24 heures minimum. Elle est survenue tôt dans l'après-midi alors que les habitants étaient absents. Des biens leur appartenant ainsi que certaines pièces d'identité auraient été détruits. Seul un petit nombre de familles se sont vues offrir un hébergement et pour trois nuits uniquement. De ce fait, la plupart de ces personnes sont devenues sans abri.

A ce jour, la plupart des Roms expulsés de La Courneuve vivraient sous des tentes près de la mairie, grâce au soutien d'activistes de la société civile qui ont déployé d'importants efforts pour que les enfants puissent aller à l'école, et ce en dépit de la réticence des autorités à les enregistrer. Selon des informations, leur admission dans les écoles locales ne serait nullement garantie sur le long terme.

« Du point de vue des droits de l'enfant, tout ceci est extrêmement inquiétant », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Zeid Ra'ad Al Hussein a noté que les événements de La Courneuve ne sont que les derniers d'une série d'expulsions forcées collectives de migrants Roms en France depuis 2012 et a fait part de sa préoccupation devant des rapports faisant état de nouvelles expulsions à venir.

« Il apparait de plus en plus clairement qu'il existe une politique nationale systématique d'expulsions de force des Roms », a-t-il dit. « Deux des principaux organes des traités internationaux, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et le Comité des droits de l'homme, ont plus tôt cette année exhorté la France à s'abstenir de telles expulsions forcées sans offre d'hébergement alternatif. Je me joins à eux pour demander à la France de remplacer cette politique punitive et destructrice par une politique véritablement inclusive ».

Les expulsions forcées de Roms et de gens du voyage ont continué ces dernières années dans plusieurs pays européens, dont l'Albanie, la République tchèque, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Roumanie, la Fédération de Russie, la Serbie, la Turquie et le Royaume-Uni.

« Nous avons interagi avec les autorités et la société civile dans plusieurs pays et nous poursuivons nos efforts pour mieux faire connaître les standards internationaux. Dans certains cas, nous avons aussi tenté une médiation et avons, bien entendu, constamment exhorté les autorités à fournir des solutions alternatives d'hébergement », a déclaré le Haut-Commissaire, qui a aussi noté des développements positifs récents, notamment le fait que les autorités serbes aient interrompu l'expulsion forcée du campement Rom de Grmec qui était prévue.

De plus, une Cour serbe a, pour la première fois, appliqué le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le système juridique national.

« Ces développements sont les bienvenus », a déclaré le Haut-Commissaire. « Je prie instamment les autres Etats de faire de même et de faire davantage pour traiter les Roms en faisant preuve de sensibilité et de justice, en accord avec les standards internationaux. Ne pas agir de la sorte ne fait qu'exacerber des discriminations populaires enracinées contre une communauté qui figure déjà parmi les plus dépourvues et marginalisées d'Europe ».