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Entretien : « Chaque conflit a une fin, et il faut que ce conflit prenne fin après cinq ans » - Envoyé de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura

L’Envoyé spécial pour la Syrie, Staffan de Mistura, lors d’une conférence de presse à Genève, en janvier 2015. Photo ONU/Jean-Marc Ferré
L’Envoyé spécial pour la Syrie, Staffan de Mistura, lors d’une conférence de presse à Genève, en janvier 2015. Photo ONU/Jean-Marc Ferré

Entretien : « Chaque conflit a une fin, et il faut que ce conflit prenne fin après cinq ans » - Envoyé de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura

L'Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, Staffan de Mistura, a été chargé de relancer un processus politique inclusif pour mettre fin à la crise dans ce pays, sur la base des objectifs énoncés dans le Communiqué de Genève de 2012, qui a été adopté par la première conférence internationale sur la question et a été approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU.

L'Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, Staffan de Mistura, a été chargé de relancer un processus politique inclusif pour mettre fin à la crise dans ce pays, sur la base des objectifs énoncés dans le Communiqué de Genève de  2012, qui a été adopté par la première conférence internationale sur la question et a été approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Depuis le début du conflit en Syrie, environ 220.000 personnes ont été tuées, plus d'un million d’autres ont été blessées. 7,6 millions de personnes ont été déplacées et quatre millions d’autres ont cherché refuge dans les pays voisins, selon les estimations de l'ONU.

M. de Mistura décrit le Communiqué de Genève comme une ‘feuille de route’ pour un accord sur une nouvelle Syrie. Le document appelle notamment à la création d'un organe de transition, avec les pleins pouvoirs exécutifs, composé des membres de l'actuel gouvernement et de membres de l'opposition et d'autres groupes, dans le cadre des principes et orientations approuvés pour une transition politique dirigée par les Syriens.

Au cours de l'année écoulée, l'Envoyé spécial a facilité les efforts, en Syrie et dans toute la région, pour aller de l’avant de manière inclusive, notamment en organisant à Genève début mai une série des consultations approfondies, mais séparées, avec les parties prenantes syriennes et les acteurs régionaux et internationaux. Ces consultations, a-t-il précisé, avaient pour objectif de « tester » la volonté de réduire les écarts d'interprétation s’agissant des principes contenus dans le Communiqué de Genève.


Nous devons être optimistes. Chaque conflit a une fin, et il faut que ce conflit - qui est probablement le pire conflit en termes de conséquences humanitaires au cours des 40-50 dernières années - prenne fin après cinq ans.

À New York cette semaine pour informer le Conseil de sécurité sur ses récents efforts pour mettre en œuvre le Communiqué, M. de Mistura a rencontré le Centre d’actualités de l'ONU au sujet de la situation sur le terrain, du rôle de la communauté internationale pour aider à mettre fin au conflit, et de sa proposition pour les prochaines étapes dans l'exécution de son mandat.

Centre d’actualités de l'ONU: Où en sont les efforts internationaux visant à mettre fin au conflit en Syrie?

Staffan de Mistura : Le conflit continue, il n'y a aucun doute à ce sujet, mais il y a aussi quelques signes, je dirais, d'une convergence politique s’agissant de la crainte que tout le monde a dans la région et au-delà sur le fait que l’EIIL/Daech progresse et qu’il est nécessaire d'avoir une approche commune face à ce groupe. Et tout le monde aussi, franchement, comprend que vous ne pouvez pas lutter de manière cohérente contre Daech sans une solution politique, une solution inclusive, conformément à la feuille de route qui existe déjà, qui est le Communiqué de Genève. Voilà où nous en sommes pour le moment. Il y a des progrès, selon certains, et des reculs, cela continue depuis cinq ans.

Centre d’actualités de l’ONU : Est-ce que les choses ont changé avec l’apparition de l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (EIIIL) ?

