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Les pays en développement donnent priorité à la protection sociale sur les coupes budgétaires - OIT

Des ouvriers du bâtiment à Astana, au Kazakhstan.
Banque mondiale/Shynar Jetpissova
Des ouvriers du bâtiment à Astana, au Kazakhstan.

Les pays en développement donnent priorité à la protection sociale sur les coupes budgétaires - OIT

Tandis que la majorité des pays dans le monde devraient réduire leurs dépenses publiques en 2015 et au-delà, d'autres choisiront la voie inverse pour étendre les mesures de protection sociale, indique un nouveau document stratégique publié lundi par l'Organisation internationale du Travail (OIT).

Selon le rapport sur les tendances politiques mondiales de la protection sociale 2010-2015, 120 pays vont réduire leurs dépenses publiques en 2015. Parmi eux, 86 sont des pays en développement. Le nombre global devrait passer à 131 pays en 2016.

Cependant, alors que de nombreux pays opèrent des coupes budgétaires dans les dépenses publiques, la plupart des pays à revenu intermédiaire étendent considérablement leurs régimes de protection sociale avec des effets immédiats sur la réduction de la pauvreté et des inégalités, alimentant ainsi leurs stratégies de croissance tirée par la demande intérieure.

« C'est une leçon instructive en matière de développement », a affirmé la Directrice du département de la protection sociale de l'OIT, Isabel Ortiz, dans un communiqué de presse. « Comme le montre cette étude, même dans les pays les plus pauvres, il existe des solutions pour dégager des marges de manœuvre budgétaire pour la protection sociale ».

Des pays comme l'Argentine et l'Afrique du Sud ont récemment mis en place des allocations familiales universelles. D'autres pays, la Bolivie, le Botswana, le Brésil, la Chine, les Maldives, la Namibie, Panama, le Swaziland et le Timor-Leste, ont, comme l'Afrique du Sud, atteint une couverture universelle ou quasi universelle des retraites. Beaucoup d'autres ont instauré des transferts sociaux pour les chômeurs, les mères, les enfants et les personnes âgées.

Certains pays à bas revenu ont aussi étendu leur protection sociale, essentiellement par le biais de filets de sécurité temporaires extrêmement ciblés avec de très faibles niveaux de prestation. Toutefois, dans un grand nombre de ces pays, les débats sont en cours pour établir des socles de protection sociale plus complets.

Les tendances mondiales en matière d'assainissement budgétaire devraient aggraver la crise de l'emploi et les tendances inégalitaires, indique l'étude. En Europe, ces mesures ont contribué à accroître la pauvreté et l'exclusion sociale, qui touchent maintenant 123 millions de personnes soit 24 pour cent de la population de l'Union européenne.

Dans les pays en développement qui n'investissent pas dans la protection sociale, les mesures d'ajustement devraient avoir des répercussions négatives sur des millions de ménages qui font face à des offres d'emploi plus rares et moins bien rémunérées, une hausse du coût des denrées alimentaires et des carburants, et un accès réduit aux services publics depuis que la crise a commencé.

L'étude de l'OIT analyse les politiques de protection sociale entre 2010 et 2015. Il montre que pendant la première phase de la crise (2008-09), des plans de relance budgétaire ont été initiés dans quelque 50 pays, et la protection sociale a joué un rôle majeur dans la réponse à la crise, à base de mesures expansionnistes.

Cependant, dans la seconde phase de la crise (à partir de 2010), de nombreux gouvernements se sont engagés dans l'assainissement des finances publiques et la réduction prématurée des dépenses, en dépit d'un besoin urgent d'aide au sein des populations vulnérables.

Un cinquième des pays subissent un resserrement budgétaire excessif, caractérisé par un niveau de dépenses publiques inférieur à celui d'avant la crise. Il s'agit de pays confrontés à de graves problèmes de développement comme l'Erythrée, le Soudan, le Yémen, le Sri Lanka, l'Ethiopie, le Nigéria, la Guinée-Bissau, le Guatemala et le Burundi, entre autres.

Les mesures d'ajustement prévoient d'éliminer ou de réduire les subventions alimentaires ou énergétiques, de mieux cibler les prestations de protection sociale, de réformer les systèmes de retraire et de soins de santé. Les gouvernements envisagent aussi des mesures pour accroître leurs recettes, par exemple en augmentant les taxes sur la consommation comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les produits de base qui sont consommés par les ménages pauvres.

« Dans de nombreux pays, les réponses politiques à la crise mondiale ont été décidées derrière des portes closes, comme autant de solutions technocratiques avec des concertations limitées voire inexistantes. Ce qui a souvent conduit à une incompréhension dans l'opinion publique, des troubles et des répercussions socioéconomiques négatives », a rappelé Mme Ortiz.

« Les gouvernements, les employeurs, les travailleurs et la société civile doivent se rassembler dans le cadre d'un dialogue national afin de garantir une reprise socialement responsable, orientée vers une croissance inclusive, la protection sociale et la justice sociale », a-t-elle ajouté.