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L'ONU s'inquiète de l'aggravation de l'insécurité alimentaire en Afghanistan

Un agriculteur afghan et son fils avec leur récolte de blé. Photo FAO/Giuilio Napolitano
Un agriculteur afghan et son fils avec leur récolte de blé. Photo FAO/Giuilio Napolitano

L'ONU s'inquiète de l'aggravation de l'insécurité alimentaire en Afghanistan

En Afghanistan, le nombre de personnes recourant à la vente de leurs terres ou dépendant de l'aide de leur famille ou de connaissances pour lutter contre la détérioration de l'insécurité alimentaire a doublé l'année dernière, selon un rapport diffusé jeudi par des agences de l'ONU et leurs partenaires.

Ce rapport intitulé « L'Evaluation de la sécurité alimentaire saisonnière en Afghanistan 2015 » et publié par le groupe Sécurité alimentaire et agriculture du pays, indique qu'au pic de la période de soudure le nombre d'Afghans confrontés à une grave insécurité alimentaire est passé de 4,7% de la population totale il y a 12 mois à 5,9% aujourd'hui. Cela signifie que plus de 1,57 million de personnes sont désormais en état d'insécurité alimentaire grave, soit une augmentation de plus de 317.000 âmes. Une autre tranche de 7,3 millions de personnes, soit plus d'un Afghan sur quatre, sont en état d'insécurité alimentaire modérée.

Mais le plus préoccupant est la proportion grandissante de personnes en situation d'insécurité alimentaire grave qui, ayant épuisé leurs ressources, se mettent à vendre leurs terres, à retirer leurs enfants de l'école pour les envoyer travailler, ou à compter sur de proches parents pour survivre. Le rapport indique que le nombre de personnes recourant à ces mesures a doublé au cours de l'année écoulée passant à plus de 20% du total des personnes en situation d'insécurité alimentaire. Cela se traduit par un nombre accru d'Afghans plus vulnérables à la pauvreté extrême.

« Quand les gens ont recours à de telles mesures, ils n'ont plus de résistance face aux chocs futurs », affirme Claude Jibidar, Représentant et Directeur en Afghanistan du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM). « Ces chiffres sont extrêmement alarmants, surtout dans un pays où plus d'un tiers des habitants sont déjà en situation d'insécurité alimentaire. Ce rapport laisse présager dans les 12 prochains mois un pic des besoins d'aide alimentaire et humanitaire. »

« Même si l'Afghanistan produira légèrement plus de blé cette année, un grand nombre de pauvres et d'affamés ne seront pas en mesure d'acheter de la nourriture sur le marché », prédit Tomio Shichiri, Représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) en Afghanistan. « C'est un problème d'accès plutôt que de production. Une attention particulière doit être accordée aux ménages dirigés par des femmes et aux personnes déplacées pour améliorer leur accès à la nourriture et leurs moyens d'existence basés sur l'agriculture ».

Le rapport montre que les ménages dirigés par des femmes sont presque 50% plus susceptibles d'être en situation d'insécurité alimentaire grave que les autres ménages afghans, car ils ont un régime alimentaire beaucoup plus pauvre et des revenus beaucoup plus faibles. Les femmes qui dirigent un ménage sont également deux fois plus susceptibles de recourir à des stratagèmes d'urgence comme la mendicité. Les personnes déplacées à cause des conflits ou des catastrophes, en particulier celles qui vivent dans des tentes, souffrent également d'une mauvaise alimentation. Les provinces de Khost et de Paktika, qui abritent plus de 35.000 ménages déplacés (soit plus de 200.000 personnes), ont besoin d'une aide immédiate pour prévenir une aggravation de l'insécurité alimentaire.

Le groupe Sécurité alimentaire et agriculture, la FAO, le PAM et le gouvernement afghan soutiennent que la pénurie de fonds pourrait aggraver davantage ce problème. « Quand les paysans commencent à vendre des biens productifs tels que le bétail, les machines-outils ou les terres, c'est qu'ils n'ont plus que cet ultime recours », souligne Abdul Majid, coordonnateur du groupe Sécurité alimentaire et agriculture. « Cela représente une perte non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour la communauté tout entière puisque des compétences et des moyens de production agricole seront perdus et que le marché du travail urbain s'en trouvera saturé ».