Staffan de Mistura : Disons-le franchement. Quand nous avons eu la conférence de Genève II, Daech n’était même pas sur l'écran radar. A cette époque, ce qui bloquait concernait ce qui était jugé plus important : le terrorisme et la lutte contre le terrorisme, qui était la position de certains, ou la promotion d'un processus politique ouvert à tous, ce qui signifie un type de situation différente politiquement en Syrie. Il y avait un blocage entre ces deux priorités. Maintenant, il n'y a pas de doute que Daech est une priorité, mais en même temps, il ne fait aucun doute que tout le monde doit reconnaître que vous ne pouvez pas gagner ce conflit contre Daech sans résoudre le conflit en Syrie. Et la façon de résoudre le conflit en Syrie est d'avoir une solution politique. Une solution politique implique de respecter, réellement, le fait que vous ne devez pas réinventer la roue. Vous avez juste besoin de pousser la roue, et la roue est le Communiqué de Genève, qui est une feuille de route permettant d’inclure les Syriens tout au long du chemin conduisant vers une nouvelle Syrie.

Centre d’actualités de l'ONU: Vous vous êtes rendu récemment dans la région pour une série de réunions avec les différents interlocuteurs. Qu'avez-vous entendu lors de cette tournée sur le terrain?

Staffan de Mistura : La région est inquiète. Il y a un sentiment d'urgence. Ce sentiment d'urgence est devenu encore plus clair maintenant, car il est à craindre que si Daech continue de progresser, profitant du conflit en Syrie et profitant de la situation en Iraq, nous pouvons soudainement avoir un vide. Et on ne peut pas accepter cela. Voilà pourquoi nous travaillons maintenant à une transition en douceur, contrôlée, mais claire et efficace : une transformation en un nouveau type d'environnement politique. Les gens en parlent dans la région et en Syrie; ce que nous devons faire est de rendre ceci concret. Et c’est ce que nous proposons désormais au Conseil de sécurité.

Centre d’actualités de l'ONU: Il y a beaucoup de choses à l’ordre du jour de la communauté internationale en ce moment. Avez-vous détecté une sensation de lassitude quand il s’agit de la Syrie?

Staffan de Mistura : C’est le plus grand danger pour la Syrie et le peuple syrien. Voilà pourquoi il est important de rappeler constamment la tragédie humanitaire - qui s’aggrave - et parce qu'il y a toujours un risque de lassitude. Mais nous ne pouvons pas laisser cela se produire. La Syrie, c’est non seulement la Syrie, mais c’est aussi la région, ses voisins. Regardez la Turquie, regardez la Jordanie, regardez le Liban, qui accueille un nombre de réfugiés qui correspondrait à l’équivalent de100 millions de personnes arrivant soudain aux Etats-Unis. Cela devient l’occasion, peut-être, d'une nouvelle façon de résoudre les problèmes régionaux, et pas seulement en faisant des guerres par procuration.

Centre d’actualités de l'ONU: Quel est votre message au Conseil de sécurité?

Staffan de Mistura : Le premier message est que nous voyons des possibilités de tunnels à travers les discussions régionales et internationales. Et nous devons produire de la lumière dans ces tunnels. Et la façon de le faire est de discuter avec les Syriens en particulier. Les Syriens n’ont jamais été totalement impliqués dans ce qui a été la plupart du temps un débat régional et international. Et voilà pourquoi nous proposons quatre groupes de travail – de véritables groupes de travail - sur des thèmes tels que la sécurité, la future constitution, la formule politique pour l'avenir de la Syrie - et de travailler à partir de cela, parce que rapidement nous pouvons soudainement être confrontés  aux questions : "Où en sommes-nous? Êtes-vous prêts? ». Et c’est le moment où nous devrions mettre cela sur la table.

Centre d’actualités de l'ONU: Pouvez-vous nous donner plus de précisions concernant ces groupes de travail?

Staffan de Mistura : Il y a un moment dans un conflit, même quand il semble qu’il n’y a pas de solution, où vous avez le sentiment, vous sentez, que les pays de la région et au niveau international sont à la recherche d'une formule, d’une formule logique. Vous devez vous préparer à cela. Et les Syriens ont toujours senti que leur avenir doit être discuté avec eux.

Jusqu'à présent, cela s’est passé dans les conférences internationales, c’est donc le moment. Et nous avons testé cela avec nos réunions à Genève, où nous avons rencontré plus de 200 entités syriennes différentes. Ils ont beaucoup à dire et il y a beaucoup de points communs entre eux. Ils veulent l'unité de leur pays, ils veulent l'intégrité, le respect et la dignité de leur pays, ils veulent que leur territoire et les frontières soient respectés, ils veulent le respect des minorités, et ils ne veulent pas du terrorisme.

Mais ils veulent aussi un nouveau gouvernement. Un gouvernement qui inclut tout le monde, et qui mettra en oeuvre une approche internationale de la démocratie, de la primauté du droit et ainsi de suite. Tout cela est, en quelque sorte, inclus dans le Communiqué de Genève, qui est la seule feuille de route convenue il y a environ trois ans, mais rien n'a été mis en œuvre depuis. Donc, l'idée est de créer quatre groupes de travail de Syriens pour commencer à parler et travailler - aidés par l'ONU, sinon cela ne fonctionnera pas - sur chacun des thèmes, qui pourraient faire partie de la future architecture de la Syrie une fois qu’il y a un accord politique.

L'un concerne l’humanitaire, ce qui signifie la question de l'accès. Les gens demandent un format à travers lequel l'accès peut être garanti pour beaucoup de choses : les médicaments, l'aide humanitaire, la nourriture.

Un autre est la sécurité. À un certain moment, nous avons tous compris que nous ne pouvons pas répéter les erreurs de l'Iraq ou de la Libye, ou même de la Somalie. En fait, si la Syrie continue comme cela, cela pourrait être une combinaison des trois. Donc, il faut maintenir les institutions. Mais, bien sûr, des institutions n’ayant pas de sang sur les mains et avec certaines règles du jeu en place.

Et il y a, bien sûr, la mère de toutes les questions : le processus politique. Et cela signifie comment entrer dans une transition [politique], par l’intermédiaire d’un organe de transition, mais le faire d'une manière qui fait que nous ne produisez pas un bouleversement immédiat, mais plutôt un scénario où vous avez arrivé, progressivement mais clairement, à un scénario politique différent, où tout le monde est inclus.

Tout le monde pouvant faire partie de ce groupe de travail devrait en faire partie, de sorte que lorsque le moment est venu, et cela pourrait se produire à tout moment, parce qu’il se passe des choses à la fois politiquement et militairement, les groupes de travail seraient prêts.

Centre d’actualités de l'ONU: Vous avez travaillé au service des Nations Unies dans des contextes politiques difficiles - y compris en Iraq et en Afghanistan. En quoi le contexte syrien est-il différent ?

Staffan de Mistura: Je travaille à l'ONU depuis 42 ans, et je n’ai jamais vu autant de raisons cyniques faisant qu’un conflit comme celui-ci, qui aurait pu être résolu, continue depuis cinq ans, avec entre 220.000 et 240.000 morts, un million de blessés et quatre millions de réfugiés. Mais, en même temps, je me rends également compte que s’il y a une institution qui ne peut pas abandonner les Syriens, c’est l'ONU.

Nous avons fait de nombreuses tentatives, et nous allons continuer nos efforts, car finalement, ce qui se passe en ce moment, c’est que nous avons toute une génération de Syriens, de jeunes enfants, qui n’ont connu que la guerre, et cela ne fait qu'empirer. Et il n'y a pas de solution militaire. Aucune. Tout le monde le sait, le gouvernement et l'opposition, et tout le monde impliqué des deux côtés.

Centre d’actualités de l'ONU: Y at-il des raisons d'être optimiste sur les efforts actuellement déployés pour mettre fin à la guerre ?

Staffan de Mistura: Nous devons être optimistes. Chaque conflit a une fin, et ce conflit - qui est probablement le pire conflit en termes de conséquences humanitaires au cours des 40-50 dernières années - doit prendre fin après cinq ans. Nous assistons à des signaux qui indiquent non seulement que les gens sont épuisés - et nous le savions – mais que les gouvernements, les pays, les parties prenantes sont fatigués. Et surtout le sentiment est que, dans tout cela, le seul qui gagne du terrain est Daech.

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